3.1 - Les limites de notre analyse des systèmes de relations des éleveurs enquêtés

Nous avons indiqué, dans la section précédente, qu’il s’avérait difficile de rendre compte, à partir de nos résultats, des débats et des négociations susceptibles de s’établir entre les différents groupes que nous avons mis en évidence à l’issue de nos analyses. Il était, certes, prévu, dans le dispositif de recherche que nous avions initialement envisagé, de caractériser le réseau personnel de relations des éleveurs que nous entendions rencontrer. L’identification de ces réseaux nous apparaissait en effet nécessaire pour situer ces éleveurs dans leur champ professionnel de manière plus fine qu’à partir d’attributs classiques de position comme la taille de leur exploitation, leur âge, leur niveau de formation etc. [Degenne, Forsé, 1994], d’une part, et pour nous renseigner sur la configuration de leur espace de dialogue professionnel, d’autre part [Darré, Le Guen, Lemery, 1989]. Mais si telle était bien notre intention, nous n’avons pu cependant la mener à bien.

Deux causes principales sont à l’origine de cette première limite de notre analyse. La première tient à la lourdeur du genre d’entretiens multidimensionnels dans lesquels nous nous sommes engagée pour recueillir, en un temps relativement court (même si la durée de ces entretiens a atteint, en moyenne, trois heures...), l’ensemble des informations qui nous semblaient requises pour le traitement de notre objet. Un tel choix a en effet abouti à de grandes inégalités dans la manière dont nos interlocuteurs ont couvert les différents domaines que nous souhaitions de la sorte les voir aborder. Ces inégalités ne nous ayant pas permis d’établir le relevé que nous visions des réseaux de relations des enquêtés, nous avons dû limiter notre approche de cette dimension à l’examen du mode d’engagement public des éleveurs sur la scène professionnelle correspondant aux seuls rapports qu’ils entretiennent avec les organisations ’représentatives’ de leur secteur d’activité. La deuxième raison qui a ici joué renvoie au fait que nous avons quelque peu sous estimé le travail qu’impliquait une telle approche. Quel que soit, en effet, le caractère fragmentaire de nos informations, une reconstitution, au moins partielle, de ces réseaux n’était pas impossible, mais elle nous aurait demandé un temps qui nous aurait amenée à dépasser encore davantage les limites imposées pour la réalisation de cette thèse.

Au regard du constat ainsi établi, il nous est cependant possible d’identifier au moins comment notre méthode aurait pu être affinée sur ce point. Pour s’assurer de bien recueillir l’ensemble des informations que nécessite une analyse multidimensionnelle du type de celle que nous défendons, il conviendrait sans doute de modifier le dispositif de recherche que nous avons utilisé en effectuant une enquête en deux passages, chacun correspondant à l’une des deux entrées retenues, suivant notre problématique, pour l’appréhension de la transformation en actes du métier d’éleveur. Une telle procédure, conforme d’ailleurs à ce que nous avions imaginé faire au démarrage de notre travail, en distinguant l’exploration des caractéristiques biographiques, matérielles et relationnelles des enquêtés de celle du sens qu’ils attribuent à cette transformation, devrait en effet permettre de gagner en précision tant dans le recueil des données, moyennant un meilleur contrôle du déroulement de l’entretien (du fait de la concentration de l’attention des enquêtés sur un registre bien identifié), que dans les différentes phases de leur traitement, en autorisant une meilleure ’décomposition’ du travail d’analyse.