4.2.2.2 L’ACP du corpus : la prédominance de la compacité du plan

Les données que nous allons prendre en compte sont celles issues de l’analyse morphométrique réalisée par le biais du logiciel Morgex. Comme nous avons pu le voir, chaque individu – ou spécimen du corpus – s’est trouvé défini au moyen des 16 critères, permettant de générer une courbe morphométrique correspondant à chaque forme architecturale analysée (voir tableau des données ci-contre).

Notons que l’interprétation des résultats d’une ACP avec ce type de critères est assez complexe, puisqu’on ne connaît pas la nature de ceux-ci ; elle risque ainsi d’être lacunaire. En effet, il ne s’agit pas seulement d’identifier les variables ou groupes de variables concourant à la classification obtenue, mais aussi et surtout de tenter d’expliciter la nature de celles-ci à partir des classes observées, pour déterminer les caractéristiques formelles qui pourraient y être liées.

Pour commencer cette étude, examinons les valeurs propres des facteurs, celles-ci nous fournissant une indication précieuse sur l’importance de la synthèse qu’effectue chaque facteur considéré à partir des variables initiales. S’agissant ici d’une ACP normée (la valeur propre de chaque variable prise isolément est 1), l’examen des valeurs propres de chaque facteur – auquel correspond une variable synthétique, ou composante principale – se fait en référence au nombre total de variables : à savoir entre 1 et 16.

Tableau 3 : ACP – Données individus/critères
Critères C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 C13 C14 C15 C16
Individus
01-MEI 5,6 4,7 4,5 3,9 3,8 2,8 2,4 2,1 1,9 2,6 2,0 1,6 1,8 1,9 1,4 1,5
01-MON 5,0 4,7 4,7 4,7 5,1 4,6 3,7 4,3 3,1 2,4 2,1 2,9 2,5 3,1 3,5 2,7
01-VJO 7,0 3,7 5,9 5,1 6,8 3,6 3,5 2,8 3,5 4,0 2,8 3,4 2,4 2,4 2,7 1,9
26-LAU 4,4 4,9 4,1 2,4 2,4 2,1 1,8 2,0 1,8 1,3 1,5 1,8 1,3 1,2 1,2 1,0
26-THOd 5,6 5,7 4,0 2,1 2,9 1,6 2,1 2,1 1,0 1,7 1,6 1,3 1,3 1,2 1,3 1,3
26-THOe 5,7 5,3 3,3 2,3 2,7 1,9 1,6 1,5 1,4 1,7 1,3 1,4 1,4 0,7 1,2 1,2
38-CHA 7,2 4,2 2,3 3,1 2,0 2,8 1,9 2,3 1,9 1,4 1,7 1,4 1,3 1,4 1,1 1,0
38-SEY 7,1 4,2 2,3 3,1 2,0 2,8 1,9 2,3 1,9 1,4 1,8 1,4 1,3 1,4 1,2 1,0
42-MAR 7,3 3,2 4,1 3,0 2,8 2,6 1,6 1,5 1,4 1,7 1,3 1,9 1,7 1,3 1,4 1,4
42-QVE 6,4 4,2 5,3 3,5 5,7 4,3 3,7 3,1 2,8 2,8 2,9 2,4 2,3 2,5 2,4 2,1
42-SJB 6,4 3,5 3,0 2,1 1,3 1,7 1,6 1,2 1,2 1,3 1,2 1,1 1,2 1,3 1,0 0,9
69-JOL 6,4 5,4 4,7 2,5 6,2 3,9 3,2 2,3 2,0 2,1 1,6 1,9 2,5 2,9 1,4 2,5
69-MER 5,2 5,2 3,5 3,2 6,6 2,3 3,9 2,9 2,6 2,7 2,0 2,7 2,5 2,5 2,5 2,1
69-REV 6,7 1,9 5,8 2,4 4,4 2,7 2,4 2,5 1,8 2,2 1,9 1,8 1,8 1,5 1,9 1,3
69-VIN 4,8 5,2 5,3 3,3 4,0 3,0 2,5 2,1 2,6 2,7 2,5 2,1 1,6 1,7 1,7 1,8
73-ANC 6,4 4,2 5,9 3,3 3,2 2,7 2,8 2,4 2,3 2,4 2,1 2,0 1,4 2,0 1,8 1,6
73-BAS 4,9 4,8 6,1 4,4 3,6 3,7 2,3 2,3 2,1 1,7 2,1 1,8 2,6 1,8 1,3 1,3
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Tableau 4 : ACP – Valeur propre et inertie associée aux facteurs

Le tableau ci-contre réunissant les valeurs propres de chaque facteur montre que le premier axe factoriel (F1) a une valeur propre élevée – de 10,09 sur 16 – et qu’à partir du troisième facteur, les axes factoriels ont une valeur propre égale ou inférieure à la valeur propre d’une seule variable initiale. Ceci montre qu’au delà de F3, les axes factoriels sont peu synthétiques en termes d’infor-mations ; F2 , de valeur propre 1,73 se place de peu dans le même cas de figure.

Ainsi, bien que le pourcentage d’inertie associée aux deux premiers facteurs soient respectivement de 63,12 % pour le premier, et de 10,81 % pour le deuxième – donc bien que les deux premiers facteurs ne totalisent que 73,93 % de l’inertie totale – nous ne mènerons notre travail d’interprétation qu’en nous limitant à ces deux premiers facteurs et au plan qu’ils engendrent.

La figure ci-dessous représente le premier plan factoriel en question, sur lequel se trouve projeté le nuage de points des individus.

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Figure 2 : ACP - Projection du nuage sur le premier plan factoriel

Interprétation des premiers facteurs : étude des individus : Pour ce qui est du premier facteur, on note que cinq individus contribuent essentiellement à sa construction, puisqu’ils totalisent à eux seuls 70,1 % de son inertie (01-MON, 01-VJO, 42-QVE, 26-THOe et 42-SJB), ce que l’on note à l’étude des indicateurs de contribution des individus.

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Tableau 5 : ACP – Contribution et représentation des individus

Les coordonnées des individus considérés montrent en outre qu’ils polarisent le nuage selon ce premier axe factoriel, 42-SJB et 26-THOe du côté positif, 01-MON, 01-VJO et 42-QVE du côté négatif, ce qui figure clairement sur la projection du nuage sur le premier plan factoriel.

L’examen de la qualité de représen-tation de ces individus – qui indique si l’élément en question est bien repré-senté par rapport au facteur ou au plan factoriel en question – révèle qu’ils se trouvent fortement représentés sur F1, donc qu’ils sont ’typiques’ de ce que synthétise ce facteur comme information. Géométriquement, ils sont considérés comme proches de l’axe ou du plan puisque leur valeur est proche de 1. On notera par contre que 4 individus (69-JOL, 69-VIN, 73-ANC et 73-BAS) ont une qualité de représentation faible sur cet axe, et que celle de 01-MEI est quasi nulle.

Quelle synthèse opérée par les variables actives ? : Dans une ACP, le premier facteur correspond à la composante principale la plus représentative des variables corrélées. On a d’ailleurs vu que sa valeur propre est assez élevée. De plus, le tableau des corrélations entre variables et facteurs nous fournit de précieux renseignements : 14 variables sur les 16 se trouvent corrélées avec le premier facteur, bien que négativement, dont 12 très fortement (C5 à C16). Les variables C1 et C2, quant à elles, sont très faiblement corrélées au premier axe factoriel, ce qui n’est pas pour nous étonner puisqu’elles se trouvent corrélées fortement – mais de façon opposée – au deuxième axe factoriel. Et l’on sait que les variables synthétiques que sont les composantes principales, confondues avec les axes factoriels, ne sont pas par nature corrélées entre elles.

Tableau 6 : ACP – Corrélation des variables
Corrélationcritère / facteur C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 C13 C14 C15 C16
F1 0,15 -0,05 -0,60 -0,76 -0,89 -0,81 -0,94 -0,83 -0,92 -0,84 -0,80 -0,92 -0,85 -0,90 -0,90 -0,87
F2 0,80 -0,90 0,18 0,16 -0,07 0,10 -0,11 -0,09 0,11 0,20 0,21 0,07 -0,12 -0,13 0,02 -0,25

On peut donc noter que le premier axe factoriel constitue une composante principale importante – ce que laissait prévoir sa valeur propre de 10,09 et son rapport d’inertie de 60,13 %, et s’avère d’autant plus riche d’information qu’il se trouve corrélé avec plus des ¾ des variables caractérisant les individus étudiés.

Pour compléter cette approche, intéressons-nous maintenant au graphique des variables.

Etude de l’hypersphère : La particularité de l’ACP, et la nature quantitative des critères analysés, conduisent à une représentation spécifique de ces variables qui apparaissent, non pas comme des points, à l’image des individus, mais comme des vecteurs ayant tous une norme égale à 1 et centrés sur l’origine du repère. Le ’nuage’ des variables (points-extrémités des vecteurs) est donc situé sur une sphère de rayon 1 dans l’espace multidimensionnel de l’analyse : il s’agit de l’hypersphère. De même que pour le nuage de points individus, on peut effectuer une série de projections de cette hypersphère et des vecteurs considérés sur les plans factoriels déterminés par l’ACP.

Cette différence de représentation nuage de points / hypersphère conduit le plus souvent à une étude non superposée des graphes (bien que possible), leurs interprétations se renseignant cependant l’une l’autre.

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Figure 3 : ACP – (F1, F2)

La projection des 16 variables sur le premier plan factoriel illustre bien le résultat relevé à la lecture du tableau des corrélations, cependant, elle permet de noter que les extrémités des vecteurs n’atteignent pas le cercle dit de corrélation. Cela s’explique par le fait que le premier plan factoriel ne conserve que 60,13 % de l’inertie du nuage. C’est plus particulièrement C7 avec une corrélation de – 0,94 qui se distinguent par cette valeur élevée (C12 et C9, dans une moindre mesure). Le fait que nous ignorons la nature des variables pose problème pour aller plus avant ; toutes mesurent des grandeurs liées à la morphologie, mais correspondent-elles à des caractéristiques spécifiques : concavité, qualité des angles, proportions... s’agit-il de propriétés topologiques ou géométriques ?

Les deux résultats que nous pouvons noter cependant sont :

Pour avancer, passons à l’interprétation du nuage projeté sur (F1,F2), à l’aide de données externes.

Projection du nuage sur le premier plan factoriel : Pour nous aider dans notre travail d’interprétation, nous allons enrichir le premier plan factoriel par la représentation des formes architecturales des individus analysés, et figurer la distribution des individus selon le facteur 1 en matérialisant la projection orthogonale des points-individus sur cet axe – les points gris sur l’axe signalent les individus dotés d’une qualité de représentation élevée par rapport à F1 et (F1,F2).

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Figure 4 : ACP –

Ce qui jusqu’ici paraissait obscur au seul examen des chiffres – mais s’avérait important pour mettre en avant l’importance du premier axe – gagne en clarté avec ce type de représentation. On peut en effet remarquer que, selon le facteur 1, les individus semblent se distribuer assez régulièrement, non seulement en fonction de leurs dimensions, mais aussi de leur morphologie plus ou moins compacte.

Si l’on se souvient de la corrélation négative relevée entre critères et facteur 1 lors de l’examen de l’hypersphère, on peut donc interpréter ces résultats ainsi :

Notons que, bien qu’ayant une faible qualité de représentation sur l’axe 1, les individus situés en zone centrale n’en sont pas moins positionnés légitimement par rapport aux autres, témoignant d’un degré de compacité moyen, tendant à un éclatement léger de la forme.

Par contre, il nous faut reconnaître que le sens du facteur 2, auquel se trouvent corrélées les variables C1 et C2, reste particulièrement obscur. Partant du principe que « l’importance d’un facteur n’est absolument pas un gage de son intérêt » et qu’il « serait délicat de mettre en avant un facteur que l’on ne sait pas interpréter » (Escoffier B. et Pagès J., 1998, p. 246), nous préférons préserver le résultat majeur de cette ACP qui, avec plus de 75 % des variables actives, propose une variable synthétique mettant en avant le caractère compact de la forme architecturale.

Cependant, la question se pose des classes d’individus que nous pouvons réunir à partir de cette ACP, si nous ne considérons que ce premier plan factoriel. Les difficultés rencontrées lors de l’interprétation trouvent cependant un palliatif dans une méthode d’analyse, souvent complémentaire de l’ACP, et permettant de dresser une typologie des individus : la classification ascendante hiérarchique (CAH).