9.5.4 Conclusions à propos de l’analyse des verbes

L’analyse des verbes se révèle riche d’enseignements. Tout d’abord elle conforte l’hypothèse d’un reflet dans le discours des constructions cognitives des sujets, avancée par Lakoff (1986), récemment développée par Honeste (2000) et reprise par Hilaire (2000a). En effet, les deux échantillons produisent des ’patterns’ relativement semblables de production des verbes. Le fait le plus remarquable est qu’ils produisent l’un et l’autre en majorité des verbes modaux, même si le pourcentage de verbes référentiels est plus important chez les ’témoins’ que chez les ’patients’. Partant, lorsque la proportion de verbes modaux atteint plus de 75 % des productions, on ne peut pas dire que la production de verbes modaux soit l’apanage des ’patients’ et signe une atteinte progressive de la fonction référentielle (Hilaire, 2000a, p. 231). Tout au plus pouvons-nous suspecter que leur utilisation croissante soit le signe (à vérifier) de l’avancée en âge. A ce propos, Hilaire (2000a) souligne p. 231 l’utilisation préférentielle des verbes modaux par les malades et les ’témoins’ lors d’une tâche de dénomination d’image. En réalité il s’agit là d’un fait linguistique connu. Les adverbes et les verbes modaux figurent parmi les items lexicaux les plus fréquents en français (Gougenheim et al., 1962).

Néanmoins, même si un lien entre l’avancée en âge et l’accroissement de la fonction de modalisation était avéré, l’analyse de nos données indique clairement un usage différencié des verbes modaux par chaque échantillon.

L’emploi des verbes modaux constitue pour les ’témoins’ un moyen d’exprimer l’état de leurs connaissances sur le monde ou de les interroger.

Chez les ’patients’, au contraire, leur utilisation traduit une difficulté à effectuer la tâche de catégorisation, un doute sur les connaissances socialisées, voire une incapacité à s’y référer. Quelques verbes, comme ’pouvoir’ traduisent, il est vrai, une difficulté des ’patients’ face au manque du mot et une référence privilégiée à des représentations d’objets, à travers le récit de ’scripts’.

En résumé : les ’patients’ et les ’témoins’ produisent majoritairement des verbes modaux, mais l’usage qu’ils en font illustre les différences de stratégies cognitives mises en oeuvre et l’utilisation des ressources linguistiques par chaque échantillon pour effectuer la tâche demandée.