2.2.3.4.1 Perte des représentations sémantiques

L’hypothèse du déficit sémantique est essentiellement étayée par les résultats obtenus aux épreuves de dénomination et de fluence verbale. Shallice (1987) a défini quatre critères permettant de mettre en évidence une perte des représentations sémantiques : 1) constance des déficits à travers différents types de matériel et différentes modalités sensorielles ; 2) préservation de la catégorie surordonnée et altération des catégories subordonnées ; 3) perte de l’effet d’amorçage sémantique et 4) perte disproportionnée des informations concernant les concepts à un faible degré de typicalité. Reprenant ces critères, Hodges et al. (1992) ont soumis 26 sujets contrôles et 22 atteints de maladie d’Alzheimer à différentes épreuves de fluence catégorielle, dénomination, tri d’images (animé / inanimé, catégorie surordonnée, catégorie subordonnée), appariement d’images à l’intérieur d’une catégorie et définition de mots. Les résultats obtenus, en cohérence totale avec les critères de Shallice, mettent en évidence une perte des représentations sémantiques. Auparavant, Martin & Fedio (1983) avaient découvert une perte spécifique de ces représentations, caractérisée par une difficulté à faire le tri entre items d’une même catégorie et une préservation des catégories supérieures. Plus précisément, Bayles & Tomoeda (1983) et Bayles et al. (1990) ont établi que les patients atteints de maladie d’Alzheimer présentaient une difficulté à identifier les attributs spécifiques d’un concept. Dans des études plus récentes Hodges et al. 1993 ; Hodges & Patterson 1995 ; Green & Hodges, 1996, confirment une atteinte des représentations en mémoire sémantique.

Il se dégage de ces études que les sujets effectuent souvent des substitutions à l’intérieur d’une même catégorie (’chat’ pour ’chien’) ou des surextensions des étiquettes verbales (’vache’ pour tous les mammifères). Ceci suggère une désagrégation des frontières référentielles de mots. En revanche, les catégories surordonnées (fruits, légumes, vêtement) sont préservées.

En dépit de ces arguments, la notion de perte des représentations ne fait pas l’unanimité. En effet, Kremin et al. (1994) ont démontré que chez certains patients, la possibilité de dénommer à partir d’images est sauvegardée et ce, sans préservation de la compréhension sémantique. Les patients ont été soumis à la fois à un test de dénomination d’image (’DO 80’ - Deloche et Hannequin, 1997) et à un test de compréhension sémantique d’images (’Pyramids and Palm Tree Test’ - Holland and Patterson 1992). Les résultats montrent que sur dix patients, un seul obtient des résultats corrects au test de compréhension sémantique et au test de dénomination, et deux obtiennent de mauvais résultats aux deux tests, alors que sept d’entre eux présentent seulement des troubles sévères de la compréhension d’image. L’étude montre en outre qu’il n’existe pas de corrélation entre le degré de sévérité de la maladie (mesuré par le MMSE de Folstein et al., 1975) et la capacité à dénommer.

Ceci conduit à penser que les difficultés d’évocation pourraient être davantage imputables à une déficience de l’accès à l’information.