Conclusion - Une position sociale marginale ?

La présentation de ce troisième profil ne concerne que quatre éleveurs qui se définissent en référence aux responsabilités qu’ils estiment avoir, en tant que professionnels de l’agriculture et plus précisément en tant que ’paysans’ à l’égard de la ’société’. Ils insistent ainsi fortement sur la dimension ’politique’ voire ’philosophique’ de leur activité.

Agés de trente neuf à cinquante quatre ans, leurs niveaux d’étude sont très hétérogènes, d’inférieur au BEPA à supérieur au BTA. Leur installation et leur parcours ont fréquemment été marqué par des ruptures revendiquées de ce qu’ils considèrent comme l’élevage ’conventionnel’ (opposition à ce que faisait leur père, décision de passage à l’agriculture biologique, conflits avec leurs organisations... ). Leurs exploitations, dont la forme juridique est pour la majorité d’entre eux celle d’un gaec, sont de taille diverse du point de vue de la superficie (de cent à trois cent hectares) et des troupeaux (de quarante à cent vaches allaitantes183). Leurs systèmes de production sont également assez variés, se répartissant entre polyculture-élevage et engraissement, mais n’excluent pas une petite activité complémentaire (production de fruits rouges, viticulture...). La quasi totalité de ces exploitations sont localisées sur des zones situées à la périphérie du bassin allaitant bourguignon.

La recherche de pratiques alternatives à celles sur lesquelles repose le ’modèle productiviste’ constitue le fil directeur de la description qu’ils font de leur travail. Sur ce plan, ils mettent en avant le caractère ’expérimental’ de leur activité. Soucieux de conserver la maîtrise de leur exploitation, ils ont également la volonté de se préserver du temps ’hors travail’ sur l’exploitation, afin de pouvoir s’investir dans les tâches qu’appelle la promotion de la conception de leur métier.

En termes de systèmes de relations, ce dernier groupe se caractérise alors par une importance accordée à des engagements ’militants’. Ils sont également fortement impliqués dans des organisations professionnelles à vocation ’générale’. Et si un seul d’entre eux vend ses animaux par l’intermédiaire d’un Groupement de Producteurs, tous mettent en avant la nécessité de s’inscrire dans des formes de commercialisation contractuellement ’organisées’. Pour autant, et quelle que soit l’insistance qu’ils mettent de la sorte dans des actions collectives, ces éleveurs apparaissent comme relativement marginaux dans leur monde professionnel, marginalité qu’ils revendiquent même parfois.

Le deuxième type d’analyse mené à partir de notre corpus ’éleveur’ avait comme principal objectif de dégager la diversité de formes identitaires dont nos enquêtés étaient porteurs afin de nous faire une idée des positions en jeu dans le champ professionnel de l’élevage. La description que nous en avons faite dans ce chapitre met en évidence comment ces formes identitaires se distinguent les unes des autres et renvoient à des types de positions spécifiques dans le champ professionnel. C’est dans la troisième et dernière phase de notre analyse présentée en conclusion que nous proposons d’analyser les conséquences que de cette répartition en formes identitaires tel que dégagés dans ce chapitre peut avoir sur les possibilités d’évolution du champ professionnel de l’élevage, lorsqu’ils sont combinés à l’expérience de la transformation du métier telle qu’elle résulte des récits-types.

Notes
183.

L’exploitation d’élevage constitué d’un cheptel mère de 40 vaches allaitante est toutefois un cas particulier puisqu’il s’agit d’un éleveur emboucheur qui a une activité de naissage mineure par rapport à son activité d’engraissement (près de 500 animaux par an).