7.3.4011Conclusion partielle

Dans cette partie, nous avons confronté les auto-évaluations conatives avec les données de performance et de métamémoire relevées dans une situation de laboratoire (hypothèse 3.1). Il s'agissait notamment de vérifier la concordance entre des jugements plutôt affectifs et des jugements métacognitifs. La métamémoire comporte une dimension d'auto-efficacité, associée au vécu affectif du sujet, (Hertzog et al., 1987, 1989, 1990) et donnant lieu à un ensemble de croyances qui ne sont pas toujours prédictrices de l'efficience mnésique réelle. Aussi, il paraît pertinent de déceler quelques relations entre évaluations conatives et cognitives.

Nous remarquerons tout d'abord que deux niveaux d'évaluation semblent suffisants pour certaines échelles d'auto-évaluation conatives, en particulier celles qui paraissent plus sensibles au biais de désirabilité sociale (motivation, intérêt, déception). Nous avions fait la même remarque au chapitre 6 concernant les évaluations qualitatives de performance. Cependant, certaines échelles sont plus discriminantes ou sensibles et devraient être privilégiées, par exemple les échelles de stress et de forme générale. Le manque de sensibilité des échelles peut contribuer à affaiblir les coefficients de corrélation impliquant ces mesures. Malgré ce problème de sensibilité, nous avons pu mettre en évidence des relations significatives entre l'auto-évaluation conative et les autres mesures effectuées dans l'expérience.

Concernant les relations entre performance et évaluations conatives, les corrélations sont en général faibles et impliquent surtout les variables stress, forme générale et déception face à la performance réelle : dans les groupes intentionnel et contrôle, la force du stress ressenti en début d'expérience s'associe à une moindre performance ; dans le groupe incident, le bien-être général tend à s'associer à une meilleure performance ; sur l'ensemble des sujets, les plus déçus ont effectivement une performance plus basse.

Concernant les relations entre conation et jugements de métamémoire (prédiction, certitude et évaluations), les corrélations sont plus fortes pour les évaluations qualitatives 175 et pour les prédictions et impliquent essentiellement les évaluations de stress et de déception : dans le groupe contrôle, plus de stress donne lieu à de plus faibles prédictions ; sur l'ensemble des sujets, l'auto-évaluation de la forme générale est positivement liée à l'auto-efficacité mnésique quotidienne ; dans le groupe incident et dans le groupe contrôle, l'évaluation qualitative de la performance est cohérente avec le degré de déception ressenti ; dans le groupe contrôle, l'évaluation de la performance est aussi liée au degré de stress ; dans le groupe intentionnel, un plus grand stress s'accompagne de jugements qualitatifs plus bas (seconde prédiction et mémoire quotidienne) et une plus forte déception a lieu chez les sujets qui pensent par ailleurs avoir une meilleure mémoire.

Concernant les relations entre conation et exactitude de la prédiction, les corrélations les plus fortes sont trouvées dans le groupe incident (stress et déception) et dans le groupe contrôle (motivation et intérêt). Pour les sujets du groupe incident, un plus fort stress ressenti en début d'expérience et un plus haut degré de déception s'associent à une moindre exactitude des prédictions. Chez les sujets contrôles, une plus basse motivation au départ et un moindre intérêt a posteriori s'associent à une moindre exactitude des prédictions. Dans le groupe intentionnel, les seules tendances observées concernent l'évaluation de la déception : une plus grande déception s'observe chez les sujets les plus exacts.

Le résultat principal qui émerge de ces données apporte un éclairage aux interprétations précédemment portées sur la spécificité du groupe dit intentionnel. Face à de fortes contraintes, l'intention avait un effet minime sur la performance. Nous avons noté que les mécanismes de jugements métacognitifs étaient perturbés dans cette condition. Les présents résultats montrent que le groupe intentionnel se distingue également des deux autres groupes au niveau des jugements conatifs.

Notamment, nous constatons :

Ces résultats inattendus nous paraissent suffisamment cohérents pour mériter une attention particulière. L'originalité du groupe intentionnel consiste essentiellement en l'avertissement des sujets de la présence d'un test de mémoire, avant même qu'ils ne commencent la tâche d'encodage des informations. Bien que des études plus rigoureuses soient nécessaires, nous pensons que le patron de résultats observés provient essentiellement d'une illusion de contrôle déclenchée par l'avertissement préalable sur le test. Les jugements émis avant ou après le test de mémoire, mais après la phase d'encodage, souffrent d'un manque de réalisme, probablement car ils se basent sur des indicateurs éloignés des facteurs réellement à l'oeuvre dans la situation. Il ne suffit pas d'être avertis pour réussir une tâche de mémoire ; il faut également que les conditions de prise d'information soient compatibles avec un encodage en profondeur des données. Les sujets ne semblent pas suffisamment prendre en compte ces influences situationnelles. L'analyse des attributions causales devrait nous permettre d'approfondir l'examen de cette hypothèse d'une illusion de contrôle.

Notes
175.

Il s'agit des évaluations qualitatives des performances prédites, de la mémoire quotidienne et de la performance réelle en rappel libre.