1.3.1 Critique des protocoles employés en psychologie

Dès 1978, Rosch écrit que la typicalité est d’abord un fait empirique relatif aux jugements que les gens émettent sur l’appartenance à une catégorie (Rosch, 1978, p.26). Or, une des critiques majeures que l’on peut apporter aux travaux de psychologie cognitive dans le domaine de la catégorisation concerne précisément les protocoles expérimentaux qui imposent aux sujets un ou des échantillons de catégories prédéterminées. Cependant, comme le rappelle Dubois,

‘’L’organisation taxonomique des catégories cognitives n’est que l’une des forme de l’organisation des connaissances en mémoire humaine’ (Dubois 1991, p. 36).’

C’est pourquoi, ainsi conçues, les tâches de vérification d’énoncés ou de fluence catégorielle, pour ne citer que les plus courantes (sur lesquelles nous reviendrons au chapitre 4), qui imposent des réponses en ’vrai’ ou ’faux’, vont avoir plusieurs conséquences (Dubois, 1991, pp. 39-43) :

  1. Elles ne peuvent rendre compte de la question des frontières ’naturelles’ entre les catégories en imposant de façon explicite les catégories aux sujets.

  2. Les catégories sont toujours définies a priori par l’expérimentateur en fonction de son cadre expérimental et en référence à des catégories ’vraies’ ou socialement bien normées. En ce sens elles restent dans le domaine de ’la’ connaissance, et excluent la représentation du sujet.

  3. Elles imposent des réponses en vrai ou faux, pour lesquelles seules les ’bonnes réponses’ sont prises en compte. Or, l’analyse des réponses déviantes (Dubois, 1986), en particulier chez les enfants, nous renseigne sur la constitution des connaissances communes.

Dans ces conditions, dès lors que l’on met en cause des protocoles expérimentaux qui ont permis la mise en évidence des concepts de niveau de base, prototypes et typicalité, on ne peut que reconsidérer la validité même de ces concepts. En effet, il ressort des trois points énoncés plus haut, que ce que Rosch et ses collaborateurs on pu élaborer à partir de ’faits expérimentaux’, universellement avérés, pourrait bien se réduire à la seule validation des protocoles expérimentaux utilisés. La confusion possible entre la capacité des sujets à catégoriser les objets du monde et leur capacité à répondre aux questions des expérimentateur, devient cruciale dès lors que les trois points avancés par Dubois (1991) ne sont pas pris en compte.