5.8.2011Relations entre mémoire et métamémoire

5.8.2.1011Intention, profondeur de traitement et performance

Nous avions émis l'hypothèse qu'en condition d'encodage intentionnel136, la performance de mémoire serait meilleure, car les sujets, avertis du test futur, mettraient en place des stratégies de mémorisation optimales. Nous avions même proposé que cette hypothèse prévaudrait dans le cas d'un matériel plus difficile à retenir. Cette hypothèse suppose que les sujets disposent de processus de traitement qu'ils peuvent gérer en fonction des exigences des tâches. Nous proposions que le contrôle cognitif serait fonction de l'information acquise sur les caractéristiques du matériel à mémoriser et des tâches de mémoire. La connaissance, d'une part de la situation et de la tâche, d'autre part des moyens disponibles pour améliorer la performance, fait référence à la notion de métamémoire.

Lorsque la performance mnésique est mesurée par un test de rappel libre, l'encodage intentionnel n'est bénéfique que pour le matériel hautement élaboré. Le niveau de traitement de l'information est globalement un meilleur prédicteur de la performance que l'intention à l'encodage. Cependant, l'effet de profondeur disparaît dans une condition d'encodage intentionnel où les sujets doivent relever systématiquement la nature des relations qui unissent les deux mots d'une paire : la performance de rappel libre est équivalente pour des mots non-reliés, phonétiquement ou sémantiquement reliés. L'effet de la tâche d'analyse ne se manifeste pas par une augmentation de la performance sur le matériel le plus difficile, mais par une diminution de la performance sur le matériel le plus facile. Ce résultat pourrait montrer un effet de fatigue (puisque la condition d'encodage est un facteur intra-sujets et que la modalité « travail d'analyse» survient toujours en troisième phase de l'expérience). Les résultats en rappel indicé nous indiquent toutefois que cette diminution ne vient pas de l'absence d'encodage dans la mesure où nous observons, dans toutes les conditions, un fort effet de profondeur de traitement et que les performances en situation de travail d'analyse sont similaires aux performances en situation d'encodage intentionnel.

Il est plus probable que la diminution du rappel libre dans la troisième phase de notre expérience provienne d'un choix délibéré des sujets qui connaissent l'issue du test de rappel indicé (plus facile). Le plan de récupération prendrait en compte l'aide fournie par l'indice et deviendrait alors inefficace pour le rappel libre. Les sujets, familiarisés avec le matériel et les tâches, auraient tendance à déployer moins d'effort en rappel libre dans la troisième condition sachant qu'ils seront testés en rappel indicé. On peut supposer que cette stratégie leur permet également de porter leurs efforts vers la récupération prioritaire des mots non-reliés, qui sont les seuls à ne pas subir l'effet néfaste de cette troisième consigne.

Nous voyons qu'en rappel indicé, la performance s'améliore entre un encodage incident et un encodage intentionnel, pour l'ensemble des stimuli. La performance sous encodage intentionnel avec analyse systématique est équivalente à la performance sous encodage intentionnel « simple» ; cela suggère que les opérations d'analyse du matériel sont réalisées de façon spontanée chez les sujets jeunes. Cependant, considérant le rappel indicé pour les mots non-rappelés précédemment en rappel libre, nous constatons que la performance augmente réellement avec l'intention pour les matériels moins élaborés (non-reliés et relation phonétique). Le travail d'analyse systématique à l'encodage permet une amélioration du rappel pour les paires sémantiquement ou phonétiquement reliées137. Malgré les effets de l'encodage intentionnel, on observe toujours un fort effet de profondeur de traitement dépendant de la force du lien entre les deux mots de chaque paire. Il apparaît donc très difficile d'élaborer le matériel le moins structuré aux dépens du matériel très structuré, d'autant que le test de mémoire utilisé (rappel indicé) incite fortement les processus de réponse « descendants» 138 (top-down), favorisant ainsi l'évocabilité des réponses de type sémantique.

Notes
136.

Ce paragraphe mentionne uniquement les résultats obtenus chez les sujets jeunes.

137.

L'effet observé pour les paires sémantiquement liées tient à la faible performance en rappel libre. Nous avons interprété cette faible performance comme la manifestation d'une stratégie de la part des sujets qui tentent de retrouver le matériel le plus difficile sachant qu'ils subiront par la suite un test de rappel indicé.

138.

On a vu en effet que les réponses erronées de nature sémantique sont fournies face aux trois types d'indices.