5.8.2.2011Intention et adéquation de la certitude

Le sentiment de certitude associé aux réponses revêt une certaine objectivité. L'objectivité a été mesurée par le coefficient de discrimination (D) qui permet d'évaluer la capacité des sujets à différencier leurs bonnes et mauvaises réponses, et l'indice de calibration individuelle (C) qui permet de mesurer l'écart entre performance et certitude. Cette objectivité est toutefois modulée par plusieurs facteurs : le type de test de mémoire, les conditions d'encodage et le niveau de traitement original du matériel.

Globalement, l'évaluation des performances est meilleure en rappel libre qu'en rappel indicé (D et C). Nous pouvons aisément attribuer cette différence à la nature des processus de récupération en jeu dans chacun de ces tests. En rappel libre, le sujet doit lui-même gérer sa recherche en mémoire, en particulier en utilisant des indices contextuels. En rappel indicé, l'aide fournie suggère un plus grand nombre de réponses, qui peuvent être fausses tout en étant considérées comme plausibles par les sujets. Nous avons vu, par exemple, que face à un indice non-relié (voire même face à l'indice d'une paire phonétique), les sujets ont plutôt tendance à donner des réponses sémantiquement reliées. Ce type d'erreur existe peu en rappel libre. Le risque pris dans les deux tâches est différent.

Lorsque l'encodage des informations est accompagné de la connaissance du test de mémoire futur, les sujets tendant à mieux évaluer leur performance a posteriori (D et C). Il se pourrait que l'intention produise un renforcement de la trace mnésique, via certaines opérations de traitement, qui peut ensuite être plus facilement reconnue comme telle.

En rappel indicé, nous avons constaté que l'évaluation objective de la performance est fonction de la nature du matériel (D). L'évaluation des réponses non-reliées est meilleure que celle des réponses sémantiquement reliées lorsque l'encodage initial s'est déroulé de façon intentionnelle. Le niveau de profondeur a donc un effet contraire sur la discrimination entre réponses justes et fausses et sur la performance.

En réalité, les effets des trois facteurs (épreuve, consigne d'encodage et matériel) peuvent être interprétés selon un seul et même cadre théorique : la distinctivité (spécificité) des traces épisodiques. Plus une trace est distincte ou originale ou encore spécifique, plus facile sera le jugement de certitude. La spécificité est évaluée à partir des éléments du contexte d'encodage. Ainsi, les réponses liées sémantiquement ont une faible spécificité alors que les réponses non-reliées en ont une forte. Les réponses fournies en rappel libre ont une forte spécificité car elles sont produites à partir d'indices du contexte spatio-temporel. Les éléments encodés de façon intentionnelle ont peut-être reçu un traitement particulier qui leur procure une certaine spécificité... Ce résultat est toutefois relativisé par le fait que les réponses non-reliées ne sont pas mieux évaluées que les réponses reliées phonétiquement. Il se trouve que ce type de matériel est plus sujet aux confusions intra-listes et inter-listes, ce qui signifie que les réponses sont « justes» dans le sens où elles ont effectivement été présentées aux sujets, mais dans un contexte différent (associées à un autre indice).

Les indices de métamémoire sont liés à la performance et sont fortement corrélés entre eux. Cela signifie que plus la mémoire est bonne, meilleure est la capacité du sujet à en évaluer l'exactitude de ces réponses. Telle qu'elle est construite, notre expérience ne permet pas d'affirmer qu'une bonne métamémoire est un pré-requis pour une bonne performance : cela tient à ce que nous avons étudié la métamémoire à partir d'une tâche d'évaluation postérieure à la tâche de mémoire. Par contre, nous voyons que les sujets qui produisent le plus de bonnes réponses sont ceux qui parviennent le mieux à évaluer objectivement la qualité de ces réponses. La relation entre qualité de l'évaluation et performance découle en réalité du fait que les sujets ne fournissent pas leurs réponses de façon aléatoire ; l'acte-même de récupération comporte un processus d'évaluation qui permet un premier tri des items définitivement donnés comme réponses. Ainsi, les personnes fournissent-elles en priorité les réponses qu'elles estiment exactes et qu'elles classeront dans la catégorie de forte certitude. Plus ce nombre est élevé, meilleure sera l'auto-évaluation. Cela explique aussi pourquoi les performances de rappel libre sont plus correctement évaluées que les performances de rappel indicé : dans le premier test, le processus de recherche est initié et géré par le sujet ; donc, les critères de sélection des informations en mémoire sont assez stricts et procèdent en particulier de l'activation des informations contextuelles. Dans le second test, les indices dirigent la recherche en mémoire et permettent aux sujets d'évoquer un plus grand nombre de réponses possibles ; ces réponses peuvent être accompagnées ou non d'une réactivation contextuelle permettant d'évaluer leur authenticité.