2. Les stéréotypes de langage : natures et fonctions.

2.1. Natures.

Dufays (1997 : 316), après les avoir définis comme « des phénomènes langagiers plus ou moins figés et plus ou moins négatifs », a relevé de manière assez complète toutes les formes de stéréotypie relevant de cette catégorie. Y figurent d'abord les clichés qui associent substantif et adjectif, groupes verbaux ou encore groupes adjectivaux, ensuite, lorsqu'on dépasse le cadre du syntagme, les dictons, les lieux communs, les slogans, les citations, les titres d'oeuvres célèbres. Deux grands groupes donc émergent de cette définition : le groupe des « clichés » et celui des « lieux communs ». Nous retrouvons une division parallèle, entre figement strictement formel et conceptuel, dans les propos de Traverso :

‘Je ne m'intéresserai pas ici à ce que l'on associe peut-être le plus immédiatement aux lieux communs de la conversation, les échanges sur le temps, la santé, les idées toutes faites en vogue dans le groupe, souvent tenus pour preuve du caractère non-informatif de la conversation. Je me propose d'aborder les échanges désignés dans la littérature sur l'interaction par les termes de « routines » et de montrer en quoi la notion de « lieux communs » peut être opératoire pour en rendre compte (Traverso 1993 : 111 ; nous soulignons).’

Toutefois, il ne sera pas toujours possible de les distinguer strictement dans la mesure où de nombreux lieux communs empruntent l'expression formelle d'un cliché. Ainsi dire « il fait beau, aujourd'hui » est tout à la fois un lieu commun de la conversation et un cliché.

En outre, dans la définition de Dufays, apparaît aussi en filigrane la grande question du figement de l'expression, objet essentiel de son traitement linguistique. D'éminents linguistes comme Gross (1996) ont tenté de caractériser les expressions figées et de les classifier. Ainsi, dans le domaine linguistique, une espèce de fusion s'est opérée entre cliché et expression figée. Or, comme l'indique Dufays, le cliché n'est que plus ou moins figé et le critère de figement, relativement intéressant pour son identification, ne l'est pas pour sa description. Des paramètres tels que le rôle pragmatique et le contexte d'émergence s'avéreront plus opérationnels sur ce plan.

Dans le cadre du texte littéraire, une deuxième distinction s'avère non seulement nécessaire, mais encore relativement opérationnelle : les stéréotypes d'elocutio peuvent apparaître soit sous la plume du narrateur, soit dans les propos des personnages, soit encore relever d'un style d'écriture et être alors imputables directement à l'auteur inscrit. On nommera cette dernière catégorie les stéréotypes d'écriture, dans la mesure où, figurant souvent dans la partie narrative (où ils seront d'ailleurs étudiés), ils peuvent aussi apparaître dans les propos des personnages et transcender ainsi les deux autres catégories en créant de la sorte une forme d'harmonisation entre les parties narratives et dialogales.