7.3.3.1011Relation entre variables conatives et jugements de métamémoire

Une seule des cinq variables conatives, le niveau de stress auto-estimé en début de session expérimentale, semble être reliée aux prédictions de performance171, mais uniquement dans le groupe contrôle (tableau VII. 6). Les corrélations positives montrent qu'un plus haut degré de stress donne lieu à de plus faibles prédictions. Une tendance similaire se retrouve chez les sujets du groupe intentionnel. Le niveau de stress, mesuré avant toute connaissance des tâches, pourrait intervenir dans la confiance accordée à leurs propres compétences (auto-efficacité) chez les sujets avertis de la présence d'un test de mémoire. Rappelons-nous que le stress était également lié dans ces groupes à la performance réelle.

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Tableau VII. 6 : Corrélations significatives (et tendances) entre auto-évaluation de dimensions conatives et jugements de métamémoire (prédictions, certitude et évaluations qualitatives). Significativité : italiques : .10 (tendance) ; * : .05, ** : .02, *** : .01.

Les évaluations de la forme générale, de la motivation pour participer à l'expérience et de l'intérêt pour l'épreuve ne sont pas liées aux prédictions de performance (r compris entre -.003 et .231). Dans le groupe soumis à la tâche d'orientation sans connaissance du test futur, la déception ressentie face à la performance réelle tend à être liée à la proportion de performance prédite (r=-.316, p<.10) : plus la prédiction est grande, plus la déception est grande. Dans ce groupe uniquement, le niveau de déception pourrait être basé sur une évaluation de l'écart entre la performance que les sujets pensent pouvoir atteindre et la performance réelle.

Bien que sensé refléter la confiance que les sujets possèdent dans leur propre capacité mnésique, le niveau de certitude associé aux prédictions n'est pas lié aux différentes variables conatives (tableau VII. 6). Nous avons vu par ailleurs (chapitre 6) que l'évaluation globale du degré de certitude associé aux prédictions n'est généralement pas liée à l'ensemble des mesures relevées dans cette expérience.

Les différentes évaluations qualitatives (de la performance prédite : EVA 1 et EVA 2, de la mémoire quotidienne : EVA Q, et de la performance réelle : EVA P) entretiennent des relations avec les variables conatives, notamment la forme générale, le niveau de stress et la déception. Le degré de motivation (r compris entre -.171 et .219) et l'intérêt porté à l'épreuve (r compris entre -.299 et .259) ne sont pas liés à ces évaluations qualitatives.

Nous mentionnerons tout d'abord une relation, sur l'ensemble des sujets, entre l'évaluation de la mémoire quotidienne et l'évaluation de la forme générale (r=.194, p<.05) ; cette corrélation, bien que faible et non-significative à l'intérieur de chacun des groupes, pourrait refléter une base commune aux deux évaluations (par exemple l'auto-efficacité personnelle) ou un biais d'auto-évaluation dépendant du bien-être subjectif ressenti à un instant donné. L'appréciation qualitative de la mémoire pourrait dépendre en partie de l'état général de bien-être des personnes. Il faut noter que les corrélations ne sont pas de même ampleur à l'intérieur des trois groupes (respectivement, .22, .07 et .23), ce qui distingue une fois de plus le groupe soumis aux plus fortes contraintes d'encodage.

Les autres corrélations significatives relevées dépendent des conditions expérimentales auxquelles ont été soumis les sujets. L'évaluation de la mémoire quotidienne est liée au niveau de stress et au degré de déception face à la performance dans le groupe intentionnel uniquement (respectivement r de .350, p<.05 et de -.346, p<.05) ; ces corrélations nous indiquent qu'un plus grand stress de départ pourrait influencer négativement la perception qu'ont ces sujets de la qualité de leur mémoire quotidienne et que les sujets les plus déçus par leur performance réelle sont ceux qui estiment que leur mémoire quotidienne est de meilleure qualité. On relève une relation similaire entre le niveau de stress et l'évaluation qualitative de la première performance prédite dans ce même groupe (r=.398, p<.02). Cette configuration de corrélation confère au groupe intentionnel une spécificité quant aux relations entre conation et auto-évaluation. En particulier, il semble que :

  • lorsque les conditions situationnelles exercent de fortes contraintes (consignes de double tâche), le niveau de stress soit une variable pertinente qui entre en jeu dans le processus d'évaluation qualitative ; plus de stress ressenti au départ (avant même d'avoir connaissance des consignes) s'accompagne d'une plus basse auto-évaluation ; soulignons que dans ce groupe, stress et auto-évaluation quotidienne sont aussi liés à la performance réelle, ce qui confère une certaine cohérence à la présente relation,

  • l'évaluation de leur déception ne reflète pas une analyse objective de la performance réelle, mais plutôt une analyse de l'inadéquation entre la représentation générale qu'ils ont de leur mémoire et leur performance à l'épreuve de laboratoire.

D'autres relations significatives impliquent l'évaluation de la performance réelle obtenue en rappel libre. Cette dernière est positivement corrélée au niveau de stress dans le groupe contrôle uniquement (r=.358, p<.05), ce qui signifie qu'un plus fort stress s'accompagne d'une auto-estimation de la performance plus faible, donc d'une dépréciation de la performance. Il est utile de se souvenir que dans ce groupe, le niveau de stress était aussi lié au niveau de performance réellement obtenu et que l'évaluation qualitative de la performance traduisait objectivement cette même performance ; il ne faut donc pas s'étonner d'une relation entre stress et évaluation de la performance, qui traduit finalement une certaine cohérence et une certaine objectivité des sujets dans leur processus d'auto-évaluation. L'évaluation de la performance est également associée au niveau de déception ressenti face à cette même performance : pour les groupes incident, intentionnel et contrôle, on trouve des valeurs r respectives de .404 (p<.02), .200 (ns) et .451 (p<.01). Là encore, par l'absence de corrélation significative entre les deux variables, le groupe intentionnel se distingue des deux autres groupes, chez qui, de façon logique, plus la performance est jugée bonne, moins la déception est forte. Nous avons vu précédemment que la déception ne semble pas s'appliquer aux mêmes phénomènes et s'exprimer par les mêmes processus d'évaluation d'une condition expérimentale à l'autre. En particulier, dans le groupe intentionnel, la déception se base sur la croyance d'auto-efficacité générale des sujets : les sujets se diront d'autant plus déçus qu'ils pensent avoir une bonne mémoire. Dans les deux autres groupes la déception se base sur une analyse réaliste de la performance réelle : les sujets déçus trouvent aussi que leur performance est mauvaise (à raison puisque leurs évaluations qualitatives sont corrélées à la performance réelle, voir chapitre 6 et tableau VII. 4, p.112).

Notes
171.

P1 : première prédiction, PP1 : proportion prédite (P1 / nombre estimé d'items), P2 : deuxième prédiction.