1.3.4.3 En résumé

Les odeurs et les bruits sont représentés en mémoire comme des ’effets du monde sur le sujet’ alors que les sons comme les couleurs sont mémorisés en tant qu’objets du monde (matériel et visible).

Ces résultats conduisent à penser qu’on ne peut considérer que la cognition est avant tout perceptuelle et qu’elle partage avec la perception les mêmes systèmes neuronaux et cognitifs, ainsi que le suggère Barsalou (1998). De la même manière, on ne peut soutenir que la cognition est avant tout conceptuelle. La question est avant tout de comprendre de quelle manière perception et conceptualisation interagissent (Dubois, 2000, p. 59).

Par ailleurs, si le processus de catégorisation ne concerne pas seulement des catégories d’objets, mais aussi des catégories ’d’évènements’ voire des catégories ’d’effets’, alors il faut considérer que la catégorisation agit sur les relations entre le sujet et le monde, à travers la diversité des interactions que le sujet entretient avec le monde (ibid).

Ainsi les travaux de Dubois (2000) conduisent à reconsidérer à la fois le concept de catégories et de typicalité. On ne peut plus soutenir qu’il existe des catégories naturelles, données dans un (le) monde extérieur à l’individu, et qu’il existe des descriptions objectives de celles-ci. En réalité les catégories existent surtout à l’intérieur de l’activité cognitive des sujets.

De la même manière, la typicalité ne peut pas davantage être considérée autrement qu’en terme de variations par rapport à des prototypes construits et stabilisés à l’intérieur de la mémoire singulière d’un individu soit à partir de l’expérience (ou des expériences) singulières qu’il a des objets du monde, soit à partir de représentations collectives élaborées à l’intérieur d’une communauté (linguistique, sociale ou culturelle) et que cet individu s’est appropriées.

Ce faisant, Dubois pose la construction de catégories à l’intérieur de l’activité cognitive et linguistique des sujets comme des actes de pensée (acts of meaning), qui nécessitent que l’on développe des recherches visant à étudier l’interface entre le domaine individuel (expérience du monde, y compris biologique) et linguistique (collectif et culturel) (Dubois, 2000, p. 63).

Tous les travaux que nous avons évoqués dans ce chapitre font référence à des sujets possédant des capacités cognitives et linguistiques intacts. Que peut nous apporter l’extension de ces recherches à des patients porteurs de la maladie d’Alzheimer ? En quoi peut-on trouver dans la particularité de cette pathologie à la fois matière à conforter ces avancées théoriques et à reconsidérer les protocoles d’évaluation des capacités lexico-sémantiques des malades ?

Nous tenterons dans les deux chapitres à venir, après avoir présenté les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer (chapitre 2), d’appréhender les conséquences des différentes mises en question des principes ’roschiens’ de catégorisation sur la compréhension des mécanismes de perturbation du lexique, dans cette maladie (chapitre 3).