C’est au travail de recherche interdisciplinaire de C.Fussinger, historienne de la médecine et de la santé publique à l’Université de Lausanne, et de D.Tevaearai, architecte, que nous sommes redevables en grande partie des apports qui vont être évoqués ici 44. Les résultats de cette recherche, portant sur l’architecture des asiles d’aliénés en Suisse Romande, construits entre 1830 et 1930, sont rassemblés dans leur ouvrage : Lieux de folie, Monuments de raison (1998) 45. D’emblée, des liens puissants se tissent avec la problématique qui nous occupe ; introduisant la question de l’apparition, au XVIIIème siècle, d’une spécialité médicale nouvelle, celle des psychiatres aliénistes, les auteurs affirment que « le traitement moral, relation par essence individuelle entre l’aliéniste et son ou sa malade, trouve immédiatement son articulation à l’échelle sociale, avec la réorganisation de l’espace » (ibid., p. 5, s/n). L’asile d’aliéné, ’instrument de guérison’ aux dires d’Esquirol, se présente ainsi comme une « entreprise [qui] n’est certes pas dépourvue d’aspects utopiques, et apparemment paradoxaux » (ibid., p. 6, s/n).
Nous allons donc donner ici un rapide aperçu des résultats auxquels ces chercheurs sont parvenus, non sans rappeler que leur étude, pour se centrer sur les établissements de Suisse Romande, les a cependant amenés à s’interroger sur une échelle européenne ; de cet élargissement, ils concluent à l’exemplarité paradigmatique du corpus de Suisse Romande en matière de rencontre entre architecture et psychiatrie ; « creuset des différentes écoles doctrinales », elle « offre une sorte de modèle historique exemplaire » (ibid.). Nous n’hésiterons donc pas à prendre pleinement appui sur leur propos en la matière, d’autant plus qu’ils se réclament largement des théories de E.Goffman (1961).
On se reportera aussi avec intérêt à l’article de M.Craplet (1984), qui propose un regard plus centré sur les plans modèles et les écrits précurseurs concernant l’asile d’aliéné en France, mais dans une perspective moins scientifique de comparaison et de typologie.
Fussinger C., Tevaearai D., 1998, Lieux de folie, Monuments de raison – Architecture et Psychiatrie en Suisse Romande, 1830-1930, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 212 p.
Les résultats de ces travaux ont fait l’objet d’une présentation lors du Colloque ’Architecture et Psychiatrie. L’hôpital : espace de soins, espace urbain », les 14 et 15 janvier 2000, C.H. Le Vinatier, La Ferme du Vinatier.