3. 1. 1 Homère

Homère évoque parmi les alliés des Troyens, les Phrygiens :

‘"Du côté de la mer sont les Cariens, les Péoliens aux arcs recourbés, les Lélèges, les Caucônes et les Pélasges divins. Le côté de Thymbre est le lot des Lyciens, des Mysiens altiers, des Phrygiens dompteurs de cavales, des Méoniens aux beaux chars de combat." 531

Dans un autre chant, il mentionne de nouveau ce peuple :

‘"Tandis qu'il y songe, Phoebos Apollon s'approche de lui. Il a pris les traits d'un mortel robuste et fort, Asios, l'oncle maternel d'Hector dompteur de cavales, le frère d'Hécube et le fils de Dymas, qui habite en Phrygie sur les bords du Sangare." 532

Le «Sangare» a été identifié comme le fleuve passant près de Gordion, la Sakarya. Les faits relatés par Homère pourraient correspondre selon la "tradition" à la destruction de Troie au niveau VIIa. Si le poète dit vrai, les Phrygiens sont considérés dès cette période comme des habitants du plateau anatolien. Toutefois quelques éléments permettent de relativiser cette affirmation : d'une part, le poème s'est transmis oralement pendant plusieurs décennies avant d'être transcrit aux environs du VIIIe siècle avant J.-C. De plus, certains chercheurs proposent d'identifier Homère non pas comme un homme mais comme plusieurs personnes ayant contribué à divulguer un récit mythique. D'autre part, l'auteur, quel qu'il soit, s'il a vécu aux environs de 950, se réfère à des événements qui ont eu lieu au moins deux siècles auparavant. Ainsi, l'une des seules données crédibles réside dans le fait qu'au moment de la compilation de l'Iliade dans la version que nous connaissons, donc au VIIIe siècle, les Phrygiens sont déjà installés dans cette région, comme le démontre les trouvailles de Gordion.

Cependant un peu plus loin, nous retrouvons une évocation de la Phrygie, lorsque Priam va voir Achille pour reprendre le corps d'Hector. Achille rappelle la renommée de Priam :

‘"Dans tout le pays que limitent du côté de la mer, Lesbos, séjour de Macar, et, plus loin, la Phrygie et l'immense Hellespont, tu l'emportais sur tous par ta richesse et tes enfants..." 533

Ce passage ne permet pas de situer géographiquement la Phrygie bien qu'elle ne semble pas être placée de l'autre côté de l'Hellespont. Généralement, lorsque l'on délimite un pays ou une zone, on cite ses voisins les plus proches, ici : Lesbos pour le sud-ouest, l'Hellespont pour le nord et l'ouest ; reste l'est qui pourrait être identifié à la Phrygie. Cette hypothèse serait confirmée par la citation précédente.

Selon certains auteurs 534 , les Phrygiens occupent le territoire à l’est de terres de Priam. Celui-ci s’est rendu en Phrygie pour combattre les Amazones:

‘“When I came into Phrygia, rich in vines,
Thensaw I numberless Phrygian with their fast horses,
The forces of Otrys and godlike Mygdon,
Who camped along the banks of the Sangarios.
And I was their ally, along with men I had chosen,
On that day when the Amazons came, women a match for men.”535

La traduction française par P. Mazon dit :

‘“Une fois déjà, venu en Phrygie, terre de vignobles, j’ai vu là de grandes masses de Phrygiens aux coursiers frémissants. C’étaient les gens d'Otrée, ceux de Mygdon égal des dieux, alors en campagne aux bords du Sangarios. Je fus moi-même parmi eux enrôlé comme allié, le jour où apparurent les mâles Amazones. Mais les Phrygiens même étaient moins nombreux qu’ici ne le sont les Achéens aux yeux vifs.” 536

On ici retrouve la mention des chevaux qui auraient fait la richesse de ce peuple, deux noms de dieux apparaissent ceux d’Otrys et de Mygdon. Ils se retrouvent dans un poème homérique Hymn to Aphrodite où la déesse est phrygienne 537 . Pour séduire Anchise, elle prétend être la fille d’Otreus (Otrys) qui est le seigneur de la Phrygie. Les Phrygiens ayant occupé le pays avant Enée, il est possible que le terme «Phrygiens» soit synonyme de Troyens.

Il n’existe dans l’Iliade aucune mention d’autres peuples que les Phrygiens ayant antérieurement occupé ces régions. Néanmoins comme il a été dit plus haut, peut-on se fier à ces données, ainsi qu'à leur contemporanéité avec la destruction de Troie aux XIIIe ou XIIe siècles ? D'autre part, ces sources, les plus anciennes connues du côté européen, n'apportent pas de renseignements quant aux mouvements de populations vers l'Anatolie. L'auteur, s'il situe les Phrygiens sur le plateau, ne pose pas la question de leur origine, et peut-être est-ce significatif.

Notes
531.

HOMERE, trad. P. Mazon, Iliade, X, 429.

532.

Ibid., 716.

533.

Ibid., XXIV, 545.

534.

DREWS, 1993, 9-26.

535.

HOMERE, Iliade, III, 184-189. trad. DREWS, 1993, 9-26.

536.

HOMERE, trad. P. Mazon, Iliade, III, 184-189.

537.

D’après DREWS, 1993, 16.