4.3.2.7 Critiques et ouvertures

Une première critique concerne la notion de critères telle qu’employée par Hampton, Dubois & Yeh. Ces derniers définissent cette notion en rapport avec le pourcentage de décisions d’inclusion pour une catégorie. A partir de cette valeur, ils décident ensuite d’inférer la largeur des critères d’inclusion, postulant l’effet de la consigne. De la même façon, ils supposent le recours à des processus de catégorisation singuliers pour chaque individu sans se donner les moyens de les vérifier. Pour notre part, c’est l’analyse des corpus recueillis qui nous servira à la mise en évidence de ces critères. Cette analyse opèrera à trois niveaux :

Une deuxième critique concerne l’abandon de l’idée d’une catégorisation à partir des significations de mots. Hampton, Dubois et Yeh, prévoient une analyse de ce phénomène qu’ils abandonnent au cours de l’analyse des données, la position de la consigne linguistique étant trop fluctuante pour vérifier l’hypothèse. Pourtant l’idée a été avancée par Dubois (1991) de la nécessité de distinguer entre la catégorisation représentations cognitives des objets du monde et la catégorisation des significations de mots. Le ’mapping’ supposé par Rosch et repris dans toutes les expériences de psychologie, évacue l’influence de l’épaisseur de la langue. Les conséquences d’une telle superposition ont également été développées par Rastier (1991). Qu’en est-il de ces phénomènes chez les patients, atteints à la fois dans leurs compétences sémantiques et lexicales ? Si nous pouvons définir théoriquement un plan de séparation entre représentation des objets du monde et lexique des langues, on doit sans aucun doute en retrouver des indices dans les processus de catégorisation utilisés par les malades, c’est-à-dire une dissociation entre des compétences sémantiques et des compétences lexicales.

La troisième critique s’adresse à la typicalité des exemplaires telle qu’elle a été calculée par Hampton, Dubois et Yeh. Aux fins de comparaison de leurs résultats avec ceux de McCloskey et Glucksberg (1978), ils ont pris le parti d’inclure les exemplaires non-membres de la catégorie pour calculer la typicalité, bien que Hampton lui-même réfute ce procédé de nature à fausser les normes de typicalité. Ne pouvant pas recalculer les normes de typicalité, nous avons pour notre part, décidé d’adjoindre à l’étude de corrélation avec la typicalité, calculée sur tous les exemplaires, une étude de la typicalité par sous-groupe (typiques, non-typiques, non-membres). Nous comparerons ensuite les résultats obtenus selon les deux méthodes.

Enfin, les résultats de l’expérience de Chicago tendent à montrer que les processus de catégorisation propres à chaque individu sont suffisamment robustes pour résister à l’influence de scénarios extérieurs. C’est précisément ce point qui a retenu notre attention. Si ce postulat se vérifie pour les sujets jeunes, qu’en est-il des sujets âgés et a fortiori des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ? Nous serions tentés d’avancer hypothèse selon laquelle les patients s’appuyant davantage sur des représentations que sur des connaissances, ne devraient pas se différencier globalement des témoins ni même - peut-être - des autres sujets francophones. En Effet on peut légitimement supposer que ce que Hampton, Dubois & Yeh (1997) qualifient de processus de catégorisation ’par défaut’ est sans doute étroitement relié à ce que Dubois (1997e) désigne par représentations.

Pour parvenir à mettre en évidence un comportement spécifique aux patients, il a été nécessaire de traduire, puis d’adapter le protocole à une situation expérimentale qui convienne à des sujets atteints de la maladie d’Alzheimer. Nous avons déjà évoqué les étapes qui ont permis ces adaptations (paragraphe 5.2.). Nous proposons à présent de décrire les conditions expérimentales de chacune d’elles, les résultats étant présentés au chapitre 6.