7.6.1.1011Analyse de la structure individuelle des réponses

7.6.1.1.1011Comparaison des moyennes avec les moyennes théoriques

Tableau VII. 16 : Auto-évaluation de la mémoire quotidienne dans chaque groupe (somme des items). Le test t consiste à comparer les moyennes obtenues à la valeur théorique donnée par Baddeley (1993).
Groupes Somme des évaluation Ecart-type Effectifs test t (norme=58)
incident 92,538 21,624 13 5,759***
intentionnel 90,889 21,245 9 4,644***
contrôle 74,114 26,365 35 3,616***
ensemble 80,965 25,748 57 6,734***

Pour chaque item et la note totale du questionnaire, nous avons effectué des comparaisons de moyennes avec les normes fournies par Baddeley (1993a) sur la totalité des sujets de notre échantillon, soit 57 personnes. De façon surprenante, la fréquence d'occurrence des problèmes de mémoire décrit dans le questionnaire est sensiblement supérieure aux valeurs théoriques pour la majorité des items207, c'est-à-dire pour 20 items sur 28 (t(ddl=56) compris entre 2,056 et 8,433 ; cf. annexe 7.17). En conséquence, la note totale s'éloigne aussi significativement de la note théorique de 58 (moyenne de l'échantillon de 80,97 ; t(56)=6,73, p<.01 ; tableau VII. 16). Un seul item donne lieu à une fréquence estimée de difficulté inférieure à la moyenne théorique (item n°23 ; t(56)=-5,033, p<.01). Une telle divergence peut avoir de multiples origines liées notamment à des différences entre la population de référence (caractéristiques inconnues hormis le fait que ce sont des sujets normaux) et l'échantillon étudié (étudiants français). Une influence des conditions de notre expérience sur l'évaluation de la mémoire quotidienne ne doit pas non plus être écartée ; les sujets ont en effet répondu à ce questionnaire après avoir participé à notre expérimentation sur la mémoire sous différentes contraintes d'encodage.

Un examen du classement des différentes situations évaluées (items), selon, d'une part, la fréquence estimée par nos sujets et selon, d'autre part, les fréquences théoriques, révèlent toutefois que les items se classent globalement de la même manière dans les deux cas. Autrement dit, l'échantillon tend à évaluer les problèmes de mémoire les uns par rapport aux autres de façon identique à la population de référence (tableau VII. 18, p. 727). Du point de vue théorique, ce résultat est important car il souligne que, malgré d'importantes différences dans l'utilisation de l'échelle de fréquences, les sujets ont une perception identique des situations selon leur tendance à déclencher des oublis. Ce résultat est confirmé par le calcul de coefficients de corrélation entre les auto-évaluations moyennes fournies par les sujets de nos trois groupes et les valeurs médianes procurées par Baddeley (1993a, pp. 252-253).

Tableau VII. 17 : Matrice des corrélations, calculées sur les 28 items du questionnaire, entre auto-évaluations de référence (Baddeley, 1993a) et auto-évaluations moyennes dans les différents échantillons de sujets. Significativité (ddl = 26) : toutes les corrélations sont significatives à .01.
référence incident intentionnel contrôle ensemble
référence 1.000 6085 8164 7882 7726
incident 1.000 8686 8699 9358
intentionnel 1.000 9183 9529
contrôle 1.000 9844
ensemble 1.000

Toutes les corrélations sont fortes et significatives (tableau VII. 17), ce qui confirme un net accord entre les différents groupes considérés concernant le classement des situations de mémoire évaluées. Par exemple, comme dans la population de référence, nos sujets attribuent les plus faibles fréquences de difficultés mnésiques aux items n° 11, 2 et 19, respectivement, « Ne pas reconnaître un parent proche ou un ami que vous voyez souvent» , « Ne pas reconnaître un endroit où vous êtes déjà allé» et « Oublier un détail important qui vous concerne, votre date de naissance ou votre adresse par exemple» .

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Tableau VII. 18 : Classement des items du questionnaire d'auto-évaluation de la mémoire quotidienne selon la fréquence d'occurrence de chaque situation (les premiers items sont ceux qui posent le moins de problème), pour chaque groupe de notre expérience et dans la population de référence (Baddeley, 1993a). Pour faciliter les comparaisons, la liste ainsi ordonnée a été divisée en six parties comprenant respectivement 5, 5, 5, 5 et 3 items sauf en cas d'ex aequo dans un groupe donné (parties de 4 et 6 items). Concernant la norme, la liste est subdivisée en fonction des valeurs entières données comme références par l'auteur : 9 items avec le score 1, 12 items avec le score 2, 4 items avec le score 3, 2 items avec le score 4 et 1 item avec le score 5.

A l'inverse, les situations qui causent les plus grandes difficultés mnésiques sont les mêmes que dans la population de Baddeley et ses collègues : items n° 1, 13 et 5, respectivement « Oublier où vous avez rangé les choses. Egarer les objets dans la maison» , « Avoir un mot sur le bout de la langue, sans savoir de quel mot il s'agit, mais ne pas arriver à le retrouver» , « Devoir vérifier si vous avez effectivement fait quelque chose que vous deviez faire» . A partir du tableau de la page 656, nous constatons que la plupart des items (19 / 28) occupent des positions congruentes avec celles de la norme. Pour six items, il existe un accord de classement assez unanime entre nos trois groupes, mais sans correspondance claire avec le classement théorique ; par exemple, nos sujets tendent à trouver que la situation n° 23 (« Avoir l'impression que les visages de personnalités vues à la télévision ou sur des photos ne sont pas familiers» ) donne assez peu fréquemment lieu à des problèmes de mémoire par rapport à la population de référence (moyenne dans l'échantillon de 1,39 – position n°2/28 - versus moyenne de 2 pour la norme – position comprise entre 10 et 21). Inversement, les sujets de l'échantillon trouvent qu'ils « répètent, par erreur, ce qu'ils viennent de dire, ou posent deux fois de suite la même question à la même personne» (item n°27) assez souvent par rapport aux autres types de problèmes (moyenne de 3,19 – 16ème position ordinale - versus 1 pour la norme – position comprise entre 1 et 9). Enfin, seuls trois items (n° 6, 10 et 17) n'obéissent pas à un classement similaire d'un groupe à l'autre à l'intérieur de notre échantillon d'une part, et entre notre échantillon et la population de référence, d'autre part.

En résumé, si les valeurs moyennes de l'auto-évaluation quotidienne s'éloignent fortement des valeurs attendues, il faut convenir que la perception relative des différents types de difficultés mnésiques proposées dans ce questionnaire s'accorde avec les données obtenues dans la littérature. Des sujets issus de populations probablement distinctes font preuve d'une expérience mnésique quotidienne similaire. Ce résultat confère une certaine validité au questionnaire d'auto-évaluation de la mémoire quotidienne. Il existe des situations de mémoire quotidienne qui, du point de vue subjectif, donnent plus ou moins fréquemment lieu à des problèmes de mémoire. L'accord relevé entre deux groupes probablement très différents soutient fortement l'existence d'une perception objective des caractéristiques du fonctionnement de la mémoire dans diverses situations quotidiennes. Ainsi, le classement des items permettrait d'indexer la dimension connaissance de la métamémoire ; à notre connaissance, il n'a pas été utilisé comme tel et les chercheurs se préoccupent avant tout des valeurs numériques associées à chaque question.

Notes
207.

Les mêmes analyses réalisées pour chacun des groupes expérimentaux révèlent des résultats similaires (annexe 7.17).