8. 6. Les objets en bois

Les conditions particulières de dépôt de meubles en bois dans les tumuli de Gordion ont permis leur conservation. Ces meubles ont été restaurés et étudiés par l’équipe d’E. Simpson ²⁰⁶³ . Les incrustations d’ivoire sur bois seraient une trace de l’influence de la Syrie du nord ²⁰⁶⁴ . Certains objets ont été interprétés comme une preuve de l’origine nomade des Phrygiens, leur maîtrise des techniques d’assemblage, d’incrustation, de sculpture du bois révélant leur habitude de travailler le bois, donc leur installation à proximité de forêts selon Mellink ²⁰⁶⁵ . De même, selon Kohler, le style animalier phrygien du VIIIe au VIe siècle serait une forme d’art nomade ²⁰⁶⁶ . Dans le tumulus P, un chaudron contenait plusieurs animaux en bois hauts d’environ 6-10 cm, interprétés comme des jouets ou les éléments d’un meuble. Dans le mégaron 3, un groupe d’animaux miniatures est apparu sous le niveau de la destruction.

Le tumulus MM contenait une table incrustée de dimension moyenne, deux tables de service incrustées, huit tables de banquet, un cercueil ainsi que les restes d’au moins trois autres meubles. Parmi ces derniers fragments, cinq panneaux de buis comprenaient un ou deux animaux, notamment un lion à pattes à sabots attaquant un bœuf, des chèvres affrontées de part et d'autre d'un arbre, des cervidés affrontés, un cheval. Les yeux étaient tous porteurs de restes d’incrustation. Cet ensemble constituait un cadre, portant des traces rouges de peinture ou d’une coloration due aux tissus rose et pourpre qui recouvraient ces éléments à leur découverte ²⁰⁶⁷ . Les tables de service, appelées écrans par Young, ont des surfaces incrustées et des pieds arrière droits, pl. 505 ²⁰⁶⁸ . La partie haute est percée de trois grandes ouvertures rondes qui permettaient, à l’origine, le maintien de petits chaudrons de bronze pour le service de la nourriture ou des liquides. La table de banquet portable, très élaborée, est équipée de quatre poignées et d’un grand plateau. Trois pieds supportent les quatre coins d’un cadre au moyen de montants sculptés qui s’élèvent à partir des pieds. Dix-huit montants incrustés raccordent le cadre au plateau, pl. 506 ²⁰⁶⁹ .

Le tumulus P contenait aussi une table de service dont la surface est décorée de jours. La partie haute percée de deux ouvertures circulaires est supportée par un pied arrière incurvé, pl. 507 ²⁰⁷⁰ . Le tabouret sculpté trouvé prés de la table est incrusté dans ses parties avant et arrière. Celle de l’avant porte des clous en bronze. Sept lamelles de bois, de deux couleurs alternées, forment l’assise, deux châssis sculptés rejoignent les parties avant et arrière vers le bas, pl. 508 ²⁰⁷¹ .

Les motifs incrustés sont des réminiscences des motifs géométriques de la céramique peinte de Gordion mais le programme décoratif est beaucoup plus complexe. Les études de E. Simpson ont révélé des compositions qui semblent d’abord très simples, symétriques ou bi-symétriques, mais qui sont des variations compliquées à partir de trois motifs simples, pl. 512. Un examen minutieux a révélé que la disposition ne pouvait être aléatoire et que la fausse symétrie était voulue. Le labyrinthe, motif très fréquent décliné sous des formes multiples, aurait peut-être un sens symbolique ²⁰⁷² . Sur l’une des tables de service du tumulus MM, on note que sur les deux cent huit cadres recensés seul dix-sept motifs sont utilisés ; de plus, ceux-ci sont des variations sur trois motifs principaux, pl. 512 ²⁰⁷³ .

‘”If each individual design is considered separately, a complex pattern emerges. However, if each family of main designs is considered as a group, a simple scheme appears.” ²⁰⁷⁴ ’

La table de banquet reflète la même volonté décorative qui conduit à penser que les Phrygiens ont introduit de vrais jeux de motifs dans leurs décors. Ces systèmes de motifs combinés peuvent indiquer des éléments symboliques ou la seule virtuosité de l’artiste. Simpson pousse le raisonnement jusqu’à considérer que les pieds incurvés, des pattes de lions supportant une rosette, sont un symbole de Cybèle. Celle-ci est souvent représentée à des époques plus récentes (VIIe siècle) avec des lions (Arslan Kaya). Les représentations figurées ne semblent pas dominantes dans la tradition phrygienne où l’art géométrique abstrait constitue leur création la plus importante.