6.6.2 Cohérence interindividuelle

Les résultats de l’expérience de ’Chicago’ ne parvenaient pas à vérifier les prédictions de Hampton, Dubois et Yeh (1997). La transposition de cette expérience aux étudiants de ’Lyon’ aux sujets témoins âgés et aux ’patients’ atteints de la maladie d’Alzheimer permet d’affirmer un effet de consigne pour ces deux derniers échantillons. Peut-être faut-il voir là une plus grande attention portée à la tâche par les sujets de ces échantillons, à qui ce type d’expérience est sans doute moins familier.

Pourtant, si les résultats obtenus par les témoins confirment un plus grand consensus interindividuel sous la consigne technique (fournissant un cadre de catégorisation plus ’clair’) et une plus grande hétérogénéité sous la consigne pragmatique, les ’patients’ ne réagissent pas de la même manière à l’influence de la consigne. La condition linguistique les rassemble davantage, alors que les conditions technique et pragmatique les divisent de manière identique. Si nous adoptons le point de vue de Hampton, Dubois et Yeh, cela doit-il nous conduire à penser que l’interprétation de la consigne conduit les patients à des traitements cognitifs basés sur la signification de mots ? Ce comportement serait pour le moins surprenant chez des malades chez lesquels on décrit souvent une déstructuration du stock lexical. Certes, certaines études en neuropsychologie décrivent une préservation des représentations sémantiques en mémoire (Nebes & Brady, 1988 ; Nebes 1994). Dans ces conditions, le mot étant donné aux sujets dans notre protocole, ils sont capables d’accéder à la signification pour fournir une réponse qui estompe les différences interindividuelles décrites dans la littérature. Néanmoins nous n’expliquons pas par-là en quoi la consigne technique, favorise davantage la cohérence chez les témoins que chez les ’patients’.

En fait, la représentation de Hampton, Dubois et Yeh (1997) était que si cette condition fournissait un contexte de catégorisation plus ’clair’, c’était parce que les sujets pourraient se référer à des normes, des définitions techniques ou scientifiques.

Si nous nous référons à D. Dubois (1997c) nous pouvons penser que les ’patients’ en stade de début n’ont déjà plus accès à ces normes, à ces connaissances partagées sur les objets du monde. En revanche, ils sont encore capables d’accéder au premier stade dans le processus de figement ‘’...plan de fixation des structures catégorielles à travers l’acquisition des systèmes symboliques (activités de dénomination et d’attribution référentielle, apprentissage d’une codification graphique, en particulier à travers les lexiques des langues’ )’ D. Dubois (1997c, p.104). C’est en tout cas un élément de compréhension que nous retenons pour expliquer la meilleure cohésion sous la consigne linguistique et d’une moins bonne sous la consigne technique.

Le traitement linguistique s’avère constituer chez les patients, un mode de gestion de la tâche privilégié. Le langage est investi comme une pratique langagière davantage que comme une représentation de concept.