b) S’adapter c’est aussi être obligé de surmonter de plus en plus de difficultés

Néanmoins, certains éleveurs de ce récit, soucieux de bien prendre en compte les moindres perturbations du métier, s’interrogent sur les dysfonctionnements, même s’ils ont du mal à les expliciter très précisément. Bien que les éleveurs de ce récit mettent l’accent sur la nécessité d’une adaptation continuelle à la demande, et refusent du même coup d’entrer dans un discours ’historique’ de l’élevage allaitant, cela ne les empêche pas de faire l’inventaire des difficultés que leur pose cette adaptation. C’est alors principalement à partir des demandes formulées par l’aval la filière qu’ils appréhendent les dysfonctionnements liés aux impératifs de la production. Si on retrouve le fait que tout devient plus compliqué, on peut noter toutefois comment contrairement au récit précédent, les éleveurs font un lien direct entre la reconnaissance de ces difficultés et la manière dont elles viennent perturber la production, sans les référer à la perte d’une valorisation du travail.

Conscients de la puissance de l’aval de la production, ils cherchent malgré tout à valoriser leur production en répondant à cette demande. Ils montrent ainsi qu’ils ont su se mettre en face des nouvelles conditions d’exercice du métier, malgré les sacrifices que cela demande de faire, comme le montre l’exemple suivant quant à l’usage des primes qui caractérise l’obligation de ces éleveurs de se plier aux contraintes issues de la PAC même si elles entrent en opposition avec ce qu’il paraît logique de faire.

Compte tenu du caractère très opportuniste de cette adaptation, ces éleveurs finissent parfois par s’interroger sur le bien-fondé d’une telle ’évolution’. A force d’adaptation et avec l’ambition qui est la leur, d’être toujours à la pointe ils ont l’impression parfois de se trouver dans une nouvelle impasse, ce qui soulève aussi quelques interrogations de leur part.

Alors qu’ils sont motivés par la possibilité d’aller plus loin dans la production, par exemple, en engraissant les animaux, et qu’ils ont réussi à perfectionner leur système, en même temps, ils sont amenés à s’interroger sur cette nouvelle situation, moins confortable, qui ne permet pas de voir comment s’y prendre pour s’en sortir aujourd’hui. Peut-être sont-ils condamnés à s’enfoncer plus encore dans une version perfectionnée du productivisme, bien qu’ils aient pu chercher à s’en dégager. Quoi qu’il en soit, c’est dans cet état d’esprit que ces éleveurs essayent de définir ce qu’ils ont désormais à faire aujourd’hui.