9.1 Les Sous-Hypothèses : De l’actuel aux Origines

9.1.1 Sh 4 – Le destin du Refoulé originel :
Souffrance Psychique et Actualisation des Défenses

« L’expression d’une déchirure ou d’une division ne trouve pas nécessairement sa voie d’expression dans la souffrance. Il existe des troubles graves qui ne s’expriment par aucune souffrance accessible au sujet » (Kaës R., 1987, p. 36). Quand bien même le serait-elle, les mécanismes de défense visent tant que possible son atténuation et sa mise à distance du champ de la conscience. Aussi, cette souffrance psychique, pour exister, n’en est pas pour autant permanente, ni même continûment invalidante dans le cadre des prises en charge que les équipes éducatives et soignantes assurent dans les M.A.S. ; toutefois, certaines situations en exacerbent tout ensemble les origines et les effets. Ces événements dans la prise en charge, du fait de leur dimension paroxystique, peuvent alors être l’occasion pour cette souffrance psychique de se déployer sans pouvoir être contenue : de la souffrance narcissique liée à une activité peu valorisante et peu gratifiante à l’incapacité à préserver le sentiment d’intégrité du Moi, en passant par des effets de sidération inhibant tout processus de pensée... 87

Pour n’être pas l’objet direct du travail qui nous a réunis dans les groupes Photolangage©, nous avons pu montrer que cette souffrance n’en est pas moins sensible à travers les productions imaginaires qui nous y ont été livrées. Notre propos est donc ici d’examiner ce qui, dans cette clinique des groupes, complétée de la clinique d’appui, nous permet de montrer le lien pouvant exister entre souffrance psychique actuelle et contenus inconscients éventuellement liés à la fondation de l’institution. A cette occasion, la sous-hypothèse qui sera ici discutée nous demandera de repérer deux destins de ces contenus originels : le premier dans lequel ils engageraient l’actualisation de cette souffrance et/dans la compromission de la mission de soin 88, le second au cours duquel ils contribueraient à la mise en place de défenses susceptibles de s’en préserver.

Rappelons, pour mémoire, le libellé de cette hypothèse :

Dans le travail de prise en charge quotidien des personnes handicapées, le destin du refoulé originaire, incrusté dans la dimension matérielle de l’institution, serait repérable selon deux axes privilégiés :

  • Faire retour de façon traumatique, générant un vécu de souffrance psychique dans les liens institués, en s’immisçant dans la relation thérapeutique entre soignants et soignés.

  • Fournir un potentiel défensif réutilisable aux personnels éducatifs et soignants contre le surgissement d’angoisses et de fantasmes répondant aux mêmes effets traumatiques de la confrontation au handicap.

Dans notre souci de procéder à rebours dans notre démonstration, c’est bien moins le début de notre énoncé qui nous préoccupera d’emblée que le repérage, dans la clinique, de ce qui relève des situations de souffrance et des modalités de défense dont cette hypothèse pose l’existence ; la nature de refoulé originaire des contenus inconscients incriminés gardant ainsi toute sa valeur hypothétique pour l’avancée de notre travail.

Notes
87.

Nous prendrons pour exemple de cette souffrance pouvant oeuvrer en profondeur et, sous l’effet d’événements catalyseurs – parfois anodins comme dans le cas rapporté par R.Roussillon (1977, p. 24 et suiv.) – se développer en conflits susceptibles de mettre en péril la réalisation de la tâche primaire, la crise institutionnelle traversée par la M.A.S. des Marronniers (42), dont les événements ont été largement relayés dans la presse à la mi-juillet 2000.

88.

Ce que R.Kaës appelle les entraves à la réalisation de la tâche primaire . Cf. : Kaës R. (1987, 1996).