2. 3. 2. 4. Les autres sites

A Alişar, il n’y a pas d'inscription phrygienne. Selon Sams :

‘“It is likely that the strongest affinities of this important center in the eighth century lay to the south in Tabal, which was in turn an upland extension of the Syro-Hittite sphere.“ 481

Il en est de même pour Kültepe, surtout après la découverte d‘inscriptions louvites, comme à Kululu. A Kemerhisar-Tyana, une inscription comporte le nom de Midas, ce qui semble plus lié à la politique extérieure de la Phrygie à la fin du VIIIe siècle qu’à la présence d’une population phrygienne. Ces connexions expliqueraient aussi la présence à Porsuk de certaines affinités avec Gordion qui manquent dans la région du Halys 482 .

Plusieurs nécropoles ont été explorées à Ankara-Beştepeler 483 et dans la plaine d’Elmalı à Bayındır-Gökpınar.

Le site de Beyköy a livré en son centre une excavation dans le rocher que le fouilleur 484 considère comme un trône. Il aurait des parallèles à Boğazköy aux époques hittite et phrygienne. Les tombes sont rupestres avec des petites entrées carrées et des frontons sculptés, elles ont été réutilisées à l'époque romaine par des juifs de Sardes qui les ont modifiées. Elles dateraient de l’époque phrygienne.

Sar Höyük-Doryleion 485 présente des niveaux phrygiens 486 . Une bulle avec une inscription phrygienne y a été retrouvée 487 . La séquence est ininterrompue du Bronze moyen à la période byzantine. A Doryleion comme à Gordion et à Kaman, l’arrivée des Phrygiens est signalée par des niveaux de modeste architecture domestique avec de la céramique faite à la main 488 . L’examen de ce site hors de notre zone d’étude ne sera pas abordé.

A Daskyleion 489 une inscription phrygienne provient d’un tumulus 490 . De la céramique phrygienne trouvée dans les niveaux inférieurs atteste une occupation aux IXe-VIIIe siècles. Une petite quantité de tessons appartient à une époque antérieure : le moment des migrations thraces 491 .

Une étude du matériel collecté par I. Todd en Anatolie centrale 492 a été publiée par G. Summers. Il ne traite que de la céramique grise. Selon Mellink le territoire phrygien se réduirait aux endroits où il y a des inscriptions phrygiennes. Les provinces de Kırşehir, Nevşehir et Niğde ont fourni de la céramique grise phrygienne, au moins au VIIe siècle 493 . Par la suite, Summers a revu ses hypothèses et ne reconnaît plus aucune céramique pouvant appartenir à la période phrygienne ancienne. Tous les restes archéologiques ramassés par Todd seraient donc d’époque post-cimmérienne 494 . Les différences entre les Mushki et les Phrygiens ont de nouveau été examinées. Summers a tenté de déterminer un possible territoire des Mushki en fonction de la répartition de la céramique Alişar IV : Maşat, Malatya, Tabal et la plaine d’Elbistan, mais :

‘“Doubtless there are distinct regional differences, but there is a strong overall similarity throughout this painted pottery tradition. To pick only a part of it (from Alişar IV) and identify it as Mushkian (Greater Phrygian) in the absence of corroborative evidence might be unwise.“ 495

Si l’utilisation des sépultures en tumuli était commune sur le plateau à partir du VIIIe siècle, comme le démontre la découverte de Kaynarca, suivant le débat en cours, il semble impossible de déterminer, pour l’instant, si les bronziers du pays de Tabal pouvaient rivaliser avec ceux de Gordion.

En 1992 496 , les travaux sur le site inachevé du Göllüdağ ont repris sous la direction de W. Schirmer. Cette ville fortifiée de la fin du VIIIe siècle se situe près d’un lac de cratère de volcan. Un complexe monumental est établi dans l’espace central avec un bâtiment de type bit-hilani 497 décoré de lions et de sphinx sculptés. La fonction de ce site de hauteur est encore incertaine. Des investigations ont été conduites sur le site de Çevre Kale-Yaraşlı par l’équipe Summers qui y a expérimenté une méthode de prospection aérienne qu’elle appliquera ensuite à Kerkenes Dağ 498 . A Kuşaklı, à deux-cent kilomètres de Boğazköy, le niveau hittite impérial est placé parfois immédiatement sous la surface. Il est possible que certains éléments datent de période post-hittite. En particulier, il y aurait des traces d’ateliers de métallurgie 499 .

Au début des années 90 les investigations reprennent à Alişar 500 . Une thèse, soutenue en 1990, tentait de faire le point des connaissances sur la période impériale et avait rendu évidente la nécessité d’un réexamen 501 . Les fouilles ont produit de la céramique Alişar IV 502 , des sceaux hittites 503 . L’équipe de fouille dut, cependant, parallèlement, se concentrer sur un autre site, Çadır Höyük, pour procéder à une fouille de sauvetage 504 . Plusieurs restes de l’âge du Fer y ont été retrouvés dont un mur d’enceinte. Une étude anthropologique de plusieurs restes humains provenant d’Alişar ont révélé des traces de décalcification sur plusieurs corps. Les os étaient déposés avec des ossements d’animaux 505 . A Çadır, les six couches de l’occupation de l’âge du Fer ont révélé de la poterie phrygienne typique du type Alişar IV, de la céramique du phrygien ancien incisée, de la céramique grise phrygienne comme on en trouve à Gordion et à Alişar au VIIe siècle. Les restes botaniques ont été analysés 506 . Une prospection a repéré vingt sites autour d’Alişar de périodes différentes 507 .

Gâvurkalesi qui commande la vallée qui relie Gordion et Bozhüyük/Haci Tuğrul au Lac salé, est réexploré 508 . Le site a été utilisé par les Hittites et par les Phrygiens. Les traces phrygiennes se rencontrent au sommet et sur les terrasses. Gâvurkalesi est fortifié par un mur en casemates, procédé que l'on retrouve à Alişar et à Porsuk, avec des tours carrées. Une entrée était peut-être située au nord. Ce niveau est contemporain de la période phrygienne. Des parallèles de céramique et de petits objets existent à Gordion. Le palais est construit sur une plate-forme plus ancienne. Il semble que l’occupation phrygienne soit plutôt tardive, postérieure à l’invasion cimmérienne. Deux ou trois tessons seulement pourraient appartenir à la transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer.

Kül Höyük, à proximité d’Oyaca et de Gâvurkalesi, présente une occupation phrygienne. Des bâtiments et surtout de grandes constructions rectangulaires y servaient de silos 509 . Le site n'a pas fait l'objet de publication, à part quelques rapports succincts.

Une nouvelle étude fait le point sur les façades rupestres phrygiennes 510 . Elle considère que ce sont des tombes ou des sanctuaires. Plusieurs tumuli ont été fouillés à Küçük Höyük (Konya) 511 , à Beylik Köprü Köyü (Ankara) 512  ; ils ont livré du matériel en céramique et en bronze des VIIIe, VIIe et VIe siècles 513 . Des aménagements rupestres inconnus ont été explorés près d'Akdağmadeni (Yozgat). A Oluközü, il existe un bassin carré avec un dossier arrondi à l’ouest. Le bassin n’a pu être aménagé que pour des raisons cultuelles :

‘“Comme nous l'avons écrit, les cupules, les rigoles, les vasques, parsemées ou groupées, et les bassins formaient des lieux sacrés et servaient au culte de l'eau étroitement lié aux rituels agraires et au culte des ancêtres chez les Hittites.“ 514

Les cupules seraient le symbole du monde souterrain, comme les fosses qui sont des lieux de rencontre entre la vie et la mort.

‘“Ces pratiques semblent avoir été adoptées plus tard par les Phrygiens. L'existence d'un escalier qui descend dans une citerne à Yazılıkaya de Midas et le fait que la citerne soit environnée de vasques à rigoles qui ne conduisent nulle part suggèrent les mêmes croyances.“ 515

A Müsallimkale, se trouve un piton plus haut que les autres, dans une citadelle : un trône, une cupule dans un rocher aplati et une rigole en pente ressemblent aux sanctuaires trouvés à Boğazkale et à Beyköy. C’est un sanctuaire rupestre de la transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer.

Kerkenes Dağ, site probablement perse, exploré avec des méthodes très nouvelles 516 pour le Proche-Orient, a fourni des résultats remarquables, en particulier le plan presque complet de la ville 517 .

Le site de Kilise Tepe près de Silifke, bien que n’appartenant pas à notre champ d’étude, présente une couche post-hittite fondamentale pour la compréhension de la transition 518 . Büyük Aslantaş est réexaminé et identifié comme une tombe hittite 519 . Akurgal publie une nouvelle synthèse sur l’histoire de l’Anatolie, dans laquelle il conserve les mêmes datations que dans Phrygische Kunst 520 .

Pour l'année 1999, la recherche a été marquée par la publication d’un colloque portant sur l’âge du Fer anatolien, qui s’est tenu à Mersin en 1997. Les articles de H. Bahar, de N. Postgate et de U. Müller présentant les dernières données issues des fouilles et des prospections ont permis de mieux percevoir la transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer 521 . H. Bahar travaille dans la région de Konya où il a signalé la présence d’une inscription de Kurunta 522  ; ses prospections permettent de rattacher cette zone au reste du plateau anatolien et à la Cilicie. Depuis les travaux de Mellaart publiés en 1955 523 , l’âge du Fer de cette région n’avait plus suscité beaucoup d’intérêt. Le site de Kilise Tepe se situe hors du plateau mais il apporte une meilleure connaissance de la céramique de la transition et fournit des éléments de comparaison pour le site de Porsuk. U. Müller présente les résultats obtenus à Lidar (hors du plateau) et en particulier de nouveaux modèles pour approcher le premier âge du Fer. Nous évoquerons leurs idées dans le chapitre concernant la céramique 524 .

La publication de la céramique issue des fouilles de Büyükkale (Boğazköy) était annoncée pour l’année 1999 mais à notre connaissance elle n’a pas encore paru.

Notes
481.

SAMS, 1994, XXXI.

482.

SAMS, 1994, XXXI.

483.

Cf. Chap.5. Architecture et pratiques funéraires.

484.

GONNET, 1994, 75-90.

485.

Situé à l’ouest de notre zone d’étude.

486.

MELLINK, 1992, 119-150.

487.

GATES, 1994, 249-279.

488.

GATES, 1995, 207-255. DARGA, 1993, 313-317.

489.

Situé à l’ouest de notre zone d’étude, l’étude de ce site ne sera pas approfondie.

490.

MELLINK, 1992, 119-150.

491.

GATES, 1995, 230. Fouillé par T. Bakır. Début de l’âge du Fer.

492.

TODD, 1965a, 13-14. TODD, 1965b, 34. TODD, 1966a, 15-16. TODD, 1966b, 43-48.

493.

SUMMERS, 1994, 241-252.

494.

SUMMERS, communic. personn.

495.

SUMMERS, 1994, 245.

496.

TEZCAN, 1992, 1-30.

497.

Cf. Chap. 4. Architecture de l'habitat et stratigraphie pour une définition du terme.

498.

GATES, 1994, 249-279. SUMMERS, 1992, 179-206. Cf. Chap. 4. Architecture de l'habitat et stratigraphie

499.

GATES, 1995, 207-255. MÜLLER-KARPE, 1996, 69-94.

500.

GATES, 1995, 207-255.

501.

GORNY, 1990.

502.

GORNY, 1994, 191-202.

503.

GORNY, 1993, 163-191.

504.

GORNY, 1995, 52-54.

505.

GORNYet alii, 1995, 65-100.

506.

CHERNOFF et alii, 1996, 159-179.

507.

BRANTING, 1996, 145-158.

508.

GATES, 1995, 207-255. LUMSDEN, 1995a, 181-183. LUMSDEN, 1995b, 267-280

509.

GATES, 1995, 207-255.

510.

FRANCOVICH, 1990.

511.

ÖZKAN, 1990, 583-590.

512.

TEMISOY, 1991, 3-28.

513.

Cf. Chap. 5. Architecture et pratiques funéraires. Chap. 8. Les petits objets.

514.

GONNET, 1993, 165.

515.

GONNET, 1993, 166.

516.

Prospection aérienne en ballon, prospection électromagnétique etc...

517.

SUMMERSet alii., 1995, 43-68. GURNEY, 1995, 69-71. SUMMERS, 1996. SUMMERS, 1997. SUMMERS et alii., 1998.

518.

BAKER et alii., 1995, 139-191. POSTGATE, 1996, 441-456. KNAPPETT, 1997, 10. POSTGATE, 1997, 8-9.

519.

SAHIN, 1995, 157-163.

520.

AKURGAL, 1997.

521.

BAHAR, 1999, 1-9. HANSEN et POSTGATE, 1999, 111-121. MÜLLER, 1999, 123-131

522.

Cf. 2. 3. 2. 5. Les inscriptions.

523.

MELLAART, 1955, 115-136.

524.

Cf. Chap. 7. Céramique.