6.6011Résumé des principaux résultats de l'expérience

6.6.1011Effet de l'encodage intentionnel sur la performance

Nos données montrent que la tâche d'orientation, en incitant différents types de traitement des stimuli, perturbent sensiblement l'apprentissage relativement à une condition où les sujets peuvent gérer eux-mêmes leur processus d'encodage. Les effets de profondeur de traitement (Craik et Lockhart, 1972 ; Craik et Tulving, 1975) et de spécificité de l'encodage (Tulving et Thomson, 1973) sont répliqués dans cette étude. Il s'ensuit que l'encodage sémantique des informations est un bon prédicteur de la performance mnésique.

Néanmoins, nous obtenons un ensemble de données convergentes qui supportent partiellement notre hypothèse relative à l'effet bénéfique de l'intention sur la performance mnésique. Lorsqu'ils sont soumis à une tâche de décision lors de l'encodage et qu'ils doivent en supplément mémoriser les informations en vue d'un test futur, les sujets parviennent à une performance légèrement supérieure que dans une condition où seule, la tâche de décision est requise. Cette amélioration porte sur l'ensemble des stimuli et pas uniquement sur les mots associés à des contextes d'encodage moins élaborés (bas niveaux de traitement et incongruité entre question et cible).

Nous avons montré que la différence de performance provient essentiellement des mécanismes de récupération en mémoire qui sont mis en oeuvre plus rapidement au moment du test. En effet, en rappel libre total (somme des performances lors de deux essais séparés par diverses activités de jugement), la différence entre les deux conditions d'encodage s'estompe. L'intention ne permettrait donc pas nécessairement d'engranger un plus grand nombre de données, mais agirait plutôt sur la manière d'accéder à ces données.

Nous avons proposé plusieurs explications possibles de la supériorité de performance dans le groupe contrôle qui n'était pas soumis à une tâche d'orientation lors de l'encodage. Les sujets de ce groupe passent plus de temps sur le matériel au moment de l'encodage, prennent conscience de l'organisation sémantique de la liste et utilisent cette organisation au moment de la récupération, mettent en oeuvre des stratégies de mémorisation efficace pour la mise en mémoire à long terme des données (effet de primauté). Pour l'ensemble de ces comportements stratégiques, nous trouvons une tendance similaire chez les sujets soumis à la double consigne de mémoire et de décision : ils répondent un peu plus lentement aux questions, montrent un très léger effet de primauté, trouvent plus de catégories au premier essai de rappel libre et traitent différemment le premier élément de la liste. Toutefois, les stratégies ne peuvent pas s'installer facilement à cause des contraintes de la tâche, même si elles semblent participer positivement au niveau de performance. Aussi, il nous semble que le gain de performance est bien minime relativement aux efforts qui doivent être déployés pour satisfaire toutes les exigences de la tâche.

Nous pouvons dire que notre hypothèse sur l'effet bénéfique de l'intention est vérifiée à condition toutefois que les sujets disposent de moyens pour développer des stratégies efficaces. Les trois groupes comparés dans cette recherche peuvent se décrire ainsi :

  • Groupe 1 : encodage incident avec tâche d'orientation → pas d'intention de mémoriser → pas de stratégies de mémoire détectée → pas de contrôle de l'apprentissage → performance faible.

  • Groupe 2 : encodage intentionnel avec tâche d'orientation → intention de mémoriser → tentatives stratégiques détectées → possibilité de contrôle de l'apprentissage faible et perturbé par la consigne → performance faible.

  • Groupe 3 : encodage intentionnel → intention de mémoriser → stratégies de mémoire élaborées → possibilité de contrôle de l'apprentissage fort → performance élevée.