4.3.2.5 Les résultats

La première hypothèse testée était qu’il devait y avoir une variation du consensus interindividuel et de l’effet re-test en fonction du contexte de catégorisation.

Pour ce qui concerne le consensus interindividuel , bien que soit apparue une légère différence entre la condition neutre et les trois autres, aucun écart significatif n’a pu être avéré. Les auteurs ont néanmoins pu mettre en évidence un effet de la catégorie. Les résultats font apparaître un effet significatif de la consigne entre les quatre catégories biologiques et les autres : les premières montrent un plus fort consensus interindividuel. Une analyse en composante principale a montré que l’effet significatif était en réalité dû à l’écart entre deux catégories : les ’poissons’ et les ’outils’. Les tests a posteriori ont montré que l’effet principal de ces différences inter-catégorielles reposait sur la consigne linguistique. Pour ces deux catégories, on observe une baisse du consensus interindividuel sous cette consigne. Pour les ’outils’, la condition neutre produit également les mêmes effets.

Tableau 1 : Percentage of Non-Modal Responses as a Function of Condition and Category for Experiment 1.
Category Neutral Pragmatic Technical Linguistic Overall
Vegetable 17 15 14 14 15
Fruit 15 17 14 12 15
Fish 9 11 11 16 12
Insect 18 17 18 18 18
Sport 23 19 24 23 22
Science 26 23 24 22 24
Tool 24 17 20 26 22
Furniture 17 18 19 14 17
Overall 19 17 18 18
[Note: In Hampton, Dubois & Yeh, p. 12.]

Néanmoins l’influence de la consigne n’est pas clairement établie, le contexte le plus concret (technique) ne conduit pas à une diminution des variations de catégorisation entre les sujets.

Pour ce qui concerne les variations intra-individuelles, le taux de stabilité a été très élevé, mais sans qu’il y ait d’effet significatif de la consigne. Une plus faible stabilité sous la condition contrôle n’a pas été vérifiée. Pour trois catégories seulement (’poissons’, ’insectes’ et ’meubles’), la stabilité a été la plus élevée sous la consigne pragmatique, mais on n’a retrouvé ce phénomène pour aucune des catégories sous la consigne technique. Pour deux catégories (’poissons’ et ’fruits’) il est apparu que le recours à un contexte de catégorisation minorait la tendance des sujets à produire la même réponse au re-test.

Tableau 2 : Percentage of categorization responses remaining the same at retest in Experiment 1
Category Neutral Pragmatic Technical Linguistic Overall
Vegetable 92 90 92 92 92
Fruit 94 92 88 89 91
Fish 97 94 95 92 95
Insect 89 94 89 91 91
Sport 86 88 89 87 87
Science 88 90 85 84 87
Tool 87 90 86 85 87
Furniture 89 93 85 87 88
Overall 90 91 89 88 90
[Note: In Hampton, Dubois & Yeh, p. 12.]

La deuxième hypothèse testait la corrélation entre la probabilité d’inclusion et le degré moyen de typicalité calculé pour chaque item. Si un fort degré de corrélation pouvait être vérifié, alors la catégorisation entretiendrait bel et bien des rapports privilégiés avec la similarité avec le prototype. Dans le cas contraire, il devenait évident que la catégorisation s’appuyait sur d’autres processus.

Les résultats montrent que les conditions linguistique et technique provoquaient une catégorisation corrélée à la similarité avec le prototype, alors que les conditions pragmatique et neutre présentaient un degré de corrélation légèrement plus faible. Dans tous les cas cependant, le degré de corrélation était très élevé et les différences statistiquement non significatives. Néanmoins, un net effet de la catégorie a également pu être observé. Les catégories d’objets biologiques (’fruits’, ’légumes’, ’poissons’ et ’insectes’), ont montré un fort degré de corrélation entre la catégorisation et la typicalité et pas ou peu de variations entre les contextes. En revanche, les catégories concernant les activités et les artefacts ont davantage subi l’effet du contexte. Cela a en particulier été le cas de la catégorie des ’sports’ où les corrélations étaient les plus faibles sous les conditions technique et neutre. Pour les ’sports’ notamment, est apparue une dissociation entre les activités physiques et les jeux d’adresse. Les premiers étant plus sensibles à la consigne technique telle qu’elle avait été formulée (il s’agissait pour un organisme d’Etat, de subventionner des activités sportives).

Dans tous les cas l’hypothèse d’une plus forte corrélation avec la typicalité sous les conditions linguistique et neutre vs un moindre coefficient sous la condition technique, n’a pu être vérifiée.

Tableau 3 : Correlation of Categorization Probability p with Typicality for Each Category inExperiment 1. Values in parentheses show correlation corrected for non-linearity.
Neutral Pragmatic Technical Linguistic
Vegetable 96 (.97) 97 (.98) 94 (.96) 96 (.97)
Fruit 94 (.95) 96 (.96) 97 (.97) 97 (.97)
Fish 95 (.98) 96 (.98) 95 (.97) 94 (.96)
Insect 98 (.98) 97 (.97) 99 (.99) 99 (.99)
Sport 87 (.88) * 96 (.98) 91 (.93) 91 (.92) *
Science 92 (.93) * 92 (.93) * 96 (.96) 91 (.91) *
Tool 97 (.97) 86 (.90) * 94 (.96) 97 (.97)
Furniture 95 (.97) 90 (.93) * 96 (.97) 93 (.96)
Mean within category 943 (.954) 938 (.952) 953 (.965) 946 (.957)
[Note: * Categories with corrected correlations less than .95. In In Hampton, Dubois & Yeh, p. 13.]

Enfin, la dernière hypothèse concernait les critères d’inclusion, plus ou moins larges selon l’influence du contexte de catégorisation. La prédiction était que sous une consigne technique, les sujets devaient utiliser des critères d’inclusion plus étroits, du fait des contraintes imposées par cette condition. Les résultats n’ont pas montré d’effet significatif de la catégorie. En revanche, il existe un effet de la consigne et une interaction entre la consigne et la catégorie. Néanmoins, aucune tendance de la consigne technique à susciter des critères d’inclusion plus étroits n’a pu être démontrée. C’est au contraire la condition neutre qui a provoqué cet effet, avec 47 % de réponses positives contre 49 à 50 % pour les autres consignes.

Tableau 4 : Percentage of Positive Categorizations as a Function of Condition and Category for Experiment 1.
Category Neutral Pragmatic Technical Linguistic Mean
Vegetable 53 53 57 50 53
Fruit 40 45 42 41 42
Fish 29 33 33 38 33
Insect 55 59 52 50 54
Sport 56 57 56 57 57
Science 54 61 60 69 61
Tool 52 45 50 56 51
Furniture 39 39 39 38 39
Overall 47 49 49 50 49

En résumé l’expérience n’a pas permis de vérifier que :

Dans un premier temps, l’hypothèse retenue pour expliquer ces résultats a été que les sujets n’auraient pas suffisamment prêté attention aux consignes et se seraient davantage inspirés de leurs propres scénarios, ou que ceux-ci demeuraient suffisamment puissants pour résister à l’effet des différents contextes fournis.

Une deuxième expérience a donc été menée, dans laquelle il était demandé aux sujets de lire les consigne à voix haute et de donner des indications sur la façon dont ils allaient s’y prendre pour effectuer la tâche demandée. Ces modifications mises à part, les conditions expérimentales ont été identiques à celles de la première expérimentation, si ce n’est que seuls les contextes pragmatique et technique ont été retenus et proposés chacun à vingt étudiants. Les résultats ont été dans l’ensemble identiques à ceux de la première expérimentation.

Une troisième expérience a enfin été menée pour tenter de mesurer le flou catégoriel, dans laquelle il a été demandé au sujet de répondre en tout ou rien quand cela leur était possible et dans le cas contraire, de situer le degré d’appartenance à la catégorie sur une échelle à neuf degrés. Les cases situées aux extrémités gauche et droite représentaient respectivement ’pas du tout’ et ’tout à fait’ membre de la catégorie. Entre ces dernières sept graduations étaient proposées. Le degré 1 était qualifié de ’presque membre’, le degré 4 de ’sorte de’ et le degré 7 de ’tout à fait membre’. En dehors de ces modifications, les conditions expérimentales étaient le mêmes que celles de la deuxième expérimentation.

L’analyse a porté sur la proportion de sujets ayant utilisé une des deux réponses en tout ou rien. Les résultats montrent que les sujets ont eu moins tendance à raisonner en tout ou rien en condition technique qu’en condition pragmatique, ce qui indique une plus grande certitude chez les sujets sous une consigne pragmatique.