7.6.8011Conclusion partielle

Résumons les résultats obtenus à partir de la comparaison de l'auto-évaluation quotidienne de la mémoire et des données de laboratoire, tout en soulignant la nécessité de rester prudents du fait des faibles effectifs dans deux des trois groupes étudiés :

• si les auto-évaluations quotidiennes sont cohérentes du point de vue de l'aspect connaissance de la métamémoire (opérationnalisée par le classement des situations de mémoire selon la fréquence de l'échec), nous constatons néanmoins un effet des consignes expérimentales sur l'aspect auto-efficacité ; les sujets soumis précédemment à une situation contraignante, empêchant un traitement optimal des informations, interprètent leur performance comme un échec et leur auto-évaluation quotidienne s'en ressent ;

• l'auto-évaluation quotidienne de la mémoire n'est pas liée à la performance de laboratoire, confirmant le manque de validité prédictive des questionnaires généraux de métamémoire ;

• la fréquence des problèmes de mémoire quotidiennement rencontrés est liée aux évaluations de métamémoire dans le groupe contrôle uniquement (faibles contraintes), suggérant que les bases des jugements sont les mêmes dans ce groupe ; les sujets du groupe incident ne basent pas leurs jugements sur les mêmes informations quand ils évaluent leur performance durant l'expérimentation (leurs jugements sont assez exacts) et lorsqu'ils évaluent leur mémoire quotidienne à un moment ultérieur ; les sujets soumis aux plus fortes contraintes (peu nombreux à être concernés à la fois par l'expérience de laboratoire et le questionnaire d'évaluation de la mémoire quotidienne) ont un patron de réponse non cohérent : ceux qui ont le plus fort sentiment d'efficacité lors de l'expérience ont le moins fort sentiment d'efficacité dans le questionnaire ;

• l'exactitude de la métamémoire en laboratoire tend à être reliée à la force de l'auto-efficacité quotidienne dans le groupe contrôle uniquement : les sujets qui se surestiment lors du monitoring de leur mémoire en situation tendent à estimer qu'ils rencontrent moins de difficultés dans la vie quotidienne ; leurs jugements sont donc cohérents ;

• l'auto-évaluation de la mémoire quotidienne est faiblement liée aux auto-évaluations conatives émises lors de la session expérimentale, soulignant le rôle de l'état conatif du sujet sur le processus d'auto-évaluation ; chez les sujets laissés libres de gérer leur processus mnésiques, les états conatifs positifs sont associés à une auto-efficacité plus forte ; la tendance inverse des corrélations relevées chez les sujets non préparés à la tâche de mémoire soutient l'idée d'un effet du contexte expérimental sur les jugements généraux d'auto-efficacité (les états conatifs évalués en début d'expérience les plus favorables – peu de stress, forte motivation et bonne forme générale – tendent à donner lieu à une plus faible auto-efficacité) ;

• les données d'attribution causale de la performance sont peu liées à l'auto-évaluation de la mémoire quotidienne et ne soutiennent l'hypothèse d'une relation entre auto-efficacité personnelle et type d'attribution que dans le groupe contrôle (seul groupe où le contrôle effectif de la mémoire était réellement possible) ;

• le niveau d'anxiété, comme trait stable de la personnalité, est associé à une auto-efficacité quotidienne plus basse, en cohérence avec une conception affective de l'auto-efficacité mnésique ; cet aspect de la métamémoire dépend de l'état affectif et des croyances du sujet ; à noter que cette relation n'apparaît que dans le groupe contrôle, celui où les possibilités d'actions du sujet étaient optimales.

Au final, la plupart des résultats positifs présentés dans cette dernière partie implique le groupe contrôle, constitué en cours d'expérience afin d'évaluer l'impact perturbateur de la tâche d'orientation sur l'efficacité mnésique. Dans cette seule condition, où les sujets sont seuls maîtres à bord, nous parvenons à mettre en évidence un patron cohérent de relations entre jugements métacognitifs généraux et spécifiques, jugements conatifs, attribution et traits de personnalité. Cela peut provenir de la taille plus grande de cet échantillon et les futures recherches devront prendre en charge ce problème. De plus, une question importante restant à traiter concerne les éventuels effets de contexte sur les processus d'auto-évaluation de la mémoire, et sur les jugements de façon plus globale. Notamment, la nature de la perturbation des jugements métacognitifs et conatifs liée à une situation de fortes contraintes sur l'encodage intentionnel des informations devra être examinée plus en détail, à la lumière de l'hypothèse d'illusion de contrôle proposée dans le présent travail.