Le groupe de la céramique phrygienne ne se trouve qu'à Gordion, Ankara, peut-être Konya et la ville de Midas, ce qui pourrait suggérer une différence linguistique et ethnique avec les autres populations du plateau 2163 . Les productions céramiques de Gordion constituent des cas particuliers, les séquences comparables sont rares. Gordion, par ses influences européennes et son évolution, se différencie de la tradition anatolienne 2164 .
Il semble que la céramique de Gordion soit issue d'une influence locale, des contacts 2165 et de l'héritage du passé comme de l'inventivité et de l'originalité des Phrygiens eux-même 2166 . Cependant, il est impossible selon Sams de prouver que la céramique faite au tour du VIIIe siècle soit issue de modèles non-tournés du XIe siècle 2167 . A Gordion, les traces de l'évolution de la céramique sont différentes des autres sites : on assiste à l'apparition brutale d'un type déjà développé. Les relations avec les Balkans expliquent l'utilisation de l'estampage, encore au VIIIe siècle, alors qu'il n'existe pas d'attestation antérieure en Anatolie. Les motifs peints de Gordion, tout comme ceux d'Alişar, ont peu de dettes envers la Grèce géométrique, contrairement à l'opinion d'Akurgal 2168 .
A Gordion, on trouve plusieurs catégories de céramiques monochromes, grises ou chamois-clair, peintes. Les céramiques monochromes sont simples ou avec des ornements plastiques, incisés ou estampés. La céramique peinte est souvent décorée dans sa partie supérieure comme à Alişar de motifs géométriques couvrants avec des panneaux. Ces panneaux sont décorés de motifs géométriques ou animaliers d'un style particulier issu du répertoire de la Syrie du nord 2169 . Toutes les productions ont des formes standardisées, tournées. La céramique claire provient d'une tradition ancienne établie localement, elle est très difficilement datable. On la trouve sur de nombreux sites mais elle est rarement publiée. Aucune étude complète n'a été faite sur ce type de production. Plusieurs vases de la typologie de Gordion ont des parallèles extérieurs, mais la variété de l'assemblage fait d'eux un groupe homogène qui se différencie de ceux des sites centro-anatoliens. On rencontre à Gordion quelques importations d'Alişar. Plusieurs types de productions sont caractéristiques de Gordion, notamment les grises ou estampées. Les motifs incisés ressemblent souvent aux motifs peints, ce qui conduit Sams à établir une chronologie. Ce problème de l'origine, récurrent dans l'ensemble des études ne peut être résolu sans datation précise. Toutes les études typologiques ne se limitent ainsi qu'à des suppositions invérifiables. De même dans le cas de la céramique grise, il nous a été impossible de déterminer une chronologie certaine, en raison des pérennités stylistiques et de l’absence de stratigraphie explicite. Les productions grises ont souvent servi de preuve de la présence des Phrygiens dès le VIIIe siècle, sur des sites de datation inconnue. Or, un tesson isolé de céramique grise ne peut être daté avec certitude du VIIIe ou du VIIe siècle. La céramique peinte s'apparente par son concept à un mouvement de pensée retrouvé à Alişar, ce qui suppose l'existence d'une koinè intellectuelle 2170 .
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de l'examen de la céramique de Gordion? L'abondance de céramique fine suggère la présence d'une communauté riche. Une très grande variété de motifs a été recensée, ainsi que des variations à partir d'un motif simple comme le méandre qui se rencontre tant sur les vases que sur les façades monumentales ou les meubles en bois. Il est difficile de tirer des conclusions de cette abondance de motifs, les Gordiens ayant certainement acquis un art et une maîtrise du décor très développés. Les motifs figuratifs sont moins nombreux que les motifs géométriques mais sont mis en valeur par ces derniers. La céramique de Gordion est très complexe, et ce site, à lui tout seul, représente la culture phrygienne alors que nous connaissons mal les autres sites : Ankara, la ville de Midas (que les fouilleurs datent du VIIe siècle au plus tôt), Konya. Les sites de Yenidoğan, Gâvurkalesi, Topaklı à proximité de Gordion et Ankara ne sont pas inclus par Sams dans le domaine phrygien, alors qu'il y insère Konya. Kaman Kalehöyük entre Phrygie et Tabal est difficilement assignable à l'une ou l'autre culture car les influences proviennent tant de l'est que de l'ouest ou du sud-est.
SAMS, 1994a, XXX.
SAMS, 1994a, XXXV.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
AKURGAL, 1955, 115.
Cf. Chap. 7. Céramique. 7. 2. 1. La céramique monochrome. 7. 2. 2. La céramique peinte de type Gordion.
Cf. 9. 2. 4. la zone culturelle d'Alişar.