Early Phrygian Destruction Level

Ce niveau possède plusieurs phases de construction se succédant et se superposant. Dans une seconde phase, un bâtiment (M 10), pl. 36, est construit sur la porte la plus au nord et une autre construction plus petite est installée en face, de l’autre côté du portail. Quand M10 a été bâti, EPB était toujours visible mais peut-être abandonné, pl. 36 844 .

Au cours d’une troisième phase, pl. 36, un programme ambitieux met en place de nouveaux axes avec de nombreux édifices selon une nouvelle orientation. Il semble probable qu’une nouvelle enceinte est construite. Les deux anciennes portes sont toujours utilisées, celle du sud devient un portail interne alors que celle du nord est fondamentalement modifiée. Un long passage couvert avec une forte pente permet l'accès vers le nouveau mur, lequel était probablement creusé d’une poterne. Ce troisième niveau est appelé Pre-Terrace Level. Les nouvelles constructions de cette période (M1-12) sont sur un plan en mégaron. Les édifices sont organisés en trois zones différentes. Deux séries sont organisées autour de deux cours. Le premier ensemble comprend M1, M2, M10 et M9 à l'est de la porte ouest. Le second inclurait M3, M12, M11, M5 et M6. DeVries propose de voir s’étendre l'ensemble des constructions de M5 et M6 jusqu’à M11 au moins 845 . Deux autres bâtiments M7 et M8 avec d’autres pas encore fouillés forment le segment ouest ; séparés des autres (M5-M11) par un mur, leur fonction semble différente. Ils possédaient des fours, une meule provient de M8 et un peson de M7. Ceci préfigurerait les divisions de la ville aux époques suivantes, cette zone étant destinée à la préparation de la nourriture et à la confection de textile 846 . Selon Sams 847 , il n’y aurait eu que deux quartiers distincts : l’un palatial, l’autre industriel. Le premier possédait deux cours séparées par un mur avec des bâtiments monumentaux. Le second sur une terrasse au sud-ouest présentait deux grandes rangées d’édifices.

M1 848 avec sa construction en briques crues et bois sur un socle bas de pierre est une exception 849 , pl. 37. Les bois verticaux, horizontaux et transversaux renforcent la structure de briques crues. La brique crue se trouve en Anatolie pendant des millénaires et même cette association de bois et de briques y a des parallèles 850 . Il était appelé aussi Burned Building et disposait d'une mosaïque de galets 851 . Un grand porche ou vestibule permettait d’accéder à une pièce interne spacieuse, par une large porte ; au milieu des deux pièces se trouvaient deux vastes foyers centraux 852 . Plusieurs pièces de stockage se trouvent entre le mur arrière et le mur de la Terrasse ; elles étaient utilisées pour conserver des céréales : blé et orge, une jarre contenait 494 astragales 853 . Les autres édifices sont en poros (grés brun clair, tendre) et en bois, jusqu’à une altitude élevée.

Le mégaron 2, pl. 37., dit aussi Mosaique Building 854 , avait une charpente en bois très complexe, un foyer dans la pièce arrière et le plan de type mégaron y subit quelques modifications : les dimensions du vestibule se réduisent ; le foyer central de cette pièce disparaît tandis qu'apparaissent des alcôves 855 . Ces deux pièces avaient des sols en planche de bois 856 .Les blocs de poros semblent avoir été utilisés de la même façon que les briques dans M1 avec des poteaux en bois verticaux 857 . Ceux de M2 et M3 étaient pour la plupart bien apprêtés avec des surfaces lisses qui se prêtaient bien aux graffiti dont elles sont incisées 858 . Les blocs de M2 possédaient des parements exécutés avec un outil à dents, les bords en étaient soigneusement biseautés : autant de liens avec la tradition architecturale. Les graffiti représentent, entre autres, une façade avec des acrotères. L’une d’elles a été mise au jour dans les remblais, pl. 38 859 . Elle est très différente par sa conception et sa taille de celle du mégaron 9. Elle pourrait être comparée à une paire de cornes. Le dessous est plat comme pour celui de M9 mais avec trois entailles rectangulaires. L’angle d’inclinaison de la base en pointe, approximativement de 40°, est très proche de celui de M9. Toutes les pièces de M2 comportaient des mosaïques de galets. La pièce principale en possédait une, faite de galets bleu foncé, rouge foncé et blancs formant des dessins géométriques, des svastikas, des losanges, des triangles entremêlés, de grandes rosettes. Les motifs ressemblent à ceux des céramiques et des tapis 860 . Plusieurs zones ont parfois dû être réparées anciennement. Une hypothèse propose que les sols de mosaïque aient permis l’évacuation des liquides qui pouvaient s’échapper de jarres 861 . Mais l'existence d'un sol en mosaïque ouvragée s'accorde mal à une fonction de stockage, même pour des liquides "précieux". Il semble qu’il s’agisse d’un bâtiment spécifique, peut-être d’un temple où les graffiti, surtout les aigles et les lions, pourraient être interprétés comme des offrandes ou des symboles à la divinité, Cybèle ou une autre 862 . Cette hypothèse s'accorde mal avec un sol destiné au stockage de jarres. Il n’y existe aucune trace matérielle qui permette une conclusion sûre.

Le mégaron 3 est l’un des plus grands de Gordion, pl. 36 ; il avait un système de pilastres de bois divisant en trois la pièce principale et l’antichambre. Il a été supposé qu’il comportait une galerie de chaque côté donnant dans la partie centrale 863 . Parmi les biens retrouvés figurent du mobilier en ivoire, un dépôt de pièces d'or non estampées et des tissus qui ressemblent à des kilims. Le long du mur du fond se trouvait un canapé bas recouvert de tissu, peut-être semblable aux divans ottomans 864 . Ce bâtiment a été interprété comme le centre du palais phrygien.

Au nord-ouest, les mégara 5-8 étaient perpendiculaires aux mégara 1-3, pl. 36 865 , jusqu’à ce qu’ils soient détruits (sauf M5) pour être recouverts par la plate-forme. Les bâtiments 6-8 étaient construits essentiellement de blocages grossiers et d’une structure assez simple en revêtement de bois 866 .

Le mégaron 9, pl. 42 867 , a été construit au cours du programme de rénovation qui comprenait le mur d’enceinte et le système d’entrée. Ce projet est daté de façon hypothétique de ca. 750 868 . Il comportait le remplacement du sol grossier pavé par un dallage massif qui descendait vers le nord-est. Un drain antérieur à l’installation du nouveau sol était bâti en poros remployé. M9, qui couvrait la porte ancienne, avait dans ses fondations des blocs remployés de poros qui provenaient d’un ou plusieurs édifices détruits par le programme de rénovation 869 . Un acrotère comparable à celui de M2 ornait le toiture, pl. 40 870 . Dans les fondations sont apparues des masses substantielles d’enduits à base de calcaire, qui étaient probablement utilisés pour des sols 871 . Quelques marches en poros ont été ajoutées à M10 car la cour fut surélevée à cette époque 872 .

Au moins un bâtiment a été démantelé lors du processus de rénovation, plusieurs éléments ont été retrouvés, réutilisés. L’un des bâtiments, détruit par cette rénovation, était construit essentiellement en poros : il a été découvert en 1993 entre les portes du système ancien. Un mur était conservé sur environ quatre mètres de long. A l’ouest, deux grandes dalles portaient une encoche rectangulaire en haut. Au nord de ceux-ci, se trouvait une ligne de blocs, peut-être bord d’un pavement. Plus au nord, parallèlement, se trouvait une rangée de dalles de chant encastrée à l’est dans un autre bloc avec une entaille rectangulaire. Ce mégaron renfermait un dallage noir et blanc en damier. Aucune information à l’intérieur ne permet une interprétation quant à sa fonction mais Sams a proposé d’y voir un temple, un prédécesseur de M2 873 . Le travail des pierres y est semblable, ils disposaient tous deux d'acrotères comme sur les représentations des temples dans la ville de Midas 874 . Cet édifice est d’une bonne facture. Au vu de la stratigraphie, il est possible qu’il ait été contemporain de M2, même si les deux bâtiments ont une orientation différente 875 .

Plusieurs blocs de poros, trouvés épars, conservent une ou deux faces concaves, peut-être afin de permettre un emboîtement du type “anathyrosis 876 , utilisé en Grèce au VIIe siècle. Des blocs en forme de croissant auraient pu servir comme éléments enveloppant la base de la structure en bois, ils sont différents des acrotères aillés de la pl. 40 877 . S’ils avaient été placés contre des poteaux sortant d’ouvertures verticales d’un mur comme dans les bâtiments phrygiens, les variations des protubérances des troncs expliqueraient les irrégularités de la profondeur 878 . Cinq blocs ont une face en pente (20°) et seraient peut-être des éléments de la bordure du toit ou des corniches. D’autres éléments pourraient provenir du toit, notamment trois blocs à double pente (40°) avec une surface très plane au sommet. La partie interne est généralement concave. Ils étaient peut-être placés au faîte du toit, pl. 39 879 . Une moitié d’acrotère ailée provient des fondations de M9, pl. 40 880 , ce type est bien connu par des graffiti trouvés sur le mégaron 2 et par d’autres contextes dont les façades rupestres. Il est possible que M2 ait possédé un tel décor. L’exemple ci-dessus a été interprété comme un oiseau stylisé, peut-être à rapprocher des rapaces de Cybèle 881 . Or, si les exemples des façades rupestres ne semblent avoir aucun lien avec un oiseau, en revanche, ils pourraient constituer une décoration stylisée d’un type originel symbolique 882 . Trois autres acrotères ont été mis au jour, ils ont tous été réutilisés par les habitants de la citadelle de la période phrygienne moyenne.

Une nouvelle fortification est très bien conservée dans sa partie sud, sur plusieurs mètres de hauteur, pl. 41 883 . Dans cette zone, la pente est forte ou recouverte d'un glacis qui n’est pas sans rappeler les fortifications de Troie 884 . Plusieurs coudes dans le cheminement de l'enceinte resteront comme l’une des caractéristiques des fortifications de Gordion jusqu’au VIe siècle, trouvées aussi à Troie. En 1991, a été mise au jour une rampe conduisant au sommet de la citadelle 885 . La partie la plus élevée, la grande porte qui y donne accès est conservée sur dix mètres. Dans sa phase finale, le couloir d’accès était soigneusement pavé. L’état exemplaire de la conservation suggère qu’elle n’était pas utilisée par des animaux ou des véhicules à roues et que même le trafic à pied y était limité 886 .

Pour les deux phases suivantes, la chronologie est difficile à retrouver 887 . Durant la phase la plus ancienne, la porte nord se voit abandonnée et un mégaron M9 la remplace. Pendant la phase la plus récente des deux, la partie ouest est recouverte et un programme ambitieux est amorcé pour établir une rangée de bâtiments sur une terrasse (TB 1-8 et CC 1-4), pl. 42 888 . La plate-forme est constituée de blocage 889 . Les constructions sont en pierre, en briques et en bois 890 . Les murs du Terrasse Building sont en grés et calcaire de différentes couleurs avec des assises en pierre, briques crues et bois. Les six ateliers et les deux pièces de stockage (TB 1-8) avaient tous le même plan en mégaron. Deux rangées de quatre poteaux et un central entre les deux du fond supportées peut-être une galerie qui entourait la pièce sur trois côtés 891 . Ces mégara contenaient beaucoup de meules, fours, grains et pesons, ce qui a permis aux fouilleurs d'en déduire qu’il s’agissait d’une zone de travail 892 . Presque toutes les pièces étaient destinées à la préparation de la nourriture et à la fabrication de textile. Des meules étaient placées sur des plates-formes basses 893 . Plusieurs éléments végétaux ont été retrouvés : des graines de blé, d'orge, de lentille, des noisettes et des cerises. Les collatéraux semblaient réservés au stockage, on y a retrouvé de la vaisselle abondante. Les antichambres étaient utilisées comme cuisines, avec des fours à dôme et des foyers ; une petite construction en U servait de grill. Les bâtiments TB1 et 2 contenaient très peu d’installations pour la cuisine. La pièce principale du deuxième renfermait des biens de luxe comme des ivoires, certains importés. Des signes de contacts avec la Syrie se trouvent en particulier avec un groupe d’ornements de chevaux en ivoire, ce qui a conduit Sams à considérer qu’il s’agissait d’un trésor 894 . L’antichambre a été fouillée par l’équipe de M.M. Voigt 895 . Elle y a trouvé plusieurs poteries contenant des graines, des pigments minéraux et des fusaïoles. De plus, attestant la présence d’industrie textile, il y avait des piles de pesons stockés, ainsi que d’autres alignés parallèlement au mur sud-est, peut-être attachés par une ficelle. Un peigne en ivoire était planté dans un tissu inachevé avec de la laine tissée d’un côté et non tissée de l’autre 896 . Young interprète ces bâtiments comme ayant pu servir pour le stockage 897 . Burke propose d'y voir des ateliers (TB 1-2) de fabrication de textile. Proportionnellement, il y avait très peu de briques par rapport aux pierres. Il est possible que cela soit dû à la présence de claustra ou à leur utilisation pour caler les poutres. Il n’y a aucune indication sur la forme du toit (galbé ou plat). Il est étrange de constater qu’une seule de ces unités aurait suffi pour les principaux besoins de la citadelle 898 . Ces unités dénotent la présence d’une grande organisation sociale, supervisée par une administration. Il est possible que les matières premières aient été amenées pour être transformées et redistribuées par une économie palatiale centralisée. Le Clay Cut Building (CC) était parallèle au TB mais seul des portions de quatre unités sur un plan en mégaron ont été explorées 899 . Les deux bâtiments ont été construits au même moment à la fin du VIIIe siècle, juste avant la destruction de la citadelle. Au nord de ces édifices se trouve le Persian-Phrygian Building (PPB) le seul à avoir été réutilisé après la destruction. Il n'en reste qu'un ensemble de pièces sans porte ce qui suggère des soubassements 900 .

Au nord de TB 1-3, se trouve la South Phrygian House construite sur une terrasse, de la poterie avec des paniers en osier y était entreposée. Cet édifice marque la transition entre le quartier de l'élite (les mégara) et celui industriel avec la terrasse 901 .

Enfin un grand projet, phase 7, devait permettre la construction d’une grande terrasse au sud de M1 et de M9 pour asseoir une nouvelle série de mégara, pl. 43 902 . Les seuls vestiges de ce dessein sont la construction d’un mur, temporaire, entre les deux bâtisses, la destruction de la porte interne et le creusement d’un drain. Ce programme a été interrompu probablement par les invasions cimmériennes.

Notes
844.

Cf. Pl. 36. Constructions des deuxièmes et troisièmes niveaux, Gordion. Ibid., Fig. 4.

845.

DeVRIES, 1987, 8.

846.

BURKE, 1998, 219.

847.

SAMS, 1997, 239-248.

848.

Cf. Pl. 37. Plan des Burned Phrygian Building-Burned Building (M1) et West Phrygian House- Mosaique Building (M2), Gordion. YOUNG, 1957a, pl. 88.

849.

Ibid., 319-331.

850.

SAMS, 1997, 240. Hattuša (DREWS, 1993, 10). Beycesultan (LLYOD, MELLAART, 1965, 39, fig. 15.)

851.

YOUNG, 1957a, 319-331.

852.

YOUNG, 1960b, 2-9 ; 1962a, 2-12.

853.

BURKE, 1998, 217.

854.

METZGER, 1969, illu. N° 30. Ibid.

855.

Ibid.

856.

BURKE, 1998, 217.

857.

SAMS, 1994, 211.

858.

YOUNG, 1957a, 319-331. ROLLER,1999, 143-152.

859.

Cf. Pl. 38. Acrotère de M2, Gordion. SAMS, 1994b, Fig. 20. 2.

860.

YOUNG, 1978, 9-24.

861.

YOUNG, 1957a, 319-331.

862.

SAMS, 1997, 239-248. ROLLER, 1988, 43-50.

863.

YOUNG, 1960a, 227-243.

864.

SAMS, 1997, 241.

865.

Cf. Pl. 36. Constructions des deuxièmes et troisièmes niveaux phrygiens, Gordion. Ibid., Fig. 4. Cf. Pl. 41. Enceinte du troisième niveau phrygien, Gordion. DeVRIES, 1987, fig. 6.

866.

YOUNG, 1968, 231-241.

867.

Cf. Pl. 42. Constructions des dernières périodes (4, 5, 6), Gordion. DeVRIES, 1987, Fig. 7.

868.

SAMS, 1994b, 211.

869.

Ibid., 212.

870.

Cf. Pl. 40. Acrotère de M9, Gordion. SAMS, 1994b, pl. 20. 3. 2.

871.

YOUNG, 1966, 267-278.

872.

YOUNG, 1964a, 279-292 ; Ibid.

873.

SAMS, 1997, 239-248.

874.

Op. cit., 243. Cf. Pl. 20.Façade sculptée dite " tombeau de Midas", ville de Midas.

875.

SAMS, 1994b, 212.

876.

Ibid.

877.

Cf. Pl. 40.Acrotère du mégaron 9, Gordion. Ibid., Pl. 20. 3. 2.

878.

SAMS, 1994b, 215.

879.

Cf. Pl. 39. Elément de toiture à double pente, Gordion. Ibid., Pl. 20. 3. 1.

880.

Cf. Pl. 40. Acrotère du mégaron 9, Gordion. Ibid., Pl. 20. 3. 2.

881.

Ibid., 213.

882.

Ibid., 213.

883.

Cf. Pl. 41. Enceinte du troisième niveau phrygien, Gordion. DeVRIES, 1987, Fig. 6.

884.

Ibid., 8.

885.

MELLINK, 1992, 119-150.

886.

SAMS, 1997, 239-248.

887.

DeVRIES, 1987, 9.

888.

Cf. Pl. 42. Constructions des dernières périodes (4, 5, 6), Gordion. DeVRIES, 1987, Fig. 7.

889.

YOUNG, 1966, 267-278.

890.

YOUNG, 1968a, 231-241.

891.

BURKE, 1998, 221.

892.

DeVRIES, 1990, 384-386.

893.

BURKE, 1998, fig. 4. 12.

894.

SAMS, 1997, 242.

895.

SAMS, VOIGT, 1990, 455-470.

896.

VOIGT, 1994b, 272. Cf. Chap. 8. Les petits objets. 8. 5. Les objets en os et en ivoire.

897.

YOUNG, 1962b.

898.

SAMS, 1997, 242.

899.

DeVRIES, 1990, 371-406.

900.

Ibid., 379.

901.

BURKE, 1998, 220.

902.

Cf. Pl. 43. Les derniers aménagements, niveau 7, Gordion. DeVRIES, 1987, Fig. 8.