2. 2. 2. 2. Boğazköy

Le site de Boğazköy a été fouillé dès le début du siècle mais les principales publications ne paraissent que dans les années soixante. Pour la plupart ce sont des rapports de fouille 240 où il est parfois difficile de percevoir les liens spatiaux et temporels entre les différents sondages.

Après la destruction de la capitale hittite, les ruines sont inhabitées pendant longtemps mais il est possible qu’il y ait eu des “squatters”. Les couches de l’âge du Fer se superposent directement aux restes hittites mais il est difficile d'évaluer le temps écoulé entre la destruction du site et sa réoccupation. La fortification 241 et un mur de terrasse sont installés par les nouveaux occupants sur les ruines hittites. A Boğazköy 242 , deux endroits sont réoccupés : la partie est de la gorge à Büyükkaya et Büyükkale même. A Büyükkale, la réoccupation équivaut au niveau II (deux ou trois couches). Quand les premières reconstructions ont eu lieu, les ruines étaient toujours visibles. Il n’existe pas de traces de terre stérile intermédiaire, qui proviendrait de sédimentations naturelles, ce qui tend à limiter le hiatus. Dans le niveau II et surtout dans la couche 2, il se trouve beaucoup de céramique du type phrygien ancien du VIIIe siècle, selon Akurgal. Bittel suppose cependant que la céramique provenant de ces niveaux est antérieure, à cause de l’absence d’abandon. Cependant aucun objet n’a pu être attribué de façon sûre à la période intermédiaire. Dans les années 50, les chercheurs considéraient que les occupants étaient certainement établis au VIIIe siècle avec un bref hiatus entre l’âge du Bronze et les premières occupations de l’âge du Fer. Les fouilleurs 243 ont remarqué que certaines maisons phrygiennes sont installées sur les ruines hittites, usées par l'érosion et la pluie, la réoccupation n'ayant pas été immédiate. Des bâtiments ont été comblés pour permettre les installations phrygiennes ; ils n'étaient donc pas entièrement effondrés. Une seule couche date des environs de 1200 ou 1000 ; située sur le versant nord-ouest dans la forteresse de Büyükkale, il s'agit d'une couche de remblai 244 . Pour G.K. Sams, les installations post-hittites ont commencé après une rupture de plusieurs siècles 245 , de même qu'à Maşat. Dans la phase la plus récente, il y a jusqu’à six couches qui datent toutes du VIe siècle. Elles recouvrent des couches comportant une céramique phrygienne peinte qui ressemble aux productions hittites.

Un des buts de la fouille était de vérifier s’il y avait une survivance de l’habitat hittite. Les fouilleurs ont essayé de déterminer s’il y avait une simultanéité avec la stratigraphie du site de Larissa en Éolie. Un examen détaillé a tenté de déterminer si les Phrygiens avaient utilisé le même emplacement qu’à l’époque préhistorique, il a ainsi pu être reconnu un ordre évident dans l’installation, une orientation homogène. A l’âge du Fer, il semble que nous assistions à une régression définitive dont les manifestations ne semblent pas intentionnelles, notamment pour plusieurs tombes retrouvées hors de la ville 246 . Les éléments phrygiens sont surtout importants entre 650 et 500 et donc à une période postérieure à celle que nous étudions. Le matériel d’importation date en général de cette période ou de la fin du VIIe siècle. A la période « phrygienne » récente, l’habitat n’est pas fortifié, avec de petites maisons,la céramique est monochrome, grise ou noire. Les exemples peints de motifs géométriques ou animaliers semblables à ceux d'Alişar sont peu nombreux. Mais il semble que nous ne sommes pas dans un domaine culturel phrygien, la céramique de Boğazköy et encore plus celle d’Alişar étant d’un style très différent de celui trouvé à l’ouest du Halys. Au VIIIe siècle, la sphère phrygienne ne semble pas s’étendre au-delà de cette limite. Les productions locales sont datées par la chronologie des importations de Grèce retrouvées sur le site. Une couche du VIIe siècle contient de la céramique black-on-red 247 qui est essentiellement populaire à cette époque dans la partie sud de l'Anatolie centrale autour de Konya, ainsi que de la céramique protocorinthienne.

Une synthèse sur les travaux effectués à Hattuša est publiée en 1970 248 . Selon Bittel, la ville est détruite aux environs de 1200. Büyükkale et le complexe palatial sont pillés, puis incendiés. Les bâtiments sont volontairement détruits, ainsi la porte des lions et celle des taureaux et l’inscription de Tudhaliya IV. Les traces de la prise de la ville démontrent des combats très violents. Les dernières archives datent de Suppiluliuma II, vers 1200, même date que celle des attaques des Peuples de la Mer. Ensuite survient la période obscure où le site n’est plus occupé. Le site fait ensuite partie soit du royaume de Tabal soit du territoire des Kashka. Ce royaume s’unifie au IXe siècle sous le contrôle de la dynastie de Bit-Burutaş. Le royaume de Tabal était situé dans la région de Kayseri qui s’étendrait au sud jusqu’au Taurus. A l’est, il était bordé par l’Urartu, au nord par les Kashku (Kashka) et au nord-ouest et ouest par les Mushki, pl. 9 249 . Au début du VIIe siècle 250 , survient un changement peut-être dû aux invasions cimmériennes : un nouveau système de fortification est édifié avec un glacis 251 . L’intérieur du site qui atteint une taille imposante est complètement occupé. L’empreinte phrygienne marque le graphisme des images du culte. Une étude sur les tuiles phrygiennes tend à démontrer que celles qui ont été retrouvées sur ce site datent, en général, de la fin du VIIe et du VIe siècle 252 . Différents aménagements dans des rochers ont été découverts 253 . Il s’agit d’une seule ou de plusieurs cupules placées côte à côte, de différentes tailles et de différentes profondeurs. Il est très difficile de les dater. A Kızlarkayasi, il y a un ensemble de socles surmontés de deux “autels” 254 .

Dans les années 80, les recherches à Boğazköy ont surtout porté sur la période hittite 255 . Cependant, les rapports des fouilles des années 50 et 60 sont publiés et ils exposent de nouvelles données sur la ville de l’âge du Fer 256 . Après la destruction de 1200, une activité, certainement d'une autre nature, s'est exercée dans la partie de la ville haute de Hattuša 257 . En effet, des fours de potiers ont été trouvés dans des maisons de différente taille au sud-est du temple VI ; la céramique est modeste, dans la continuité de la tradition hittite. Dans la zone du temple VII, ont été retrouvés des signes d'activité métallurgique.

‘“Cependant, il est certain qu’après la fin de la capitale officielle et après la disparition de la cour, une collectivité hittite a mené une vie modeste dans l'ancienne résidence de Hattuša. Etaient-ce des survivants de la ville elle-même ou des environs qui tiraient profit de ce que les ruines de la grande ville recélaient ?“ 258

Une plaque de bronze portant une inscription a été retrouvée à Boğazköy, elle date du règne de Tudhaliya IV et apporte des données nouvelles sur la fin de l’empire 259 . A la fin des années 80, commencent les investigations dans le Südburg 260 . On y trouve une couche Büyükkale I c-a qui remonte aux VIIe-VIe siècles. A Nişantepe, les quartiers sont densément occupés 261 . Les maisons ressemblent à de petits mégara. Cette zone forme une sorte de ville basse par rapport à Büyükkale et au château sud. Le château sud est de l’époque phrygienne. C’est une petite forteresse étroite avec différents bâtiments à l’intérieur. Les recherches récentes à Büyükkaya ont identifié des couches postérieures à la chute de l’Empire 262 .

Notes
240.

NEVE, BERAN, 1962, 5-21. BERAN, 1963, 33-52. NEVE, 1966, 47-72. NEVE, 1968, 151-164. BITTELet alii., 1969. SCHIRMER, 1969. ORTHMANN, 1969, 14-17. BOEHMER, 1972. BITTEL et alii., 1975. BOEHMER, 1979. NEVE, 1982.

241.

MELLINK, 1955, 231-240.

242.

BITTEL, NAUMANN, 1952. NEVE, 1974, 872-891.

243.

MELLINK, 1962, 74.

244.

SCHIRMER, 1969, 14.

245.

SAMS, 1988, 11.

246.

BITTEL, NAUMANN, 1952, 79-80. BITTEL, 1965, 475-479.

247.

BOSSERT, 1963, 53-71. OPIFICIUS, 1965, 81-89.

248.

BITTEL, 1970.

249.

Ibid., 133. Cf. Pl. 12.Hypothèse de répartition des royaumes centraux anatoliens. D’après Ibid.

250.

Ibid.

251.

Cf. Chap. 4. Architecture de l'habitat et stratigraphie. 4. 2. 2. Boğazköy

252.

CUMMER, 1970, 29-54.

253.

NEVE, 1977/78, 61-72.

254.

La datation de ces constructions étant impossible, nous avons choisi de ne les présenter que très rarement dans cette thèse, en dépit de leur fréquence sur le plateau.

255.

MÜLLER-KARPE, 1980,303-307. NEVEet alii., 1980, 285-318.

256.

NEVE, 1982, 142-164.

257.

BITTEL, 1983, 485-509.

258.

Ibid., 509. Version française.

259.

OTTEN, 1988.

260.

NEVE, 1989, 271-332. NEVE, 1990, 267-303.

261.

NEVE, 1989-1990, 7-20.

262.

Cf.2. 4. Les dernières données. 2. 4. 2. 3. Boğazköy