b) Une redéfinition qui reste inachevée

L’opposition qu’ils affichent à l’égard de la politique d’orientation de l’agriculture se fonde sur leur attachement à la défense de la spécifié même de l’élevage allaitant et la diversité des régions agricoles. Si on fait l’inventaire des exemples qu’ils proposent pour exprimer leur désaccord avec certaines façons d’exercer et ’d’administrer’ le métier d’éleveur, on constate, en effet, qu’ils renvoient dans tous les cas à l’idée que l’élevage allaitant est un univers particulier. Ce qu’ils dénoncent alors c’est que l’on en soit arrivé aujourd’hui, sous prétexte de mieux valoriser l’élevage allaitant, à accroître les inégalités entre les petites régions d’élevage et les différents types d’activité qu’elles recèlent.

Cette dénonciation de l’accroissement des inégalités prend pour l’éleveur de l’encadré précédent un caractère particulier. Alors que les primes instaurées lors de la réforme de la PAC devaient, selon lui, d’une part aider les secteurs de production en difficulté et d’autre part, soutenir les ’régions naturelles’ les plus pauvres, cette réforme s’avère être la démonstration de l’échec de la profession, puisque les primes continuent à faire vivre un secteur de production au delà de périodes de crises.

Cette réforme est synonyme d’injustice puisqu’elle vient renforcer certaines inégalités, d’un point de vue régional, mais également au niveau de la ’rémunération’ des activités en fonction du type de production qui ne se trouvent pas, selon eux, forcement rétribués à leur juste valeur comme le présente la suite de l’entretien avec cet éleveur.

En fait, il s’agit pour ces éleveurs de montrer comment certains des problèmes qui ont surgi, il y a déjà un certain temps, dans le monde de l’élevage n’ont pas été résorbés et se sont même amplifiés au cours du temps. Ils mettent ainsi en avant le fait que ce qu’ils ont dénoncé par le passé n’a pas eu d’écho, voire, qu’ils ont été volontairement mis à l’écart des nouvelles orientations politiques prises par la profession auxquels ils n’ont pas été associés. Il s’agit donc aujourd’hui de remédier à cette situation en cherchant à défendre la conception du métier qui est la leur.

Ainsi, et alors que ces éleveurs s’opposent depuis longtemps déjà à un certain type de modernisation de l’élevage allaitant (et parfois de manière assez semblable à certaines réflexions proposées par les éleveurs du premier récit), il reste primordiale de continuer à lutter contre certains types de développement de la filière qui vont à l’encontre de leur conception du métier d’éleveur exprimant, par exemple, comment ils considèrent encore aujourd’hui que « l’on va vers une industrialisation de l’agriculture qui est négative », ou encore que l’on cherche à les mettre à distance de la définition de certaines règles concernant la production et plus encore sa valorisation dans la commercialisation. C’est donc à partir de ces éléments de dénonciation qu’ils proposent de redéfinir par opposition leur propre conception du métier et d’essayer de la mettre en oeuvre.