2.2.3.4.2 Difficultés d’accès aux représentations lexico-sémantiques

Nebes & Brady (1988) et Nebes (1994) en particulier, s’appuyant sur les études comparatives entre sujets atteints de la maladie d’Alzheimer et sujets normaux à des épreuves d’amorçage sémantique, n’ont pas mis en évidence de différence entre les performances des deux populations et ont ainsi conclu à l’intégrité des représentations sémantiques chez les malades. Ce dont souffriraient plutôt ces derniers serait une difficulté à organiser et/ou à retrouver de façon intentionnelle les informations sémantiques. Ces travaux confirment ceux de Gewirth et al. (1984), Santo Pietro & Goldfarb (1985), qui établissaient une diminution progressive des associations paradigmatiques (de type ’cuiller’ / ’fourchette’) et une préservation des associations syntagmatiques (de type ’cuiller’ / ’pour manger’) dans une tâche d’association libre. Autrement dit, les patients ne pourraient substituer un mot à un autre par une relation de synonymie mais conserveraient toujours la capacité de lui associer un mot relié sémantiquement, ce qui marquerait leurs difficultés à accéder au lexique.

En fait, les traits syntagmatiques seraient préservés dans les tâches automatiques, mais pas dans les tâches métalinguistiques. Ainsi, plus le contexte sémantique et syntaxique serait contraignant, moins les patients auraient de difficultés à retrouver le mot (cf. Frederix et Rihoux, 1993). Grober et al (1985) ont également montré que des sujets qui n’avaient pas de difficulté à identifier les attributs d’un concept, se trouvaient dans l’incapacité de classer ces attributs selon leur importance relative pour caractériser l’objet. La perte des représentations ne serait donc que le reflet de l’incapacité à saisir l’importance relative des attributs spécifiques. Ceux-ci devenant équivalents, l’identification deviendrait impossible. C’est ce phénomène qui pourrait faire croire à une perte des représentations.

Il faut noter enfin que certains auteurs (Huff, 1992), avancent la combinaison de la perte de l’information sémantique et de l’échec pour retrouver l’information lexico-sémantique, s’appuyant pour cela sur des indices anatomiques et notamment la large distribution des lésions dans tout le cortex.

En résumé, les courants de recherche se sont affrontés, sans qu’aucun ne puisse fournir d’arguments décisifs, bien que Kempler et al. (1995) aient tenté de concilier ces deux approches en soumettant des sujets atteints de maladie d’Alzheimer à un re-test dans une tâche de dénomination. L’idée initiale était que les erreurs constantes relèveraient de troubles des représentations en mémoire et les erreurs variables de difficultés d’accès. En réalité les résultats ont surtout mis en évidence, outre une atteinte des représentations en mémoire, un déficit attentionnel.

Dans ces conditions, le débat perte des représentations vs déficit d’accès, s’est estompé au profit de l’hypothèse d’une détérioration spécifique de certaines catégories sémantiques.