7.3.1.2 Domotique / homme-machine : la collusion entre espace et handicapé

Dans le droit fil de ce que nous venons de mettre à jour, intéressons-nous à rechercher l’origine d’une telle représentation de l’humain. Nous n’avons pas à attendre longtemps pour voir poindre dans le texte un embryon de réponse à cette question : « la philosophie du concept » repose sur la création « d’un espace famille thérapeutique » (ibid., p. 3, s/n). La personne handicapée s’inscrit donc dans cette famille, à la fois espace intersubjectif, groupe, et espace matériel, architecture : la ’famille thérapeutique’ désigne en effet tout autant le groupe que l’ensemble des locaux qui lui est dévolu dans l’institution. D’ailleurs,‘ ’ « l’écoute permanente et [le] suivi de tous les espaces individuels » – et non pas des individus qui les occupent – se fait depuis le « P.C. », « par la G.T.C. et surtout la G.A.C. » (ibid., p. 4) ⁸³, autant d’acronymes qui signent une fois encore l’omniprésence technologique.

Et c’est bien dans la même lignée de ce paradoxe humain / non-humain, relation / isolement, que s’inscrit cette intimité réifiante entre sujet et espace matériel. Il est ainsi éclairant de voir combien la collusion entre espace, individu et mode de prise en charge semble commander à la fois la confusion et le paradoxe qui lient humanité et robotique. Le projet s’adresse au handicap, la famille thérapeutique est un espace, l’assistance aux handicapés passe par la surveillance des locaux, etc. Il semble que l’on assiste ici à une résurgence de l’impossible différenciation entre le polyhandicapé et le lieu de sa prise en charge, telle que nous l’avons déjà repérée dans les textes légaux : M.A.S. et handicapé confondus dans et par leur monstruosité et le risque de mort qu’ils appellent. Rien d’étonnant, dès lors, que les créateurs du concept U.V.A.H. signalent que ce projet « a été favorablement accueilli par le Ministère des Affaires Sociales » (ibid., p. 3), puisqu’il semble fonctionner sur un même déni d’humanité et de collusion entre espace et usager. Mais, pour aller encore plus avant dans notre recherche de causalité, poussons plus loin notre investigation, et voyons maintenant sur quelle production inconsciente repose une telle fusionnalité entre le handicapé et la réalité extérieure.