6.5.4.2011Moyennes des performances en fonction des évaluations qualitatives

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Figure 6. 26 : Relation entre auto-évaluation de la performance réelle et niveau réel de performance en fonction des consignes d'encodage (groupes). Les chiffres présentés au côté de chaque point indiquent le nombre de sujets concernés.

Selon une procédure identique à celle utilisée dans les analyses précédentes, nous pouvons considérer les performances moyennes correspondant à chaque niveau d'évaluation afin d'obtenir plus de détail sur la relation entre niveau de performance et auto-évaluation (figure 6.26 et annexe 6.17).

Dans le groupe incident, il nous a été possible de mettre en évidence trois niveaux d'évaluation qui différencient significativement trois niveaux de performance. La corrélation entre évaluation et performance se manifeste par des différences significatives de performance entre ces trois niveaux d'évaluation (entre « très mauvais» et « mauvais» , t(28)=-2,18, p<.05, entre « très mauvais» et « moyen» , t(13)=-2,93, p<.02, entre « mauvais» et « moyen» , t(27)=-2,13, p<.05).

Dans les deux autres groupes de sujets (intentionnel et contrôle), la répartition des effectifs dans chaque catégorie d'auto-évaluation ne nous autorise pas à procéder à toutes les comparaisons de moyennes inter-niveaux (effectifs inférieurs à 5) ; en effet, les sujets évaluent leur performance en utilisant massivement deux seuls niveaux d'évaluation (« mauvais» et « moyen» ).

Chez les sujets soumis à la tâche d'orientation avec la consigne de mémoire, ces deux niveaux ne permettent pas de différencier clairement deux niveaux de performance (t(29)=1,69, p<.10), ce qui justifie le manque de corrélation entre les deux variables. De plus, il faut noter que la différence entre les performances évaluées comme « mauvaises» et « moyennes» va dans le sens opposé à celui de l'évaluation qualitative, c'est-à-dire que les sujets qui trouvent leur performance « mauvaise» ont en moyenne obtenu un meilleur rappel libre que ceux qui la trouvent « moyenne» . Il s'ensuit que la performance évaluée comme « mauvaise» est significativement meilleure dans le groupe intentionnel que dans le groupe incident (t(41)=3,20, p<.01) alors qu'elle est identique pour le niveau de qualité « moyenne» (t(15)=1,02, ns). Nous constatons encore une fois à quel point le jugement des sujets de ce groupe expérimental se trouve perturbé. Notamment, cette perturbation se manifeste à travers une sous-estimation de la qualité du rappel libre chez certains sujets. Le fait d'avoir été avertis à l'avance de la présence d'un test semble accentuer les auto-évaluations pessimistes des performances ; les sujets pensent sans doute qu'ils auraient pu faire mieux. On constatera en outre que, contrairement aux personnes du premier groupe, ils choisissent moins souvent le niveau « très mauvais» de l'échelle d'évaluation ; certains auraient donc tendance à se surestimer en refusant d'admettre une faible efficience mnésique.

Chez les sujets contrôles, les niveaux d'évaluations « mauvais» et « moyen» dissocient deux niveaux distincts de performance (t(33)=-4,31, p<.01), et ce, de façon objective. Les sujets qui trouvent leur performance « mauvaise» ont rappelé moins de mots que ceux qui la trouvent « moyenne» . Dans les deux niveaux d'évaluation, les performances moyennes sont nettement supérieures à celles des sujets des groupes incident et intentionnel (mauvais : t(37)incident=-9,58, p<.01, tintentionnel(36)=-6,67, p<.01 ; moyen : t(23)incident=-8,84, p<.01, t(26)intentionnel=-11,13, p<.01).

Le cas particulier du groupe intentionnel doit attirer notre attention. Les contraintes expérimentales exercées sur les sujets de ce groupe semblent perturber leurs processus de jugement. Cette hypothèse n'avait pas été envisagée ; au contraire, avions-nous proposé qu'une connaissance plus articulée des tâches et objectifs expérimentaux (intention) devrait résulter, non seulement dans une meilleure capacité de mémoire, mais dans une meilleure capacité de métamémoire, à savoir, capacité à émettre des jugements de prédiction et d'évaluation plus « objectifs» ou en accord avec la réalité. Cette hypothèse se trouve en revanche assez bien confirmée pour le groupe contrôle. Pour le groupe avec encodage incident et tâche d'orientation, nous observons, selon nos prédictions, des performances mnésiques médiocres (dues à la concentration sur la tâche de décision et la nécessité de répondre rapidement). Cependant, pour ces sujets, les évaluations restent assez objectives malgré une forte surestimation des capacité réelles : les sujets sont aptes à juger la qualité d'une performance prédite (bien que se basant sur une heuristique de calcul de proportion) ou d'une performance réelle. Concernant le groupe « intermédiaire» , en ce sens qu'il possède les informations sur la tâche de mémoire futur (comme le groupe contrôle) et qu'il est soumis à la tâche d'orientation (comme le groupe incident), on obtient des données partiellement contradictoires avec nos hypothèses. Sa performance est légèrement supérieure à celle du groupe incident, mais nettement inférieure à celle du groupe contrôle. Ses prédictions sont donc moins surestimées que celles du groupe incident sans atteindre le même niveau d'exactitude que celles du groupe contrôle. Par contre, les sujets de ce groupe se différencient de l'ensemble des autres par une incapacité à appréhender, de façon objective (au niveau du groupe) la qualité des performances (prédites ou réelles).