Section 6.2 Une description des principaux marqueurs de changements en cours

La façon dont les experts que nous avons interrogés abordent la question des transformations actuelles du métier d’éleveur est bien évidemment marquée par la position qu’ils occupent à l’égard de ce monde, à la définition duquel ils participent. Ce qu’ils nous disent de ce qui a changé ou est en train de changer dans le métier d’éleveur renvoie ainsi à la manière dont ils apprécient ce qui a changé ou est en train de changer dans leurs activités propres. Envisagée sous l’angle sociologique qui est le nôtre, la ’crise’ que connaît aujourd’hui l’élevage est aussi, en effet, une crise des frontières établies entre les différents ’segments professionnels’ qui participent à son fonctionnement, dans la mesure où la redéfinition éventuelle de ce fonctionnement, qui est bien ce que nous cherchons à explorer, met en jeu des négociations portant, précisément, sur ces frontières mêmes160.

Les observations qui suivent sont alors à considérer au regard de la vision particulière que ces experts se font de ce qui est légitimement du ressort de compétences de chacun des acteurs qui participent au monde de l’élevage. Si les propos de nos interlocuteurs sont, en conséquence, à relativiser, ils permettent bien cependant – et parce qu’ils sont ’intéressés’ et se situent sur un registre qui est celui d’un jugement sur l’ordre des choses établis que ce soit sur le mode de la dénonciation ou de la justification – de dégager ce qui ’bouge’ aujourd’hui dans ce monde, d’abord, et d’identifier, ensuite, les principales perturbations associées aux mouvements qu’il connaît de la sorte.

Notes
160.

Voir les travaux interactionnistes de A. Strauss (1992) et E.C. Hughes (1996) présentés dans la première partie. Par analogie avec la conception qu’ils proposent du travail ’négocié’ dans les professions de santé, on peut considérer que la question de la redéfinition de ce que doit être le fonctionnement du monde de l’élevage se pose du simple salarié agricole en passant par l’abatteur, le boucher, jusqu’au ’travail’ du consommateur à partir des décisions qu’il prend et de la manière dont il envisage sa propre identité de consommateur...