2.3.1.2 Discussion des hypothèses à partir des analyses

Notre objet de recherche étant bien le lien entre architecture et réalité psychique, nos hypothèses s’efforçant d’en rendre compte de façon articulaire, il s’agit donc de dissocier plusieurs étapes dans notre approche du matériel sensé les mettre à l’épreuve.

Ainsi, les données architecturales seront redevables d’une analyse, sans en orienter les conclusions à partir des hypothèses, sous peine de n’en rendre compte que de façon partielle. De même, le matériel clinique sera présenté puis fera l’objet d’une analyse au plus près de son contenu, faisant abstraction des hypothèses de départ. Chaque institution sera ainsi investie séparément, dans un premier temps.

Ensuite, matériels et analyses seront exploités en regard des différentes hypothèses de recherche, dont la mise en discussion se fera dans l’articulation des deux dimensions clinique et architecturale, et par le biais des questions que leur rencontre soulève.

On se livrera ainsi à une double approche, développée en deux temps successifs :

  • L’une favorisant une entrée longitudinale centrée par discipline sur le matériel redevable, au sein de chacune, de la phase analytique,

  • L’autre orientant dans une voie transversale la mise des hypothèses à l’épreuve du matériel et de son analyse, à partir d’une reprise conjointe des deux champs, pour mettre en exergue ce qu’il en est du lien psychique / matériel, qui est l’objet même de notre recherche.

Dans cette perspective, on s’attend bien entendu à devoir inférer, en fin de parcours, à partir des représentations et de l’imaginaire communiqués par les soignants, et de ce qui a pu être déposé, incrusté dans les murs, sur la base de l’analyse typo-morphologique, ce qui semble renvoyer à l’origine du projet d’instituer. Nous devrions, à l’issue de ce travail, avoir répondu aux exigences de notre position de conteur.

Sur la base des hypothèses formulées, différentes voies peuvent s’ouvrir à l’analyse et l’interprétation croisée des résultats obtenus, dont on peut pressentir ici la teneur. En voici quelques exemples :

  • La figuration du mode de fonctionnement psychique des groupes instituants (fantasmatique prédominante, niveau génétique considéré, modalité des liens et organisateur psychique inconscient, mécanismes de défense à l’oeuvre, etc.),

  • La part prise par les prescriptions normatives issues des textes régissant l’organisation et la création des maisons d’accueil spécialisées : à travers les énoncés officiels et les motivations officieuses du groupe social, un texte légal se présente en effet comme le reflet d’idéologies et de théories spontanées formulées dans ce groupe, à un moment donné de son histoire, avec les processus de défense qui les sous-tendent,

  • La place prise, occupée, assignée par certaines caractéristiques architecturales pour l’incrustation – donc l’immobilisation, momentanée ou durable – de certaines motions pulsionnelles, angoisses, de certains désirs, fantasmes... qui les mettraient en position de devenir de véritables vecteurs de figurabilité de la fantasmatique animant le groupe instituant – plus ou moins masqués –, mais aussi des points de nouage – parfois conflictuels – entre l’imaginaire originel de ce groupe et l’imaginaire actuel des soignants,

  • Le degré et les modalités de surgissement des éprouvés bruts mis en dépôt dans l’espace matériel par le groupe instituant, dans la vie institutionnelle, aujourd’hui ; ainsi que les effets de tels retours dans la vie quotidienne, ainsi qu’au niveau de la qualité de la relation thérapeutique.

Dans cette perspective, l’élargissement de notre approche clinique à d’autres matériels se présentera autant comme une garantie de la qualité des résultats attendus que comme un moyen permettant de lever un obstacle épistémologique pointé plus haut, relativement au dispositif adopté.