6.6.4 Influence de la typicalité

La comparaison des pourcentages d’inclusion en fonction des trois niveaux de typicalité révèle que les ’patients’ incluent davantage d’exemplaires non-typiques et non-membres et excluent davantage d’exemplaires typiques que les autres échantillons.

Tout semble se passer comme si le flou catégoriel ne concernait pas uniquement les exemplaires non-typiques, mais gagnait également les exemplaires les plus ’clairs’. Il faut sans doute voir là une manifestation des troubles sémantiques habituellement décrits chez les ’patients’. Nous avons vu qu’en 1983, Martin & Fedio mettaient en évidence une perte spécifique des représentations sémantiques, caractérisée par une difficulté à faire le tri entre items d’une même catégorie et une préservation des catégories supérieures. Un des quatre critères définis par Shallice (1987) pour mettre en évidence une perte des représentations sémantiques, était la perte disproportionnée des informations concernant les concepts à un faible degré de typicalité. Pour notre part, à la lumière des critiques apportées aux expériences de catégorisation en psychologie cognitive, nous retiendrons que les ’patients’ ne fondent pas leur décision sur le ’sens commun’ mais sur leurs représentations. C’est en particulier ce que nous apprend l’influence considérable de la consigne pragmatique. C’est parce que la consigne pragmatique offre le contexte le plus ’clair’ et que les représentations sont plus stables chez les ’patients’ que les références à leurs connaissances qu’ils ont tendance à inclure moins d’exemplaires que les autres groupes.

La typicalité n’a globalement pas d’effet sur les catégories. L’effet de catégorie n’est observable que pour les exemplaires non typiques, nous reviendrons sur ce point au paragraphe suivant.

L’étude du lien entre processus de catégorisation et similarité avec le prototype révèle une corrélation plus forte dans un contexte technique (contraignant) que dans un contexte pragmatique (libre). Dans ce domaine, l’échantillon ’patients’ ne se distingue pas des autres. Il reste néanmoins le seul pour lequel les écarts entre les trois conditions sont statistiquement significatifs. Ces résultats conduisent à réfuter l’hypothèse de Hampton, Dubois et Yeh. En réalité, moins la consigne est contraignante, moins le lien entre processus de catégorisation et similarité avec le prototype est étroit. Si les décisions d’appartenance ont quelque chose à voir avec la typicalité, ce n’est sans doute pas au sens où l’entendaient ces auteurs. Nous pouvons écarter l’idée que la consigne pragmatique entretient des rapports privilégiés avec la typicalité des exemplaires. Au contraire, nos résultats contribuent à questionner le statut du prototype. A cet égard, la démarche théorique de D. Dubois (1993) décrit le figement du prototype en une sorte de stéréotype, nous paraît productive. Plus on place les sujets dans un contexte où ils sont supposés faire référence à ces stéréotypes, plus les décisions d’inclusion sont liées à la typicalité. A l’inverse, plus on les incite à interroger leurs références personnelles, plus leurs décisions s’éloignent de la typicalité. Les résultats des ’patients’ supportent cette hypothèse de manière plus nette encore que les sujets des autres échantillons.

En conclusion, l’étude de la typicalité consolide l’idée que les ’patients’ catégorisent à partir de critères qui n’entretiennent que des rapports distants avec la typicalité, donc avec les connaissances telles que définies par Dubois (1991). La référence à leurs représentations est un appui majeur dans les tâches de décision d’appartenance.