b) L’importance de jouer le jeu malgré tout : des éleveurs méritants

Dans leur discours, ces éleveurs essayent de montrer comment ils ont joué un rôle majeur dans une approche du métier d’éleveur, considérant que l’attitude qu’ils ont eue est exemplaire et qu’elle permet d’aboutir à une redéfinition acceptable du métier d’éleveur allaitant. Du coup, ils s’opposent à ceux qui selon eux discréditent la profession et ils cherchent à se constituer comme des figures de référence en tant qu’éleveurs ’méritants’, du fait qu’ils prennent en compte les nouvelles exigences des consommateurs et s’intéressent au devenir de leur profession et de leur région.

Ils tiennent par exemple à se démarquer des éleveurs qu’ils jugent incapables de gérer les primes convenablement, soit parce qu’ils ne savent pas les mettre à profit, soit parce qu’ils en abusent. Ils dénoncent également l’attitude de ceux qui n’ont pas intégré le nouveau schéma de développement qui s’impose aujourd’hui à l’agriculture, ceux notamment qui fraudent, ont des pratiques illicites (exemple de la dénonciation de l’utilisation d’hormones). Cette attitude, qu’ils jugent irresponsable, provoque chez eux une véritable indignation.

Ces éleveurs cherchent donc à se démarquer de deux images négatives du métier d’éleveur, celle de l’archaïsme de ce métier et celle de l’excès de l’usage des aides à l’agriculture. Et ils condamnent cet excès qui nuit à la réputation de l’élevage allaitant, et risque de mettre en péril la représentation que les autres peuvent avoir de leur profession. Même si, comme on l’a vu, ils sont ainsi conscients qu’il faut désormais faire avec les primes, ils doutent ainsi du bien fondé de certaines aides qui ne sont pas en adéquation avec leur conception du métier.

Pour ces éleveurs, leur reconnaissance en tant que participants actifs de l’élevage allaitant paraît essentielle et est caractérisée par l’implication dans la mise en marché collective de la production comme le montre l’encadré suivant.

Se présentant comme des ’piliers’ de l’organisation de la filière allaitante, il importe pour ces éleveurs de participer activement à la définition des règles du jeu telles qu’elles sont définies avec l’aval de la profession. Cherchant à être reconnus comme les représentants des éleveurs allaitants vis-à-vis des structures d’organisation de la production, ils estiment avoir ainsi leur mot à dire sur les orientations à suivre pour améliorer les conditions de mise en marché de leur production.

Pour ces éleveurs, c’est la question de la ’maîtrise’ de leur métier qui est au coeur de la redéfinition de leur activité, que cette question soit présentée à partir d’une manière particulière de gérer les primes ou qu’elle soit décrite dans la manière que ces éleveurs ont de concevoir la commercialisation de leur production et du rôle qu’ils y jouent. Dénigrant certaines formes de conceptions du métier qu’ils considèrent ’dépassées’, la question de leur appartenance à un monde ’d’éleveurs méritants’ et de leur participation à la définition des normes d’exercice de leur métier transparaît également dans la manière dont ils interrogent l’avenir de leur profession comme nous allons le voir maintenant.