2.1 – Une première articulation autour de la défense de la spécificité du métier d’éleveur charolais

Au regard des nouvelles exigences auxquelles se voient aujourd’hui soumises les activités d’élevage, certaines convergences entre la manière dont notre premier et notre troisième groupe conçoivent leur métier nous semblent mériter attention. Tous deux font en effet référence, d’abord, à une même thématique d’un savoir-faire spécifique à ces activités, savoir-faire associant une connaissance incorporée, un sens particulier de l’observation et une capacité à accorder toute leur importance à des choses apparemment insignifiantes. Tous deux partagent, ensuite, un même attachement à l’animal qui se traduit par un intérêt particulier pour une gestion de la production commandée par le souci d’aboutir à la meilleure valorisation possible de chaque individu du troupeau. Tous deux témoignent, enfin, d’une forte sensibilité à la question de ce qui fait l’identité de l’élevage allaitant charolais en Bourgogne, que cette sensibilité renvoie à la célébration d’un héritage ou à une volonté de se démarquer d’autres productions ou d’autres façons de produire.

Une certaine complémentarité apparaît ainsi entre ces deux groupes. Les références qu’ils partagent à la pratique, à l’attachement à l’animal ou à la dimension identitaire du métier d’éleveur charolais pourraient alors fournir autant de points d’appuis pour un engagement collectif plus affirmé dans la transformation du métier, sur la base d’une complexification réciproque des points de vue dont ils sont porteurs permettant de réduire certaines tensions internes à chacun de ces mondes. Les résonances existant entre l’importance que les éleveurs du premier groupe accordent à la ’tradition’ et celle que ceux du troisième accordent à ’l’authenticité’ pourraient fournir, aux uns, un espace de légitimité leur permettant de se convaincre d’un rôle possible à jouer dans la redéfinition de leur métier et, aux autres, un espace de confrontation leur permettant d’accéder à une meilleure articulation entre idéologie et pratique.

Cette complémentarité suppose cependant de trouver à combiner des registres d’action assez différents. Si les éleveurs du groupe ’3’ apparaissent très soucieux de ’publiciser’ la conception qu’ils se font de leur métier, pour renforcer l’image qu’ils peuvent en donner, ceux du groupe ’1’ sont nettement moins enclins à ’exposer’ la leur, cherchant plutôt à juger sur pièces, dans la pratique, de qui est un ’bon éleveur’ et de qui ne l’est pas. De plus, s’il existe bien une convergence possible des imaginaires de métier de ces deux groupes, il n’en reste pas moins que ceux-ci correspondent à des positions sociales très éloignées qui contribuent à rendre cette convergence aussi problématique. On peut ainsi se demander si les éleveurs du premier groupe ne risquent pas de se sentir dépossédés de ce qu’il leur reste d’identité par des éleveurs qui sauraient vendre une image seulement du ’bel animal’ et du ’travail bien fait’, la captation par ceux-ci de l’héritage que ceux-là revendiquent comme le seul bien qu’il leur reste en propre renforçant encore la distance qui les sépare.