Dés les premières recherches, la théorie de la venue des Phrygiens d'Europe fondée sur Strabon et Hérodote suggère une solution qui rencontre peu de réticence. Les Phrygiens poussés par les Doriens seraient venus s'installer en Anatolie, emmenant avec eux les traditions de la céramique non tournée et des tumuli 2104 . Par ailleurs, les textes assyriens mentionnent les Mushki dans une zone très éloignée, dans le haut Euphrate. A partir de ces différentes sources, plusieurs théories ont été élaborées :
Ces doctrines sous-tendent l'ensemble des recherches depuis le XIXe siècle, l'archéologie s'étant vouée à conforter l'une ou l'autre théorie. Les indices tant littéraires que matériels ont fait l'objet d'un examen répété sans apport de données nouvelles. Si plusieurs chercheurs ont opté pour l'une ou l'autre théorie, il n'existe aucune preuve et ces questions historiques ont différé une démarche scientifique archéologique.
En ce qui concerne les raisons de la chute de l’Empire hittite, il apparaît que les causes sont multiples. La fin de l'âge du Bronze et la période de transition semblent le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs climatiques, technologiques (apparition du fer), politiques et peut-être agricoles, bien qu’aucune donnée ne soit disponible sur ce point. La présence de populations agressives, les Kashka, mentionnées aux confins de l’Empire semble être un élément complémentaire et décisif 2105 . L’absence de données concrètes concernant l’agriculture, la chronologie, les axes de circulation, les échanges économiques, la hiérarchisation des sites, incite à la circonspection quant aux déterminants de la chute des Hittites.
La fin de l’Empire n’explique pas l’absence de sites 2106 datant de la phase immédiatement postérieure. Il existe des cas, même actuels, qui prouvent qu’une destruction violente a rarement pour conséquence l’abandon des sites, dans la plupart des cas, ils sont réoccupés. Le hiatus, évoqué jusqu'en 1989 2107 , ne peut donc s’expliquer par cette seule hypothèse. Sur le terrain, entre la fin de l'empire hittite et les royaumes des IXe et VIIIe siècles, une phase d'absence d'occupation a été constatée où les sites détruits ne semblent pas réinvestis par les anciens habitants ou de nouveaux. Jusqu'en 1989 et la reprise des investigations de Gordion, ce phénomène demeurait inexplicable. Il semble cependant évident, grâce aux nouvelles recherches, que le hiatus soit beaucoup plus court que l'affirme M. Mellink 2108 , tendant même à disparaître d'après les données issues des sites de Gordion et Büyükkaya 2109 . Tous les sites comportant des niveaux de la transition découverts jusqu'à présent présentent une continuité d'occupation du Bronze final au Fer moyen. Aucune nouvelle fondation de site datant de la période située entre la fin du XIIe et le Xe siècle n'a été mise au jour.La céramique non tournée, Buckelkeramik , de Troie est mentionnée dès les années 50 2110 , elle a immédiatement été identifiée à la céramique des envahisseurs venus d'Europe 2111 . A la même période pour expliquer la disparition et l'absence de propagation de ces types de céramique non tournée, est élaborée la théorie du nomadisme. Cette théorie pose le problème de la démonstration de la présence de population nomade, une absence d'occupation ne suffisant pas à le faire. Les dernières recherches à Gordion et Büyükkaya ont démontré que les hypothèses du hiatus et d'un nomadisme généralisé de l'ensemble de la population du plateau étaient fausses 2112 . Quant à l'idée d'un nomadisme partiel, saisonnier, elle n'a pas été abordée et serait, en l'état actuel des connaissances, difficilement démontrable. Le postulat du nomadisme semble exclu car de plus en plus de sites sont découverts.
La chronologie est encore incomplète mais l’étude de Gordion, de Büyükkaya et de Kaman Kalehöyük contribuent à son élaboration. Les prospections abondantes sont mal exploitées, restent au niveau du ramassage de tessons et du positionnement du site. Il n'y a pas d'étude de répartition par régions, à l'image de ce qui a été fait pour d’autres périodes plus anciennes, dans la région de Çatal Hüyük 2113 . Les prospections, en l'absence d'une chronologie de la céramique très précise qui serve de référentiel, ne permettent pas de faire avancer les connaissances sur la période de la transition. Ainsi, la céramique de cette période a pu être confondue avec des productions de l'âge du Bronze ancien ou moyen. Les survivants de la chute de l’Empire hittite ont pu établir de nouvelles occupations, indépendantes des sites anciens (les höyük), pour une installation unique, en hauteur ou en plaine.
Une interrogation concerne le devenir de la culture hittite après la chute de l’Empire. Il est apparu dès la fin du XIXe siècle qu’une partie du pouvoir politique de cette culture s’a été conservée en Syrie du nord. Les états de Syrie du nord ont conservé leur culture locale mélangée à la culture hittite, ce qui en fait un ensemble culturel particulier. La découverte d’une inscription au nom de Kurunta, à Hatıp, prés de Konya, sur le plateau indiquerait qu'une dynastie de Tarhuntašša a perduré après la chute du pouvoir central. Tarhuntašša s’étendait jusqu’à Konya et a conservé un reliquat de pouvoir après le XIIe siècle. Il est actuellement impossible d’établir quel rôle a joué cette province dans la destruction d’Hattuša, mais compte tenu des rivalités entre Tudhaliya et Kurunta, il semble vraisemblable que ce dernier ne soit pas resté neutre 2114 .
La transition ne bénéficie pas jusqu’à présent d’un vocabulaire précis, elle est qualifiée de post-hittite ou pré-phrygienne. Nous n’avons pas trouvé le terme de premier âge du Fer ou un équivalent, sauf dans les publications de Porsuk 2115 . Cela tient peut-être au fait que les chercheurs ont eu tendance à désigner l’ensemble de la période, de la fin de l'Empire aux invasions cimmériennes et même après, comme phrygienne. Dans l’état actuel des connaissances nous ne pouvons déterminer qu'elle était l'organisation politique et économique de cette région entre le XIIe et le Xe-IXe siècles. Nous percevons les signes de nombreux changements par rapport à la période hittite, mais ne pouvons en établir les causes. De même, les sites du second âge du Fer, IXe-VIIIe siècles 2116 , semblent, pour la plupart, apparaître brusquement après un hiatus, aucune couche entre les destructions des niveaux hittites et l'apparition des céramiques grises ou peintes tournées. Nous ne saisissons pas les conditions de leur émergence. Le terme d’âge du Fer n’acquiert pas de réalité technologique, le fer étant déjà utilisé sporadiquement à l’âge du Bronze. Il est tout aussi impossible de préciser quelle a été la portée économique et culturelle du développement de l'utilisation de ce matériau.
Cf. Chap. 3. Sources écrites. 3. 1. Textes classiques.
SCHULER, 1965. LIVERANI, 1963.
L'absence de sites retrouvés.
Avant la reprise de fouilles de Gordion.
GHIRSHMAN et alii., 1964.
Cf. Chap. 7. Céramique. 7. 1. Les périodes obscures-les productions non tournées.
BLEGEN, 1958, 1963.
KOŞAY, 1951, 173. AKURGAL, 1965, 468-469.
SAMS, 1994a, X. SEEHER, 1996, 1997, 1998. Cf. Chap. 7. Céramique.
BAIRD, 1999, 13-14.
Cf. Chap. 3. Sources écrites. 3. 5. 1. Les textes hiéroglyphiques, Kurunta et les inscriptions de Karadağ-Kızıldağ. 3. 5. 1. 2. Kurunta et les inscriptions de Karadağ-Kızıldağ.
Voir bibliographie : DUPRE, PELON.
Cf. 9. 2. 5. Conclusions et problématiques.