7.6.6011Auto-évaluation de la mémoire quotidienne et attributions causales

L'étude des corrélations entre le type d'attribution de la performance réelle et l'auto-évaluation de la mémoire quotidienne peut également nous renseigner sur la cohérence des jugements généraux et spécifiques.

Concernant l'ensemble des sujets, trois corrélations entre attribution et auto-évaluation sont à noter (annexe 7.20). Le choix des items internes négatifs (e.g., manque d'efforts, d'attention, de motivation, mauvaise capacité) tend à être associé à un plus grand nombre de problèmes de mémoire dans des situations quotidiennes (r(55)=.22, p<.10). De plus les deux réponses relatives à l'effet du temps de traitement des informations à retenir sont liées au patron d'auto-évaluation : les sujets qui sélectionnent l'effet du temps passé à mémoriser comme cause de leur performance (5 sujets appartenant tous au groupe contrôle) estiment avoir moins de problèmes dans les situations quotidiennes (51) que les sujets qui n'ont pas sélectionné cette cause (83,85 pour ces 52 sujets) ; les sujets qui sélectionnent le manque de temps (22 sujets) estiment avoir plus de problèmes (91,32) que ceux qui ne sélectionnent pas cette cause (74,46 – 35 sujets).

Ces corrélations sont également présentes dans le groupe contrôle (r(33)interne-=.29, p<.10 ; r(33)temps+=-.36, p<.01, r(33)temps-=.43, p<.01). Ainsi, les corrélations obtenues sur l'ensemble des sujets ne traduisent pas spécifiquement un effet des conditions expérimentales, mais reflètent plutôt le poids du groupe contrôle, constitué d'un plus grand nombre de sujets. Comme le temps d'encodage était sous le contrôle des sujets (liberté), nous constatons que l'internalité des attributions est liée dans ce groupe à l'efficacité personnelle : lorsque les sujets évoquent des causes remettant en question leur propre intervention, ils présentent par ailleurs une auto-efficacité plus faible.

Dans le groupe incident, on observe une relation positive et assez forte (r(11)=.66, p<.02) entre la qualité de la mémoire quotidienne et le nombre d'attributions internes et positives de la performance en laboratoire (annexe 7.20). Les sujets qui estiment avoir plus de problèmes mnésiques invoquent plus fréquemment des facteurs internes formulés positivement (effet bénéfique sur la performance) pour expliquer leur niveau de performance en rappel libre. Ces facteurs sont par exemple la capacité de mémoire, l'effort, la motivation, la confiance, l'entraînement... Ce résultat contre-intuitif doit être pris avec précaution dans la mesure où il n'intègre réellement que les choix de trois sujets (qui seuls ont choisi ce type d'explications et qui estiment avoir le plus grand nombre de problèmes dans la vie quotidienne relativement au groupe). Eventuellement, ces sujets pourraient être parmi les plus sensibles à l'effet de consigne précédemment évoqué. La corrélation d'ensemble obtenue pour l'explication impliquant le manque de temps d'étude ne s'explique pas par le choix des sujets du groupe incident qui présentent plutôt la tendance inverse : les 7 sujets de ce groupe qui ont sélectionné cet item ont de meilleurs auto-évaluations (moyenne de 84,29) que les 6 sujets qui l'ont pas sélectionné (moyenne de 102,17). Le temps n'étant pas sous le contrôle des sujets de ce groupe (consignes de rapidité), on en conclura que cette tendance traduit une analyse adéquate des déterminants de la performance chez les sujets qui manifestent un bon niveau d'auto-efficacité.

Dans le groupe intentionnel, la plus forte corrélation implique également l'item sur le manque de temps d'étude ; cette corrélation non significative présente toutefois la même tendance que celle du groupe contrôle : les 5 sujets qui sélectionnent le manque de temps comme cause de leur performance obtiennent un score d'auto-évaluation (moyenne de 100) plus pessimiste que les 4 sujets qui ne le sélectionnent pas (moyenne de 79,5).

En résumé, les données d'attribution sont faiblement liées à l'auto-évaluation de la mémoire quotidienne mais peuvent être obscurcies par les faibles effectifs dans deux des trois groupes étudiés. Nous notons néanmoins une cohérence entre attribution et niveau d'efficacité personnelle dans le groupe contrôle : les sujets qui choisissent des causes supposées avoir un effet perturbateur sur la performance et relevant de leur propre contrôle se sentent aussi moins efficients au quotidien.