La stratigraphie et l'architecture

La stratigraphie de Gordion est très complexe et reflète les difficultés d'identification sur l'ensemble des sites anatoliens, les réutilisations de bâtiments et les fosses étant très abondantes.

Les mégara sont l'architecture caractéristique de Gordion. On ne les trouve que sur ce site, il est vraisemblable que leur forme particulière ne pouvait tenir à leur fonction car celle-ci varie : ateliers (TB1-8) ou temple (M 3) 2150 . Leur présence renforce encore le caractère unique de Gordion. Les fortifications sont très élaborées avec une porte à système de chambres complexes. L'architecture reconnue jusqu'à présent ne concerne que la population très aisée du site, sans que nous ayons notion des habitations populaires. A Ankara, aucun plan complet n'a été publié à notre connaissance, seuls quelques orthostates ont été mis au jour. Il est donc très difficile de synthétiser l'architecture des Phrygiens en un tout et de fournir un plan type de ville ou de maison.

L'urbanisme de Gordion n’est que partiellement connu, une enceinte en briques crues et une entrée placée en diagonale par rapport aux axes des rues. Barnett 2151 a proposé d'y voir la preuve d'une ville en plan d'étoile, comparable à des villes des reliefs assyriens de Tiglat-Pileser III 2152 . Gordion était une forteresse et un centre administratif plutôt qu'une agglomération très peuplée. Ses fonctions étaient probablement comparables à celles d'un château médiéval 2153 : marché et lieu de refuge. Le cœur de la ville était le palais du roi autour duquel se concentraient les différentes fonctions administratives, les sanctuaires les plus importants, les maisons des nobles ou des bureaucrates, les baraques pour la garnison, les ateliers. La ville basse ne semble pas avoir été utilisée avant le VIIe siècle 2154 . La phase 6B marquant le début de la période phrygienne (950-700 environ), avec des maisons plus élaborées, l’apparition des plans classiques (mégaron) caractéristiques des maisons du quartier de l’élite de la ville. Avec la première enceinte fortifiée 2155 édifiée, le site était une citadelle, dès le IXe siècle, par l’ajout à la porte du nord d’une porte au sud. Il semble que les fonctions de citadelle et de centre administratif soient contemporaines. Les institutions administratives complexes sont implantées aux différentes phases de la construction du quartier du palais. Un projet de reconstruction en cours lors des invasions cimmériennes prévoyait le démantèlement de la porte et la construction d’une terrasse massive au sud-est. L'architecture semble "tout à fait étrangère à la tradition hittite" 2156 , selon Bittel, malgré l'utilisation du bois, couramment employé au deuxième millénaire. Les murs à talus de la grande porte de la ville, la taille régulière des pierres de construction et les mégara font partie des caractéristiques des constructions phrygiennes. Selon DeVries 2157 , la reconstruction du milieu du VIe siècle, à l’image de la citadelle du VIIIe siècle correspond à une volonté de restauration d'une grandeur passée, dans l’esprit du monument de Midas.

Aucun site du plateau n'a une architecture comparable à celle de Gordion. Quelles conclusions pouvons-nous tirer de ce site et des données disponibles sur l'architecture en Anatolie ? Nous ne pouvons répondre avec certitude sur la question de l'origine du plan en mégaron, ni sur le rôle économique de la ville par rapport aux autres. Nous ne savons rien de la vie quotidienne des habitants même si des ateliers et peut-être un temple, dont on ne peut interpréter le culte, ont été mis au jour. S'il existe bien un espace palatial, nous ne savons pas comment il s'organisait. Nous ne percevons pas les populations modestes qui participaient à la vie et à l'économie du site, les artisans, les commerçants, les paysans. Aucune de leur habitation n'a été découverte, les tombes à incinération du cimetière commun ne sont pas publiées, à ce jour. De la ville de Gordion 2158 , nous ne connaissons que trois rues, une porte, une enceinte, une dizaine de tumuli et quelques tombes à incinération ; malgré ce constat Gordion reste l'un des sites les mieux connus du plateau anatolien.

Notes
2150.

Cf. Chap. 4. Architecture de l'habitat et stratigraphie. 4. 2. 1. Gordion.

2151.

BARNETT, 1967, 430.

2152.

BARNETT, FALKNER, 1962, pl. XLV, XLVI.

2153.

YOUNG, 1978, 11.

2154.

GATES, 1994, 249-279 ; SCHAUS, 1992, 151-177.

2155.

VOIGT, 1994, 265-293. VOIGT, 1993, 302-304.

2156.

BITTEL, 1976, 294.

2157.

SAMS, 1997, 239-248.

2158.

Par les publications.