8.2.3 Un engagement professionnel orienté vers les instances technico-économiques.

En ce qui concerne la dimension relationnelle du métier de ces éleveurs, trois types d’informations principales peuvent être mis en avant. Le premier correspond au fait qu’il s’agit pour la plupart d’entre eux d’éleveurs jeunes qui se sentent investis dans un rôle de revitalisation de l’agriculture et de la vie associative de leur région. Le deuxième renvoie à un investissement dans les instances technico-économiques de la profession. Le troisième est relatif à une réflexion plus générale sur leur position par rapport aux éleveurs qui ne prennent pas de responsabilités professionnelles.

C’est à travers leur adhésion au CDJA, que la plupart de ces éleveurs expriment les interrogations qu’ils peuvent avoir sur les conditions de vie des éleveurs vis-à-vis du reste de la société. Il est essentiel pour eux, de faire ressortir comment, en tant que jeunes agriculteurs, ils ont largement participé à la défense d’une parité de leur activité professionnelle avec le reste de la société. Ainsi, ils exposent comment ils se sont largement impliqués dans le développement d’activités collectives qui tendent à concilier des activités purement professionnelles avec d’autres activités sociales et culturelles, refusant de se résigner à un investissement exclusif dans le monde du travail, sous prétexte des exigences de leur métier.

Ces enquêtés s’identifient à une fraction de jeunes agriculteurs engagés dans la vie associative locale. Ces groupes de jeunes agriculteurs ’responsables’ représentent, selon eux, ceux qui sont capables de s’engager aussi bien dans certaines instances professionnelles et dans leur travail quotidien que dans la vie locale et associative.

Une grande partie des éleveurs relevant de cette forme identitaire participent à la valorisation collective de leur production. La majorité d’entre eux sont engraisseurs de taurillons et ont comme objectif de valoriser la plus value de leur production au sein de leur région. Ils sont fortement intéressés par la prise de responsabilité au sein de structures qui participent à la mise en marché de cette production. Contrairement aux éleveurs du premier groupe, une majorité de ces polyculteurs-éleveurs vendent leurs animaux par l’intermédiaire d’un Groupement de Producteurs ’en confiance’.

Pour quelques éleveurs de ce profil identitaire, l’implication dans la commercialisation de la production passe par certaines initiatives de vente directe. Ce type d’initiatives reste cependant marginal et temporaire et ne touche qu’à une faible proportion de leur production. Il est le plus souvent envisagé en vue de comprendre le fonctionnement de la filière et de partager une expérience entre quelques jeunes éleveurs plutôt que comme un essai de développement de nouvelles structures d’organisation de leur production qui viendraient concurrencer celles déjà existantes.

La plupart mettent en avant comment leur engagement dans des groupements de production a comme principal objectif de répondre aux besoins de cette structure collective en fonction des demandes de l’aval.

Le suivi d’informations concernant les variations de la demande permet pour l’éleveur ici cité non pas tant de s’informer sur les cours du marché en vue de négocier la vente de ses animaux que d’anticiper sur les adaptations à faire pour être en phase avec le marché du point de vue de la production. Bien que ce suivi se fasse à partir d’un contrat qui impose aux éleveurs certaines orientations de production, leur implication dans les groupements leur permet cependant d’avoir un droit de regard sur les objectifs visés par le Groupement, et d’être relativement bien informés de ce qu’il est intéressant de faire du point de vue de la production compte tenu des analyses de la situation du marché effectués par les techniciens du groupement. Bien placés, du fait de leur position de représentants au sein de ces organismes, ils participent donc à la construction d’une stratégie qui met en avant l’importance de répondre aux exigences de la demande.

Le travail fourni sur l’exploitation est ainsi présenté par ces éleveurs dans une continuité avec l’entreprise collective que représente le groupement de producteurs. La définition qu’ils donnent de leur métier passe alors par une reconnaissance de leur rôle au sein de certaines instances professionnelles économiques. Ils s’opposent à ceux qui cherchent simplement à profiter des opportunités offertes par ces structures d’organisation de la production sans s’impliquer dans la coopérative. Ils marquent également leur position à partir de la confiance qu’ils accordent à leur groupement.

Enfin, la distinction que ces éleveurs proposent entre quelques éleveurs responsables engagés dans les instances économiques de l’élevage et le reste des éleveurs se retrouve également à propos des aspects plus techniques du métier. Les éleveurs de ce groupe mettent en avant une certaine image de leur métier qui les distingue d’éleveurs qui n’auraient pas le même souci du travail bien fait et qui ici ne concerne pas, aussi précisément que dans le premier cas étudié, le soin des animaux mais plus globalement ’l’allure’ générale de l’exploitation.

Les éleveurs de ce groupe concilient également pour la plupart le travail sur leur exploitation avec un investissement au niveau départemental dans des structures économiques et professionnelles à travers des initiatives et des projets collectifs pour se saisir de certaines informations, et solliciter un réseau d’information assez dense afin de provoquer certaines opportunités et les mettre en oeuvre dans le cadre de leur exploitation, même si cela ne les empêche pas d’avoir un point de vue sur l’administration de l’agriculture assez négatif.

Du fait des implications qu’ils développent, au niveau des groupements de producteurs d’une part, et au niveau des réseaux techniques d’autre part, ces éleveurs se présentent ainsi parfois comme des ’relais techniques’ vis-à-vis d’éleveurs voisins, montrant comment ils sont ’en avance’ du point de vue des techniques et des types d’aides dont ils peuvent disposer. L’exemple suivant montre ainsi le rôle non négligeable qu’un éleveur pense jouer dans son village en termes de développement agricole.