8.1.3 Un monde de référence localisé

D’un point de vue relationnel, ces éleveurs sont plutôt insérés dans un réseau social assez restreint dont la composition est marquée par la spécificité de leur secteur de production et leur localisation géographique. Ceci ne signifie pas pour autant qu’ils sont isolés, mais qu’ils privilégient, par exemple, des responsabilités locales, afin ne pas se retrouver « déconnectés » comme le sont, selon eux, la plupart de ceux qui « partent » avec l’intention de défendre les agriculteurs de leur secteur avant d’oublier certaines réalités qui ne peuvent être prises en compte que lorsque l’on continue à exercer le métier d’éleveur à part entière. Pour ceux d’entre eux qui ont décidé de s’investir dans certaines instances professionnelles, c’est donc en agissant localement qu’ils pensent pouvoir défendre au mieux les intérêts particuliers des ’petites régions’ dans lesquelles ils sont situés et faire reconnaître leur point de vue particulier.

La mise en garde portée à l’égard de prises de responsabilités, qui seraient trop importantes et les détacheraient de leur intérêt premier, s’exprime également à partir de la présentation par ces éleveurs de l’expérience de proches et de la répercussion que cette expérience peut avoir sur le fonctionnement de leur exploitation, expliquant parfois la réticence des éleveurs de ce groupe à s’engager dans certaines instances professionnelles.

Le désintérêt que cet éleveur affiche à l’égard des réunions professionnelles ou autres est justifié par les enseignements qu’il tire de l’expérience de son père et il se traduit par un refus d’y participer, mettant en avant la difficulté de s’absenter de manière répétée de leur exploitation sans menacer le bon fonctionnement de leur élevage. Plus globalement, certains de ces éleveurs ne se sentent pas pris en considération et ne se reconnaissent pas dans de telles instances professionnelles. Ils sont le plus souvent déçus par la gestion actuelle de la profession, même s’ils n’ont rien d’autre à proposer à la place.

C’est alors par une implication locale centrée sur les pratiques d’élevage que les éleveurs concernés par ce premier profil se caractérisent. L’investissement dans les lieux ’traditionnels’ de l’élevage tels que les comices agricoles, les marchés et les concours, est la principale source de reconnaissance de leur professionalité.

Ces éleveurs font également largement référence au ’monde marchand’ en opposition aux groupements de producteurs. Ils privilégient la vente de leurs animaux aux négociants privés afin de préserver leur indépendance. Les marchés sont pour eux des lieux de manifestation et de représentation de leur travail, c’est-à-dire des scènes sur lesquels il est possible de définir et juger les critères de reconnaissance du ’bon’ éleveur évalué à partir d’un réseau restreint d’éleveurs.

Enfin, l’investissement dans les ’lieux traditionnels’ du métier d’éleveur vient souligner encore une fois la référence primordiale au travail des générations antérieures quant à la mise en avant de la réputation des exploitations d’élevage et se prolonge au delà du métier d’éleveur par le savoir-faire du négociant capable de reconnaître les bons animaux et les bons éleveurs.