9.2.2 De la dimension Structurale du Modèle à son actualisation Conjoncturelle

9.2.2.1 La réceptivité de l’architecture à des contenus psychiques

En écho à la problématique parentale de la confrontation au handicap, la M.A.S., institution née du et dans le projet utopique d’être le lieu idéal de prise en charge du handicapé, peut donc être conçue comme un lieu de réalisation d’une symbiose secondaire (Ciccone A., 1999) en même temps que de défense contre le versant destructif de ce lien symbiotique, dont le désir inconscient de meurtre à l’égard de la personne handicapée en apparaît comme le noyau fondamental.

La confrontation au handicap lourd peut alors puissamment infléchir la création de l’institution dans la voie du projet utopique : la M.A.S., enfant-merveilleux, nouvelle création qui annule, répare, remplace le monstre réel. L’utopie et l’institution, nous l’avons vu, se rejoignent en un point fondamental : tous deux sont des lieux de réalisation du désir et de défenses contre le désir. En outre, la particularité structurale du système utopique étant d’intriquer profondément son projet social et institutionnel à sa composante spatiale, une telle affinité ne peut qu’engager de fait les fondateurs de la M.A.S. à procéder à une externalisation du refoulé, dont la dimension architecturale est le réceptacle privilégié. Cela consiste aussi, pour qui sait en repérer les signes, à rendre celle-ci ’parlante’ à l’égard de ce désir et de ces défenses originels. L’architecture se présente donc bien dans sa triple fonction de lieu d’accueil de l’irreprésentable désir de meurtre, mais aussi de fixation du refoulé originaire portant sur ce dernier et enfin de figuration des défenses permettant d’en maintenir le refoulement.

Mais, dans cette institution-utérus-maternel destinée à l’incessante réparation des handicapés, les soignants, avec eux, ne sont-ils pas mis en position d’en être les frères et soeurs, menacés d’un même châtiment : devenir hadicapés, eux aussi... ou se sentir l’être déjà, puisqu’ils s’éprouvent si puissamment contenus dans une matrice maternelle toute-puissante qui tente de rompre les différences soignants/ soignés pour réparer indifféremment les uns et/pour les autres ? Le vécu de souffrance des équipes serait en cela repérable, et l’option d’une ouverture vers d’autres modes de lien, plus oedipianisés, n’est pas sans générer une autre angoisse, celle de l’érotisation de la relation soignante.

C’est bien dans ces différentes issues, dans l’actuel, que semble parvenir à prendre corps ce processus de fondation qui, de par sa structure, repose sur une véritable réceptivité de la dimension architecturale à l’égard de contenus de nature psychique – désirs, angoisses, défenses.

En effet, le modèle que nous venons de dégager, et c’est ce qui est le propre de toute construction intellectuelle de ce type visant l’intelligibilité d’un tel processus, ne se rencontre dans la réalité qu’à travers des situations dans lesquelles sa valeur structurale se trouve infléchie, colorée, par les aléas de l’identité et de l’histoire de chaque institution, et de ceux qui les composent. En regard de la structure dont on vient de faire la synthèse, il s’impose alors de pointer les quelques cas que nous avons pu identifier au fil de notre travail, comme autant de conjonctures dans lesquelles elle trouve à s’actualiser. Ce repérage nous permettra de mettre en relief ce qui, dans la clinique, mais aussi du processus modélisé, demanderait de faire l’objet d’une investigation à venir.