7. Céramique

La période de la transition se présente avec des productions non tournées décorées. Même si la chronologie n’est pas clairement définie par la stratigraphie, il apparaît que les vases sont différents de ceux de la période antérieure, malgré certains conservatismes, et qu’ils préfigurent souvent ceux du Fer moyen. L'examen de la céramique de cette période a révélé l'existence d'une culture inconnue jusqu'aux investigations de Gordion à partir de 1989 ainsi qu'une typologie. A Gordion et à Büyükkaya, il est possible de reconnaître une évolution grâce à la stratigraphie. Boğazköy démontre que certaines formes du Bronze récent sont toujours utilisées. La théorie d’Henrickson, qui établi un lien entre les transformations formelles et techniques et un déclin économique, s’adapte admirablement à la situation du plateau anatolien entre le XIIe et le IXe siècle. Les similitudes avec du matériel étranger, d'origine européenne, semblent refléter surtout un même phénomène culturel ; il est cependant difficile d’établir avec certitude l’histoire du plateau (en particulier les phénomènes migratoires) sur ces seules bases. Les vases du premier âge du Fer sur l'ensemble des sites évoqués ont des caractéristiques communes ¹²⁸⁵ . A Gordion, les productions céramiques reflètent des changements profonds dans l'économie. L'apparition de ces nouvelles productions ne prouve pas forcément une installation de nouvelles populations mais atteste certainement d'un changement économique radical. Gordion développe son économie entre le Bronze récent et le Phrygien ancien; de bourg local, la ville devient capitale d’un état ¹²⁸⁶ .

Pour les IXe et VIIIe siècles, malgré les divisions de la typologie, nous avons noté de nombreuses similitudes d'un site à l'autre surtout parmi les motifs (complexes ou simples) de la céramique peinte. Il semble donc que, malgré des influences européennes, la céramique peinte de Gordion rejoigne une "koinè" de céramique peinte qui s'étend d'Anatolie centrale avec Alişar, jusqu'en Syrie du nord avec les sites de Carchémish, Malatya, Hama. Cette appartenance se traduit par l'utilisation de systèmes de compositions et de certains motifs. Alişar ferait aussi partie de cette koinè ¹²⁸⁷ , comme le sous-entend la présence de tessons de ce type à Gordion, qui attestent l'existence de contacts. Les Phrygiens, à partir de cette koinè, auraient développé leur style propre qui se serait rajouté à celui d'Alişar et de Syrie du nord. Ces styles de Gordion, retrouvés sur une large zone dans la partie ouest du plateau, pourraient être ancrés dans la culture locale.

Malgré l'existence d'une koinè culturelle, au moins quatre ensembles culturels ont cohabité : dans la région de Gordion, de Boğazköy, d'Alişar et de Porsuk. Les productions de Gordion constituent des cas particuliers et les séquences comparables sont rares. Gordion, par ses influences européennes et son évolution, se différencie du reste de la tradition anatolienne ¹²⁸⁸ .

L'étude de la céramique telle qu'elle est élaborée actuellement ne permet pas de saisir de concept mais des différences, des similitudes ainsi que des tentatives de chronologies.

Nous avons tenté de garder à l'esprit que :

‘"Potters made vessels --not rim sherds, nor painted sherds, nor body sherds-- for people to use in specific ways." ¹²⁸⁹ ’

Ce constat est parfois négligé lorsque l'on tente d'établir des typologies à partir de matériel très fragmentaire.

Les études sur la céramique du plateau entre le XIIe et le VIIe siècle portent sur les productions les plus fines, les plus caractéristiques. La typologie des productions de couleur chamois ou des productions communes n’a jamais été faite. La céramique fournit les données, à la fois les plus nombreuses et les plus importantes pour la connaissance de cette période ; or, jusqu'à présent, la stratigraphie et la céramique ont rarement été corrélées. Alors qu'en Grèce ou en Italie il est possible de dater des productions selon leur lieu de production et à vingt-cinq ans près, sur le plateau, pour certaines céramiques, on ignore l'atelier d'origine et la datation s'établit à deux cents ans près.

Nous avons classé les productions par types : la céramique faite à la main, peinte, grise etc. et suivant leur période : périodes obscures ou IXe et VIIIe siècles. En considérant que les typologies de Gordion et de Porsuk ont été les plus élaborées et les plus détaillées, nous nous fonderons sur leurs terminologies pour tenter de normaliser la description des céramiques. Il est très difficile d'établir des typologies par région, puisque sur chaque site les différents types cohabitent. Sans comptage et sans publication fiable, il est malaisé d'établir le groupe dominant.