6.5.2.3 Discussion libre de fin de séance : restitution des échanges

Je propose au groupe d’évoquer certains points qui ne l’auraient pas été à partir des photos. L’échange s’engage à partir d’une interrogation de Marcel, concernant l’opinion de ses collègues sur la‘ ’« ‘salle d’accueil des familles’ » dont est dotée une unité sur les deux. « ‘C’est bien,’ dit-il, ‘moi je trouve que ça permet de s’isoler, avec la famille et le résident concerné. Ça’ ‘ évite d’être dans le bruit, avec les autres résidents ; ça met une distance’ ». « ‘C’est vrai que c’est un lieu à part, C’est bien qu’on ait cette salle’ ». Valérie abonde dans son sens, déplorant l’absence d’un tel lieu dans son unité : « ‘on voudrait une salle pour l’accueil des familles, pour éviter – comme cela se passe parfois – que les familles soient accueillies dans les chambres ; sachant que c’est l’intimité du résident, c’est son lieu à lui. On a vu une mère qui arrive, et qui fait le lit, en disant : ’tu n’as pas fait ton lit !’, par exemple... des choses comme celles-là, ça pose problème’ ».

Cette collusion des temps, des lieux, des activités permet d’enchaîner avec « ‘la confusion à éviter’ » (Aline) entre les différentes activités, du fait du manque d’espace. Et pour certaines, particulièrement chargées de sens, « ‘c’est dommage que ce soit dans le même lieu’ », s’exclame Valérie ! Donnant l’exemple d’une résidente que son père rencontre dans un atelier, on lui prête cette interrogation possible : « ‘n’était-il vraiment pas là pendant le groupe ?’ ». Selon Valérie, « ‘pour les résidents qui ont du mal à se repérer, qui ont du mal à faire la part des choses pour plein de raisons, ça entretient quelque chose de l’ordre du fouillis, de la confusion complète’ ». « ‘Il y a des activités quand même qui sont plus chargées de sens,’ poursuit-elle, ‘où on aborde des thèmes, des sujets, qui sont plus délicats, et je trouve que là c’est important d’avoir un lieu qui soit adapté, et qui ne soit pas le lieu où on fait tout !’ ».

Du manque de salles d’activités, le groupe passe facilement à l’insuffisance d’espace en général, pointant les astuces trouvées pour en gagner, par-ci, par-là. Les lieux de rangement ne sont pas légions, les armoires trop petites... la question des chambres doubles arrive donc au coeur des échanges. Mettre des armoires individuelles plus grandes, explique Aline, cela prendrait beaucoup de place : « ‘il en faudrait deux par chambre, et comme il s’agit de chambres à lits de 2, ils n’auraient plus d’espace !’ ». Le lapsus ’chambre à lits de 2’ / ’chambre à 2 lits’ n’est point relevé, chacun étant fort mobilisé par ces armoires rêvées, certes imposantes mais ô combien nécessaires. Pour l’instant, « ‘ce sont les meubles qu’il y a dans les hôpitaux... de petits trucs comme ça’ », explique Valérie, indiquant la largeur par l’écartement de ses mains. «‘ Quand on est hospitalisé une semaine, on a une armoire comme ça ; eux qui vivent là toute l’année, depuis des années, ils ont la même armoire !’ ». L’indignation perce dans sa voix. De même, on préférerait bien d’autres meubles plus fonctionnels que « ‘ces tables de nuit moches, d’hôpital’ ». « ‘Et puis, ils les ont tous, en bleu ou en rouge !!! Ce n’est pas bleu pour les garçons, rouge pour les filles, quand même on a échappé à ça ! Ils ont le lit, la table de nuit, et le meuble... hôpital, quoi !’ ». L’origine d’une telle stéréotypie ne passe pas inaperçue : « ‘l’aspect réglementaire’ ». Des rires feutrés se font entendre, alors que Valérie raconte que, « ‘parfois, on arrive à... ...transgresser les règles...’ », les normes de sécurité essentiellement. Aline en convient elle aussi : « ‘il y a des moments où en arrive à transgresser, parce qu’on a envie de...’ » ; la suite est collégiale : « ‘d’humaniser... et d’individualiser’ ». « ‘L’idéal serait d’avoir une chambre pour chacun’ », insiste Valérie. « ‘Il y en a quand même plein qui sont deux par chambre, et ça pose plein, plein, plein de problèmes ! C’est dommage’ ».‘ ’ « ‘Des problèmes avec l’autre...’ » (Sylvie), « ‘cohabitation difficile’ » (Valérie), « ‘il y en a qui vont dans le lit de l’autre...’ » (Aline). La conclusion de Sylvie est immédiate : « ‘Ils ont chacun des manies tellement... propres...’ ». Pourtant, malgré toutes ses critiques, cette dernière convient que « ‘pensant que c’est un pavillon d’hôpital, ce n’est pas si mal. C’est vrai qu’on fait avec,’ dit-elle, ‘et ce n’est pas satisfaisant, loin de là ; mais j’imagine ce que ça pouvait être avant, c’est... ! C’est pas trop mal retapé’ ».

Marcel va alors dans son sens, citant en exemple une institution dans laquelle il travailla par le passé, où certaines unités étaient sur deux étages, chambres en haut, locaux collectifs en bas. « ‘Tout sur le même niveau, c’est mieux pour les résidents, je trouve ! Du point de vue repères...’ », explique Aline, suivie unanimement par ses collègues. Sylvie donne son « ‘avis : c’est plus adapté, et plus sécurisant... pour tout le monde. Pour les équipes, pour voir si tout se passe bien pour tout le monde. Et pour les résidents, s’il y en a qui ’errent’ – entre guillemets –, qui se baladent dans les couloirs, dans les escaliers... ou toujours à l’étage’ ». L’image du « ‘dortoir’ » vient à Marcel, avec « ‘toutes ces chambres à l’étage’ ». Et le mot de la fin revient à Aline et Sylvie : « ‘Du point de vue sécurité, en plus, ce n’est pas...’ », « ‘Oui, c’est moins sécurisant ’».

Plus personne ne souhaitant prendre la parole, j’annonce au groupe que notre séance de travail est terminée. Le temps qui lui était imparti étant arrivé presque à son terme, je prends note des identités et professions de chacun. Quelques questions-réponses sont l’occasion de présenter les éléments de ma recherche et les orientations et résultats attendus. Nous nous séparons, chacun des participants « ‘étant attendu dans les unités’ ».