Introduction

Voilà maintenant près d’une vingtaine d’années, D.Anzieu, dans un article visant à dresser l’état des lieux des recherches sur les groupes, et se proposant d’en pointer les progrès et les zones d’ombres, concluait que toutes reposaient sur une hypothèse fondamentale : celle de la constitution d’un « espace psychique interne à l’appareil groupal » (1983, p. 7). Cependant, restait selon lui grand ouvert un domaine d’investigation, qui semble le demeurer aujourd’hui encore : « Comment cet espace interne s’étaie-t-il sur l’espace matériel occupé par le groupe (imposé à lui, conquis par lui, ou trouvé créé) ? Comment peut-il être organisé par l’introduction d’espaces symboliques intermédiaires ? » (ibid.). Et, réciproquement ajoutons-nous, comment interroger ce qui se vit dans cet espace extérieur, objectif, sans questionner ce qu’il fait vivre en nous, dans l’espace intérieur, subjectif, de notre psyché ?

Cette dialectique entre dedans et dehors est le creuset de problématiques complexes, que nombre d’auteurs ont déjà investie, s’intéressant soit au sujet, soit plus particulièrement, pour ce qui est du groupe, à ce qui se vit, dans l’intrapsychique, des relations intersubjectives... Mais la relation unissant sujet(s) et espace matériel – concret, objectif, inanimé ? – a toujours été explorée en prenant en considération de façon prépondérante l’une ou l’autre composante, et non leur corrélation, en termes processuels notamment. L’absence de mise en commun des savoirs et méthodes propres à chaque discipline susceptible d’investir pareille relation semble être une première explication à ce regard clivé. Mais, de façon plus profonde, cela ne proviendrait-il pas d’une défense encore tenace contre l’angoisse, tôt repérée par H.Searles , concernant notre apparentement à l’univers du non-humain ?

Aussi, dans cette recherche, nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse à la question posée jadis par D.Anzieu, et c’est dans le contexte particulier de l’institution que nous nous proposons de saisir ce lien, interrogeant le vécu de groupes à qui l’on impose un espace matériel, qui se doivent de le conquérir, et partant à qui se pose la question de le (re)créer après l’avoir trouvé.

Nous serons donc amenés à aborder un questionnement qui semble s’actualiser particulièrement depuis ces dernières années où l’institution est devenue le lieu et l’objet d’un travail de recherche et de théorisation de nature psychanalytique, portant sur les effets de l’inconscient qui s’y manifestent ; et particulièrement dans celles pour lesquelles la question des liens en souffrance se pose à propos des pratiques dans les lieux mais aussi du lieu des pratiques... forme d’interaction que nous entendons cerner au plus près non seulement de la clinique, mais aussi de l’architecture.

Notre position, dans le cadre de cette recherche, propose en effet d’opérer un décentrement par rapport à la littérature portant jusqu’ici sur l’institution et l’intersubjectivité... un détour, plus exac-tement : questionner les différents registres de réalité psychique convoqués, quand l’espace matériel prend fonction de médiation figurative, quand c’est d’architecture dont il est question... sous le jour bien particulier d’une souffrance dans les liens institués qui semble lui faire écho. Un tel objectif ne peut que rendre plus indispensable encore d’examiner de si complexes situations à travers les liens qui existent entre aspects formels et qualitatifs de l’espace concret, et l’expérience psychique qu’en font les usagers. Quel rôle, quel sens, prend l’espace architectural au coeur des relations intersubjectives et transsubjectives, quels processus ce détour mobilise-t-il ? Comment entendre ce qui se dit à bas-bruit d’une institution par l’intermédiaire de ses murs – qui, s’ils ont des oreilles, sont aussi, pour qui sait les entendre, doués de parole ?

Dans cette perspective, nous investirons conjointement la réalité spatiale de l’institution, dans ses caractéristiques les plus matérielles (structurelles, morphologiques, architectoniques...), et la réalité psychique institutionnelle, ainsi qu’éventuellement les divers autres niveaux de réalité psychique qu’elle emboîte (réalité psychique groupale, familiale, individuelle...), et tenterons de mettre en exergue la relation pouvant exister entre espace matériel et espace psychique institutionnels. Il s’agira autant d’en poser les conditions d’existence que d’en rechercher la nature et les fonctions. Mais, pour s’intéresser à l’espace, cette recherche n’en oblitérera pas pour autant la question de la temporalité, qui s’y intrique profondément dans la constitution du référentiel temporo-spatial propre à notre expérience de la réalité. Le temps dans l’espace, et l’espace à travers le temps... double transcendance qui, bien que complexifiant notre travail, est venue l’enrichir considérablement.

Parce qu’il s’agit bien ici d’ouvrir un chantier, d’en poser la première pierre, nous nous intéresserons à un type d’institutions dont l’actualité et la nouveauté pose question quant aux pratiques et à la souffrance des liens institués, en un moment où un premier bilan est possible avec le recul d’une vingtaine d’années que permettent les premières expériences.

Les M.A.S., architecture et représentations d’un lieu utopique de la réparation... à travers ce titre se trouvent (pro)posées les grandes articulations qui donnent leur unité et leur originalité à ce travail de recherche. Les Maisons d’Accueil Spécialisées, établissements prenant en charge à temps plein des personnes polyhandicapées et psychotiques gravement déficitaires, nécessitant soins constants et assistance permanente dans les gestes et actes de la (sur)vie quotidienne, forment le terrain de recherche sur lequel nous nous sommes donnés comme objectif l’exploration du lien existant entre l’architecture de ces institutions et ceux qui y travaillent, à travers les représentations qu’ils en ont, qu’ils s’en font, à travers ses modes de fonctionnement, et le vécu qui nous en est rapporté...

La particularité de ces établissements d’avoir dans leur très grande majorité été fondés par des associations parentales, nous a amenés à postuler, dans le cadre de nos hypothèses de travail, la position centrale de l’utopie dans ce type d’institutions ; ceci tant au niveau de la réalité psychique que de la réalité matérielle... tant au niveau de l’origine, comme processus à l’oeuvre dans leur fondation, que dans le vécu actuel, comme mode de fonctionnement... autant d’éléments permettant de localiser un premier trait d’union entre espace psychique interne et espace architectural externe à/de l’institution 1.

A cet égard, nous tenterons de montrer comment l’espace architectural semble être fait lieu de figuration de l’indicible, et comment, dans le détour par les murs et les signes qui lui sont prêtés, cet irreprésentable peut parfois resurgir dans le quotidien et la prise en charge thérapeutique, provoquant une effraction à la fois massive et violente dans les psychés.

Car, pour nous intéresser à l’espace architectural et aux groupes de soignants, nous ne pouvions pas ne pas rencontrer la question du handicap profond, dans ce qu’il génère chez les sujets qui y sont confrontés, dans des contextes prenant souvent valeur traumatique.

Dans la confrontation au handicap sévère, gravement invalidant pour la personne qui en est atteinte, ce qui semble toujours prévaloir est en quelque sorte un au-delà ou un en deçà de la réalité objective du stigmate corporel et/ou de la déficience mentale qui l’originent... Pour celui à qui s’impose la rencontre avec le handicap – dans une acception large : la personne handicapée, la situation de handicap, sa révélation... –, s’opère une mise en abîme de ses capacités à mettre en sens, face à un pouvoir évocateur trop violent... car évocateur de quoi ?

Dans pareille situation, la puissance des affects bruts, le réveil de nos plus archaïques angoisses, le pouvoir imagier des constructions collectives qui nous habitent, emplissent le plus souvent de leur résonance l’écart entre l’éprouvé qui nous submerge et le langage qui saurait le traduire. Cette faille qui se crée, c’est bien celle qu’entend habituellement, normalement, combler le travail de représentation.

Fonction et lieu de passage de la chose au mot, de l’éprouvé au sentiment, processus opérant la liaison, la transformation et la régulation, la représentation – par son activité, ses fondements, sa visée et donc, son résultat – témoigne de la rencontre entre le dehors et le dedans, entre l’archaïque et l’actuel, révèle le traitement du non-encore pensé et pensable en contenu intégré car doté de sens. Elle « n’est pas autre chose que cette articulation, que ce lieu de communication, que cette passe pour exprimer l’ineffable et l’invisible : mouvement entre le dedans et le dehors, l’intérieur et l’extérieur, l’inconscient et le conscient, le passé et l’avenir » (R.Kaës, 1976a, p. 22). On comprend donc que dans le contexte d’ébranlement qui caractérise la rencontre avec le handicap, l’activité de représentation soit submergée. Aussi, ce qui nous questionnait à l’origine de notre projet de recherche, rejoint l’interrogation de J.S. Morvan : « Qu’est-ce qui se présente et se représente lorsque surgit, dans la rencontre avec l’autre, dans la rencontre avec soi, le ’défait, le contrefait, le mal fait, le forfait’ ? » (1997, p. 26).

Autant dire que le propos que l’on tiendra ici, par le biais des représentations, s’intéressera moins au processus, dans son fonctionnement et ses achoppements – ce qui relèverait d’une autre recherche, car prendrait notre objet sous une autre focale – qu’aux effets induits par les contenus sur lesquels elles s’appuient et qu’elles véhiculent, parfois avec succès, souvent avec difficulté et dans la souffrance, participant ou non de l’histoire du sujet. Il s’agira ainsi de saisir ce qui est tantôt exprimé, tantôt réprimé, tantôt manifeste, tantôt latent... tâche complexe, car « par définition, la re-présentation est un revenant qui, également par définition, ne se laisse ni aisément voir, ni aisément saisir » (ibid., p. 32).

Pour aller plus avant, précisons alors que nous avons pris le parti, dans cette recherche, d’investir l’imaginaire, ce registre intermédiaire qui permet somme toute, face à la violence d’une situation, que du sens soit donné, que des mots soient livrés... qu’à partir de cet indicible latent puisse être proposé un discours manifeste. Dans l’écart et le lien qu’il opère, l’imaginaire dit à la fois les réussites et les ratés de la représentation, dans cette rencontre avec le handicap qui nous mobilise ici.

Grâce à l’oeuvre de l’imaginaire, du sens se trouve réintroduit sur ce qui n’en avait pas, ou plutôt résistait à se révéler. Il permet la présentation d’un vécu singulier à travers l’arrangement des images sociales, des éprouvés actuels, sur les vestiges de l’histoire personnelle. C’est donc à lui que nous avons trouvé légitime de nous intéresser. Les voies qu’il emprunte, les contenus auxquels il recoure, les mécanismes qu’il déploie pour aboutir à l’effet qu’il nous livre font de l’imaginaire, pour le clinicien, un matériau particulièrement riche. Car c’est bien par cet imaginaire que se livre quelque chose d’une (im)possible représentation du handicap et de ce qu’il fait vivre à celui qui y est confronté. Et c’est lui qui, dès lors qu’il réussit ce tour de force, persiste à orienter l’action du sujet : c’est en tout cas ce que l’on tentera ici de montrer. De plus, ce terrain de l’imaginaire, lieu d’articulation entre scène intrapsychique et intersubjective, dans la double limite (A.Green, 1982) qu’il prend en charge, permet ainsi que soit envisagée notre problématique dans le cadre groupal, qui fournit un étayage certain au psychisme du sujet dans la quête individuelle de sens qui est la sienne.

Mais cette quête de sens, par le biais de l’imaginaire, ne pouvait cependant pas être l’exclusive incursion du chercheur sur la scène inconsciente de la réalité psychique individuelle, groupale et institutionnelle qui forme le terrain de cette recherche. Se devant d’éviter de dépouiller les professionnels rencontrés d’une part d’eux-mêmes dont le sens même leur échappe le plus souvent, ce travail, dans ses modalités opératoires, était tenu a minima de permettre que s’initie un travail intime et collectif de mise en représentation, premier pas vers un travail de symbolisation qui signe l’intégration dans la psyché de ce qui jusqu’ici y était présent en souffrance, chez ces sujets groupés qui désiraient nous parler. Aussi, le choix de notre méthode de recueil de matériel devait-il prendre acte de cet objectif qui, pour être supplémentaire aux autres, n’en est cependant pas moins fondamental, dans le cadre d’une démarche de travail clinique. Investigation de l’imaginaire, articulation groupe / individu, travail de mise en repré-sentation... le Photolangage© est apparu bien vite comme l’outil et la méthode les plus indiqués pour conjuguer ces intentions, son caractère médiateur, facilitateur d’échanges, ayant achevé d’en emporter la conviction.

Au fil de sa lecture, celui qui nous suivra dans cette restitution de notre parcours de recherche rencontrera ainsi des images, celles proposées par nous, celles choisies dans les groupes pour dire leur réalité du lieu, les siennes, certainement aussi... Mais il lui sera donné aussi, fait certainement assez nouveau dans le cadre d’une thèse en psychologie clinique, de voir ce lieu à travers un autre filtre que celui du langage manifeste et du discours latent : on parlera d’architecture, on en soumettra les plans et les processus conceptuels à la question.

Ce travail, le lecteur l’aura compris, ne saurait donc s’inscrire que dans une approche dialectique entre réalité groupale / institutionnelle et réalité matérielle, et ce de par son auteur, de par son objet et sa problématique, et bien entendu de par sa méthodologie. Au Photolangage© travaillant sur et par l’image, répondra l’analyse architecturale travaillant sur un autre ordre de représentation, celle, graphique, encodant une réalité existante ou à venir, celle des espaces qui forment notre cadre d’expérience. Nous verrons qu’à travers elle, dans une démarche ma fois pas si éloignée de celle propre à la clinique, ces représentations peuvent elles aussi livrer des secrets sur les fonctionnements psychiques et les productions inconscientes de ceux qui en sont à l’origine.

C’est donc en véritable Spationaute que nous nous posons... au sens étymologique du terme : voyageur dans l’espace, dans les multiples catégories de l’espace... espace concret, espace imaginaire, espace figuratif, mais aussi espace intrapsychique et espace intersubjectif et transsubjectif, espace de l’origine et espace de l’actuel...

A cet égard, il nous semble opportun de revenir ici sur le parcours dans lequel s’inscrit notre recherche, dont ce temps d’écriture ne constitue qu’une étape dans son développement. Ce travail procède en effet autant d’un souci euristique portant communément sur la question de l’architecture et du psychisme qui l’habite – qu’elle habite ? – que d’une réflexion toute personnelle mue par un question-nement certainement très profondément inscrit dans la psyché du chercheur, l’architecte interrogeant en lui le clinicien : se peut-il qu’existe un jour ce lieu utopique du bonheur universel ? Ce lieu ne pourra-t-il jamais être le pur produit de la création d’un maître d’oeuvre devenu tout-puissant ? Ce mythe du retour au paradis originel n’est-il pas celui de toute ’vocation’ professionnelle de l’architecte, sous la tentation du démiurge qui sommeille en lui ? A la réponse assurément négative que l’on rencontrera, ne s’agit-il pas alors de chercher... pour mettre en pensée la réactivation de cette blessure narcissique intense, pour pouvoir l’élaborer et ainsi faire le deuil de l’incapacité récurrente à la plénitude et la satisfaction immédiate ?

Ces quelques questions nous amènent dès lors à convenir que, pour être novatrice, notre approche des relations profondes unissant l’homme à son environnement s’inscrit dans un champ d’investigations qui n’est pas neuf. Aussi, nous faut-il nous arrêter quelques instants sur l’état de la question, quand bien même, le lecteur s’en rendra assez rapidement compte, la nature même de nos préoccupations nous placerait résolument en marge des travaux existants.

L’intérêt en est cependant qu’une voie nouvelle a été ouverte, intégrant la dimension émotionnelle et relationnelle, dépassant le simple rapport matériel et fonctionnel à un espace qui ne serait qu’objectif et pure extériorité. Depuis ces travaux, on considère que l’espace n’acquiert sens et consistance que par et dans le vécu du (des) sujet(s) qui l’habite(nt). L’espace, pour être concret, matériellement édifié, est ainsi avant tout un espace symbolique, entrelaçant dimensions culturelle et sociale mais aussi individuelle. Aussi, devrions-nous dire : espaces.

Notre projet n’est pas de nous livrer à une présentation exhaustive mais plutôt de signaler les travaux les plus saillants, auxquels nous sommes redevables d’avoir jeté les bases d’une possible scientificité de ce champ de recherches entre groupes humains et environnement bâti. Dans cette perspective, nous allons, dans un premier temps, balayer les différents champs de la psychologie qui s’y sont intéressés, signalant les chefs de file et les principaux axes de leurs recherches, avant de traiter des apports plus résolument cliniques en la matière. Nous compléterons ce panorama, dans un deuxième temps, en nous penchant sur les travaux propres à l’analyse architecturale, science encore toute jeune.

De nombreuses études, menées pour la plupart dans les années 60-70 dans les pays anglo-saxons, ont permis d’asseoir une conception nouvelle du rôle de l’espace concret dans la vie psychique et les relations interindividuelles. Un nouveau champ d’investigation est né sous l’appellation de psychologie de l’environnement. Cette dernière est définie comme « l’étude du comportement humain en relation avec l’environnement défini et ordonné par l’homme » (Ittelson W.H., 1978).

Les principales recherches, s’intéressant au champ articulaire qui est le nôtre dans le cadre de cette thèse, ont donc été menées dans ce champ particulier de la psychologie – dont on doit préciser d’emblée que les fondements relèvent très majoritairement d’une psychologie sociale plus que clinique. En outre, quatre constatations peuvent être faites, relativement à cet ensemble de travaux appartenant au champ disciplinaire qu’est la psychologie de l’environnement :

  1. La multiplicité des thèses avancées – dans les sujets étudiés, les méthodologies employées et les édifices théoriques sur lesquelles elles se fondent – rend complexe l’établissement d’un cadre référentiel commun permettant une confrontation et un enrichissement des résultats,

  2. Dans l’ensemble, l’approche des dimensions architecturale et environnementale est essentiellement descriptive, l’analyse scientifique permettant la validation (ou l’invalidation) des résultats étant peu développée,

  3. Les travaux entrepris manifestent le plus souvent une approche clivée de la relation homme-espace concret, privilégiant l’un ou l’autre therme, sans mise en commun des méthodes de recherche propres à chaque discipline (celles de l’homme / de l’espace),

  4. La multiplicité des contributions à la connaissance apparaît encore insuffisante pour étayer solidement le domaine de la pratique.

Pour ce qui est des approches relevant de la psychosociologie, la plupart des travaux, déjà anciens, concernent de façon stricte l’étude des comportements humains dans l’environnement. Régulation des distances interindividuelles, contrôle des interactions, phénomènes d’appropriation et de respect de l’intimité ont été les principales voies d’investigation qui ont conduit les auteurs à la définition de concepts tels que la proxémie (Hall E.T., 1966), la privacité (Sommer R., 1966), la territorialité (Altman I., 1975). Cette approche territoriale des comportements dans leur dimension sociale et culturelle a amené les chercheurs à s’intéresser à l’espace personnel, à travers l’idée d’une zone psycho-spatio-corporelle actualisée en fonction de différents contextes relationnels, approche dont rendent compte les notions de bulle (Hall E.T., 1966) et de coquille (Moles A. et Rohmer E., 1977), notamment.

Pour ce qui relève d’un terrain d’étude plus proche de celui envisagé pour cette thèse, on remarque que nombreuses ont été les recherches portant sur l’environnement de l’hôpital psychiatrique, terrain de prédilection pour l’observation de réactions exacerbées. Parmi les plus intéressantes, s’inscrivant dans une perspective résolument clinique, on retiendra : les travaux sur l’apparentement entre le sujet et le monde non-humain (Searles H., 1960), ceux sur les processus d’appropriation et de détournement de l’espace concret par les malades (Faure H., 1965 et 1966 ; Leroy C. et alii, 1970) ainsi que ceux sur les représentations de l’espace architectural chez le personnel d’hôpitaux psychiatriques (Leroy C. et alii, 1970). On citera aussi les travaux visant la recherche de nouvelles configurations spatiales entraînant des changements de comportement chez les patients (Sivadon P., 1965 ; Proshansky H.M., Ittelson W.H., 1976 ; Rivlin L.G., 1976), l’étude de l’effet thérapeutique de l’espace matériel auprès d’enfants inadaptés (Bayes K., 1967 ; Berenson B., 1969), l’approche pluridisciplinaire de l’univers hospitalier à l’attention des psychistes et architectes (Osmond H., 1959). De ces travaux, on retiendra le souci d’une approche corrélationnelle entre caractéristiques physiques et dimension psychologique. Cependant, ces études empruntent trop souvent un modèle causal de la relation du sujet à l’environnement, en recherchant des facteurs propres à expliquer des correspondances univoques entre les variables du comportement humain et de l’espace matériel. Cette approche déterministe, descriptive car essentiellement basée sur l’observation, nous semble écarter la dimension dynamique complexe qui est au coeur des transactions entre individus et environnement, en même temps qu’elle fait souvent l’impasse d’une analyse scientifique poussée des composantes spatiales.

Pour en venir à une approche clinique des relations entre groupes et espace, il faut noter d’emblée la place centrale des travaux s’étant intéressés à l’habitat et au groupe familial. Cette problématique a été abordée sous de multiples angles : très tôt J.Palmade (1977) a montré comment l’habitat peut recouvrir une fonction d’étayage de la personnalité et du lien familial, ce que F.Lugassy (1975, 1989) a développé en mettant en avant la relation dialectique existant entre l’ancrage et la spatialisation de l’identité dans le corps et dans le logement. C’est plus particulièrement le développement de la thérapie familiale psychanalytique qui a permis de voir émerger un questionnement relatif à l’espace matériel du logement, s’intéressant au lien unissant habitat et dynamique familiale. Le dernier colloque organisé en janvier 1999 par la Société de Thérapie Familiale Psychanalytique d’Ile-de-France : La Maison familiale, Mémoire des Liens, en témoigne 2. A.Eiguer (1983, 1999) par exemple, dans cette perspective, s’est attaché à mettre à jour une représentation globale de l’habitat – ses caractéristiques topographiques, le réseau des objets, la localisation des membres de la famille induisant des modalités spécifiques du lien intersubjectif –, sous le terme d’habitat intérieur. Sa double assise réelle et imaginaire, lui confère une valeur articulaire entre réalité matérielle externe et réalité psychique interne, et l’auteur lui reconnaît différentes fonctions : à celle, fondamentale de contenance – assurant la distinction dedans/dehors et dotant le logement d’une dimension cadrante, au sens blégérien –, il ajoute les fonctions identifiante, d’historicisation, de figuration créatrice et esthétique.

Pour ce qui est de l’espace du groupement et de l’institution, dans la perspective clinique qui est la nôtre, on notera que la prise en compte de la dimension groupale a amené les chercheurs à travailler sur les processus à l’oeuvre dans l’intersubjectivité dès lors que certaines configurations spatiales entrent en jeu : travaux sur le groupe large (Kaës R., 1974, 1976a), sur le dispositif du psychodrame (Anzieu A., 1982 ; Duez B., 1996), sur l’infrastructure imaginaire des institutions de soin (Fustier P., 1987) ou sur certaines qualités de l’espace matériel pouvant accueillir des fonctions psychiques : débarras, interstice (Roussillon R., 1987). Ces travaux ne mènent cependant pas d’étude sur les composantes matérielles de l’espace qu’ils convoquent dans l’organisation inconsciente des liens intersubjectifs et institutionnels. Il en va de même des nombreux chercheurs qui, dans le même axe de travail, se sont attachés à la définition et la théorisation du concept de cadre institutionnel.

Pourtant, ce lien intime qui nous unit du plus profond de nous à la réalité extérieure, ne peut que tous nous questionner... et le récent propos de J.P.Vidal ne nous y invite-t-il pas ? Il nous dit : « par-delà l’expression symbolique d’un ordre culturel ou la projection conjoncturelle d’un ordre social, dans l’aménagement d’un territoire, la définition d’un environnement ou les conditions élémentaires d’un établissement humain, il nous faut convenir que cette création et composition mentale n’est fondamentalement que la projection externalisée d’un espace psychique » (1999, p.13).

Pour en terminer avec ce bref aperçu de l’état de la question, il nous reste à livrer quelques éléments relatifs à la recherche architecturale. Celle-ci, utilisant des méthodes d’analyse typo-morphologique, est une science encore jeune et peu répandue. Elle vise l’analyse de composantes physiques d’un corpus de bâtiments (ou de parties de bâtiments) en vue d’en atteindre une compréhension raisonnée quant à ses caractéristiques d’identité et de diversité morphologique. Jusqu’à présent, seules les études à orientation historique, esthétique ou constructive ont été particulièrement développées (Duprat B., Paulin M., 1991). Une autre voie de recherche portant sur les représentations est suivie, mais essentiellement du point de vue sémiotique (Renier A., 1982) ; la psychologie investit en effet assez peu les recherches pluridisciplinaires en ce domaine, la sociologie y restant dominante. Le troisième champ d’exploration, enfin, porte sur les processus de conception en architecture (Prost R., 1992 ; Boudon P., 1971, 1992).

A notre connaissance, il n’est donc pas d’étude strictement attachée à la mise en exergue de l’existence d’un lien entre les caractéristiques matérielles de l’espace et les formations de l’inconscient qui s’y manifestent. A tout le moins, pas de recherche ayant recours aux méthodes d’analyse clinique, tout en employant des outils d’investigation scientifiques concernant la matérialité de l’environnement étudié. Il s’agira donc autant ici de s’attacher à apporter des connaissances intéressant la question qui nous occupe que de mettre en place une méthodologie intégrant les deux dimensions explorées, avec leurs spécificités et techniques d’analyse respectives, leurs contraintes épistémologiques et outils théoriques propres.

Terrain encore peu exploré, avons-nous dit, car malaisément problématisable et nécessitant une approche, de fait, transdisciplinaire, ce type de recherche recquiert tant l’utilisation des outils et théories de l’analyse clinique, que celle de l’approche scientifique des objets architecturaux.

En effet, par-delà les approches existantes, ne semble-t-il pas plus pertinent aujourd’hui de questionner l’institution comme terrain de déploiement de multiples niveaux de réalité psychique, dans sa relation avec les murs qui le conforment ? Si deux modalités d’études s’ouvrent à un tel questionnement, celle propre à la clinique et celle propre à l’analyse des objets architecturaux, elles gagnent considérablement à se compléter ; et surtout à être prises conjointement dans une même perspective sur un objet d’étude commun qui, pour ne plus être les formations de l’inconscient d’une part, les bâtiments comme systèmes de formes d’autre part, serait bien la relation qui les unit les unes aux autres.

Ce souci d’interroger cette relation dans une double perspective, ou plutôt dans une perspective double répond à celui de cerner une réalité effectivement trop peu questionnée encore. Par rapport aux travaux existants, cette posture demande, au terme de ce temps d’introduction, que nous précisions au lecteur les enjeux et objectifs que nous nous donnons d’atteindre par cette recherche, au-delà de la seule modélisation de son objet.

D’un point de vue général, ce travail se donne pour objectif l’ouverture du champ spatial – dans toute sa concrétude – à l’investigation clinique, et donc de contribuer, en ouvrant ce vaste chantier, à faire tomber quelques barrières entre des disciplines, qui ne peuvent plus ignorer les profondes affinités qu’entretiennent certains de leurs objets d’étude. La mise en place d’une démarche de problématisation de ces questions articulaires et d’une méthodologie de recherche prenant en compte les appareils théoriques, conceptuologiques et méthodologiques des disciplines concernées, constitue donc le corollaire, bien que sous-jacent, à l’objectif de cette thèse.

L’objectif particulier de ce travail est, ici, de signifier que la question du sens porté par les murs, dans le champ de la santé mentale moins qu’ailleurs, ne peut faire l’objet d’aucune impasse, sous peine de faire subir de graves préjudices au projet dans ses multiples registres : thérapeutique, institutionnel, architectural. Développons ces objectifs à travers les trois enjeux qu’ils recouvrent.

D’une part, c’est bien la modélisation clinique que nous proposons ici d’un type particulier de relation groupe / espace concret repérable dans certaines institutions qui, bien que fournissant une première illustration de la validité d’un plus large questionnement, n’en constitue pas moins une finalité euristique propre.

D’autre part, c’est la teneur épistémologique de l’étude transdisciplinaire sous-tendant notre démarche qui se présente comme un deuxième enjeu... nous permettant de poser quelques jalons nécessaires à l’identification des outils permettant que se rencontrent ces deux domaines de recherche : modèles communs, concepts articulaires, méthodes d’analyse. C’est bien aux possibilités d’articulation des appareils théoriques et méthodologiques des deux champs concernés qu’il va falloir être attentif... rencontre sans laquelle il nous semble impensable d’accéder à une compréhension raisonnée de la relation homme / espace concret.

Enfin, la visée opérationnelle des résultats ne sera pas mise de côté, bien que ce travail s’inscrive pleinement dans un domaine de recherche fondamentale. Et ce dernier enjeu vise tout autant le champ de la psychologie clinique, que celui de l’aménagement spatial. On propose en effet d’y jeter des bases nouvelles et originales pour une réflexion sur les pratiques de soin et leur spatialisation : appropriation des lieux, adéquation aux activités médico-éducatives, réflexion et élaboration du projet institutionnel. On espère aussi autoriser une évaluation diagnostique plus fine des structures et permettre une évolution raisonnée des pratiques de/dans l’espace concret. Ceci passe entre autres, en amont, par une assistance à la maîtrise d’ouvrage, et par une approche des pratiques soignantes, et peut aller jusqu’à fournir les bases d’une véritable démarche qualité en programmation et conception des équipements dans le domaine de santé mentale, en vue de leur optimisation par rapport à leurs missions.

Les chemins, dont j’espère qu’ils pourront être ouverts à partir de cette recherche, devraient ainsi nous conduire à traverser des contrées disciplinaires apparemment jusqu’ici relativement isolées l’une de l’autre, pour nous faire aboutir en des lieux où l’incongruité d’un tel écart pourra enfin apparaître sous les atours de l’évidence. Mais n’anticipons pas trop, et réservons le développement de ce propos pour notre conclusion.

Voici posés maintenant les jalons qui étaient nécessaires à la présentation de ce qui fait l’identité de cette recherche, pour mieux permettre au lecteur d’avancer, par la suite, avec nous, dans son développement. Il ne nous reste donc plus à présent qu’à expliciter le parcours auquel le nous convions à travers cette thèse.

Nous avons décidé d’exposer, à travers ce mémoire, non seulement la substance de nos travaux, mais aussi et surtout de donner à voir le parcours de recherche que nous avons suivi. Le lecteur s’en rendra vite compte, une telle posture se justifie essentiellement en regard de sa nature transdisciplinaire. Pour ce faire, quatre parties en assurent le développement.

La première sera consacrée à la présentation générale de cette recherche, au cours de laquelle en seront explicitées les composantes fondamentales, ainsi que les réflexions préliminaires et les élaborations théoriques nécessaires à sa mise en chantier.

Ainsi, le premier chapitre sera l’occasion de restituer, sur la base de la définition de notre objet de recherche et du terrain choisi – les M.A.S. – pour l’étudier, la phase préparatoire de réflexion et de questionnement qui a nourri la problématisation de notre recherche... l’objectif de cet exposé étant de livrer au lecteur les bases sur lesquelles reposent le libellé final de notre problématique, ainsi que les attentes exploratoires visées par notre hypothèse principale de recherche et la formulation, requise pour en examiner toutes les facettes, de quatre sous-hypothèses.

Le second chapitre, dans le droit fil du précédent, sera consacré à une présentation de la méthodologie qui assurera la cohérence interne à cette recherche se développant à la frontière de domaines scientifiques différents dans leurs objets, leurs méthodes et leurs fondements théoriques. Les dispositifs adoptés pour investir conjointement notre objet de recherche feront l’objet d’une explicitation, tant dans le champ de la psychologie clinique que dans celui de l’analyse architecturale. Mais ce sont essentiellement les implications propres à la nature transdisciplinaire de cette recherche qui seront examinées, principalement dans les enjeux méthodologiques et épistémologiques soulevés par les aspects techniques propres à chacune des disciplines investies ici. La chronologie du processus de recherche que cette thèse entend ici restituer fera, à cette occasion, l’objet des justifications requises.

La nécessité de réviser le cadre de référence théorique dans lequel nos travaux pourront ici s’inscrire et les résultats obtenus être mis en discussion s’impose comme conséquence même de la double référenciation de notre recherche du côté de la clinique et l’analyse architecturale. Ce sera donc l’objet du troisième chapitre que d’en rendre compte. La place prédominante que nous accordons à la question de l’utopie dans notre recherche nous amènera à lui accorder toute notre attention. En effet, l’hétérogénéité des champs disciplinaires qui se sont intéressés à l’utopie, de même que l’usage flou qui est fait de ce terme aujourd’hui fort galvaudé, ne permet pas, selon nous, d’en dégager spontanément un concept propre à étayer un travail de nature scientifique. Cela nous amènera donc à restituer au lecteur cette étape cruciale dans notre parcours de recherche qu’a été l’élaboration d’un modèle théorique unifié de l’utopie, permettant de prendre en compte à travers une visée cohésive des apports aussi différents, mais non moins capitaux pour mettre ultérieurement en travail notre objet de recherche au regard du matériel, que sont l’histoire des théories urbanistiques et architecturales, la sémiolinguistique et la psychologie clinique. Signalons aussi que ce troisième chapitre réservera une place à la présentation du modèle de l’institution totalitaire, élaboré par le sociologue E.Goffman (1961), et auquel nous accorderons une grande importance dans ce qu’il nous permettra de mettre en relief dans la problématique de la fondation d’institutions telles que les maisons d’accueil spécialisées.

Notre deuxième partie, sur les bases explicitées lors de la précédente présentation de notre méthodologie, visera à rendre compte de notre travail d’analyse architecturale.

Le quatrième chapitre sera le terrain d’une rencontre, pour notre lecteur, avec la spécificité disciplinaire de l’étude scientifique des objets architecturaux. Une fois présenté dans ses grandes caractéristiques notre corpus d’établissements, ce sont deux méthodes d’investigation des propriétés formelles, structurelles et configurationnelles des spécimens qui le constituent qui seront présentées dans leur intégralité : d’une part l’analyse morphométrique, visant l’identification, la catégorisation et la classification automatique de formes architecturales, et d’autre part l’analyse typo-morphologique basée sur l’observation méthodique comparative de ces dernières. De nombreux arguments président à ce choix, et nous les exposerons pour expliciter l’adoption d’une telle posture méthodologique, visant à présenter dans le corps du texte l’intégralité de cette démarche analytique.

Le cinquième chapitre fera, sur cette base, oeuvre de transition avec la troisième partie, puisqu’il sera le lieu d’une synthèse sur les apports des analyses précédentes, mais aussi d’une mise en forme des typologies qu’elles permettent de dresser pour restituer la structure intelligible du corpus étudié. Les bases seront ainsi établies pour rendre compte du choix argumenté des institutions qui seront prises comme terrain de recherche clinique.

Notre troisième partie fera une très large place à la clinique, puisqu’elle sera le lieu d’une présentation très resserrée du matériel et de son analyse, que nous avons dans un premier temps souhaitée au plus près du matériel, afin de pallier le caractère inévitablement réducteur d’une lecture menée trop en amont par le filtre des hypothèses de recherche.

Les quatre institutions qui constitueront notre clinique principale trouveront ainsi dans le sixième chapitre le lieu de leur présentation. Dans un premier temps, et pour chacune d’entre elles nous adopterons la même démarche, le matériel réuni en séance avec le groupe Photolangage© sera restitué, permettant au lecteur d’en faire une lecture personnelle, sous le coup de ses propres associations et par le biais des hypothèses d’interprétation qu’il voudra formuler. Nous lui proposerons alors, dans un second temps, de prendre connaissance de notre analyse du matériel. Cette posture recouvre bien entendu des enjeux de nature méthodologique – entrelacer la restitution et l’analyse d’échanges groupaux à partir de photos au cours d’une séance de plus de deux heures ne va pas sans quelque obscurité – aussi bien qu’épistémologique – laissant émerger les possibilités d’une mise en question des perspectives d’interprétation adoptées par le chercheur.

Nous consacrerons le septième chapitre de ce travail d’écriture à nos cliniques d’appui, et plus particulièrement aux textes législatif (1978) et associatifs (1979 et 1995) concernant la création des maisons d’accueil spécialisées, ainsi qu’à un projet idéal de M.A.S. auquel s’est consacré un groupe de recherche, dans les années 1990. Nous aurons l’occasion de mettre en avant des éléments cliniques susceptibles de questionner ultérieurement les résultats ressortissant de l’analyse de notre clinique principale.

Notre quatrième et dernière partie restituera à notre parcours de recherche sa réelle valeur transdisciplinaire, en ce qu’elle sera le lieu d’une mise en travail du matériel clinique analysé précédemment et du matériau architectural étudié avant lui, dans une reprise transversale visant la discussion de nos hypothèses de recherche et le travail d’élaboration théorique qui en sera la finalité.

Dans cette perspective, l’examen de notre hypothèse principale nous occupera tout le long du huitième chapitre, où nous tenterons d’en démontrer le bien fondé dans l’articulation principale que nous permettront de repérer et de questionner deux cas de notre corpus.

Le neuvième chapitre sera par contre le terrain d’une mise en travail de nos quatre sous-hypothèses, trouvant les éléments nécessaires à leur validation ou invalidation tant dans les cas de notre clinique principale que dans le matériel de notre clinique d’appui, ceux-ci se trouvant confrontés aux résultats dégagés par l’étude architecturale des établissements. Chaque hypothèse y fera l’objet d’un examen séparé, le chapitre comportant en toute fin d’analyse une partie réservée à la synthèse des conclusions progressivement formulées et à la modélisation du processus étudié dans cette recherche.

Le dixième et dernier chapitre, enfin, nous fournira l’occasion d’un certain élargissement de notre questionnement, proposant de replacer les résultats dégagés dans les deux précédents, dans un cadre plus large, pour les inscrire dans des problématiques qui, pour faire l’objet de multiples travaux de recherche, reposent sur un cadre théorique au sein duquel nous nous devons de prendre position. Aussi, nous réserverons ce dernier chapitre à un travail d’élaboration théorique de nos résultats, au cours duquel nous examinerons dans quelle mesure notre recherche peut trouver appui sur les travaux existants, ou éventuellement interroger ces derniers sous un jour nouveau.

Pour clore ce travail d’écriture, notre conclusion sera l’occasion d’une ressaisie des principaux enjeux et apports de cette recherche dans le domaine de la psychopathologie et de la psychologie clinique, mais aussi dans le chantier qui y a été ouvert pour interroger une dimension encore peu investie dans cette discipline : le lien unissant réalité psychique et réalité matérielle, homme et groupes humains à leur environnement a-subjectif. Des questionnements ne manqueront pas d’apparaître, en cette fin de parcours... ils constitueront le point de départ d’autant d’ouvertures à ce travail de recherche, sur lesquelles nous ne manquerons pas d’attirer l’attention de notre lecteur.

Notes
1.

Pareille hypothèse, dont la formulation est ici posée succinctement, se trouve être le fruit d’une élaboration assez longue, d’abord sourd questionnement dans l’inconscient de l’architecte-apprenti-clinicien, puis intuition plus affirmée et mise en travail dans notre recherche de D.E.A. (Courteix S., 1997), inférence progressivement formulée enfin, depuis la mise en chantier de cette thèse, et qu’il s’agit ici de valider, dans un énoncé qui, sous notre plume, devait trouver sa forme au terme d’un long voyage dans le brouillard, quand, ayant découvert Utopia (More T., 1516) nous avons enfin touché terre...

2.

Colloque de la Société de Thérapie Familiale Psychanalytique d’Ile-de-France, La Maison Familiale, Mémoire des liens, Paris, janvier 1999.

Contributions in : La maison familiale, Le divan familial , 1999, n°3, pp. 7-170.