8.2.1.2 De Montplaisant aux Montaines : l’utopie comme processus générateur

a- La spécularité dans la séance, et dans le groupe

Nous ne ferons ici que citer les points dont l’observation des deux réunions de recherche autorise le rapprochement, laissant le soin au lecteur de déployer, sur la base des analyses cliniques mais aussi du travail de synthèse jusqu’ici mené, tout le volume de leurs implications.

Premièrement, l’une et l’autre cliniques ont particulièrement mis en avant la dimension critique à l’égard de l’institution, dans ses aspects négatifs plus que positifs. Cette posture n’a pas été sans générer une même interrogation quant à ce qui pouvait se dire, et quant à la façon de communiquer pendant la réunion : alors qu’à Montplaisant, « il n’y a pas moyen d’échanger... toucher à l’architecture, c’est toucher à l’institution ! Donc, c’est très difficile », aux Montaines on est « obligé de faire sans arrêt des tours, des allées et venues », comme pour annoncer la future circularité du propos.

Deuxièmement, on notera un choix de photo révélateur dans sa proximité : les deux groupes, à travers leurs membres, figurent la bipolarité organisatrice de l’imago maternelle par le biais des photos du nid et de la nursery. Il en ira de même de la question du lien : lien fusionnel et élationnel primitif à travers la photo de la ronde de statues, relation objectale appelant l’image déniée d’une sexualité génitalisée avec la photo du couple derrière une fenêtre.

Troisièmement, le lecteur aura repéré que dans chaque institution, c’est le seul homme du groupe qui choisit, pour décrire un aspect négatif de la M.A.S., la dite photo du couple. C’est ainsi un homme qui, dans un groupe constitué majoritairement de femmes, pose la question de la différence, interpelle ses collègues féminines sur la question de la sexualité... mais de façon indirecte et déniée,‘ ’la scotomisation agissant dans le discours manifeste pour éviter toute évocation du couple sous un registre oedipianisé... dont on a vu dans l’un et l’autre cas la lourdeur des affects qu’elle générait par sa révélation.

Quatrièmement, c’est dans la toute fin de la séance que l’origine de chaque institution se trouve la plus convoquée sur sa composante ’mythique’, reconstruite par le groupe. Si le discours du groupe des Montaines se trouve particulièrement développé, lors de la discussion libre de fin de séance, nous avons montré comment, s’interrogeant sur ce qui a été fait à l’origine par l’association – « une aberration », « pire que cela », « un scandale » « toute une histoire... » « ... tabou » –, tous ont contribué à une définition et une illustration exhaustive de la M.A.S. comme système utopique. Pour ce qui est de Montplaisant, la formule fut plus lapidaire, mais la ’confidence’ non moins révélatrice : « cette étiquette ethnique » – une culture à part, comme l’est celle des utopiens – tire son origine de la directrice : « une lacanienne, pour qui le fait que tout le monde soit à poil, pour qui la fratrie, l’intimité et l’inceste ... ça ne posait pas de problème » !

Ces points communs, nous ne pouvons pas les imputer aux seuls effets du dispositif (du fait du dossier et de la question) puisqu’ils correspondent à des éléments que l’on ne retrouve pas dans les autres cliniques, ce que le lecteur aura noté à l’examen des analyses des matériels de Saint-Jean-Bonnefonds et des Quatre-Vents. Il s’impose alors de s’interroger, au-delà de ce que l’on a déjà pointé, sur ce qui, dans cette architecture et ce fonctionnement institutionnel qu’on vient interroger dans la réunion, pourrait générer une telle spécularité.