11.8 Maladie d’Alzheimer : conséquences sur un plan clinique

Plusieurs indices, à la fois sur le plan psychologique (influence des contextes de catégorisation) et sur le plan linguistique (production de verbes, recours à la modalisation) nous incitent à penser qu’il est nécessaire de reconsidérer la valeur qu’on leur attribue. Il semble en effet, plus intéressant et productif, pour les orthophonistes en particulier, de considérer les stratégies mises en oeuvre par les ’patients’, non pas comme des mécanismes de compensation, mais plutôt comme des stratégies ’naturelles’ d’adaptation qu’il s’agira d’identifier et de développer.

Dès lors que l’on accepte l’idée que les sujets tentent en réalité de communiquer à l’expérimentateur quelque chose de leur expérience à partir des ressources linguistiques liées à une langue et de représentations linguistiques et psychologiques (individuelles), mais aussi de leurs capacités linguistiques détériorées, on ne peut parler de compensation. Il est au contraire intéressant de pendre en compte les traces dans leur discours de ces tentatives pour évaluer les capacités linguistiques robustes et résiduelles, plutôt que tenter de mettre en évidence des mécanismes de compensation. La compensation renvoie à l’erreur, elle même liée au ’veridical label’. C’est, au contraire, sur des processus individuels dynamiques qu’il faut asseoir les principes de préservation des capacités résiduelles des malades.

A cet égard, l’étude de la production des noms, en particulier, nous a révélé que les patients extraient spontanément des éléments du discours de l’interlocuteur, pour construire leur propre discours. Nous avons par ailleurs vu l’importance des processus implicites épargnés par la maladie. Ainsi est-il important de se référer aux modèles théoriques qui décrivent les conditions de mise en place de ces apprentissages, c’est-à-dire recueillir les réponses dans une situation d’interaction du type adulte–enfant. Il est donc, a notre avis, indispensable d’utiliser systématiquement la reformulation avec les patients atteints de maladie d’Alzheimer, plutôt que de vouloir valoriser à tout prix l’accès au ’veridical label’ à travers des exercices d’entraînement à base de dénomination ou de fluence catégorielle.