DEUXIÈME PARTIE : LE DIALOGUE DES PERSONNAGES

Introduction

Cette partie se centrera plus précisément sur l’étude des dialogues entre les personnages. Il s’agira d’étudier les différentes interactions à la lumière de ce que les interactionnistes ont fait pour les conversations authentiques. Les spécificités du dialogue littéraire, par la mise en forme qu’il exige, font apparaître certains mécanismes qui, en retour, pourront contribuer à l’analyse des conversations authentiques. Pour ces dernières, de nombreux phénomènes ont été analysés, notamment par des études anglaises et américaines. Kerbrat-Orecchioni, dans les trois volumes qu’elle consacre aux interactions verbales, les passe quasiment tous en revue, synthétisant la plupart des théories en cours et apportant, pour les interactions réelles, un éclairage particulier notamment concernant le trope communicationnel, la classification des dialogues et le vaste domaine de la politesse linguistique.

Il sera évidemment impossible de développer ici tous les aspects abordés et analysés par Kerbrat-Orecchioni, d’autant que certains, comme le système des tours de parole, ne revêtent aucune pertinence pour l’étude du dialogue romanesque où ils sont fixés par l’auteur et ne font l’objet d’aucune négociation. Certaines notions, comme les relations interpersonnelles ou l’organisation structurale, le cadre participatif et la typologie des interactions, seront utilisées dans ce qu’elles ont d’opératoire pour le dialogue romanesque. Nous les retrouverons nécessairement, et de façon plus approfondie, dans la troisième partie.

Cette deuxième partie sera donc articulée sur trois éléments interdépendants et étroitement imbriqués dans les interactions, à savoir la communication non verbale 143, la politesse et l’émotion. Nous consacrerons à chacun d’eux, et à leur fonctionnement à l’intérieur de l’écriture durassienne, un chapitre entier. Ce choix relève de la nouveauté d’une telle problématique dans le contexte du dialogue romanesque, mais aussi de l’intérêt spécifique de ce type d’étude dans le cadre durassien où communication non verbale, politesse et émotion s’inscrivent de manière fondamentale au sein de l’écriture et sont à notre sens parmi les structures fondatrices de l’écriture, comme elles peuvent l’être chez Proust. Signalons également que l’étude du mécanisme de la politesse chez Duras nous aura conduite à réviser quelque peu le modèle théorique général.

Ces notions permettront d’aborder la problématique des actes de langage. Leur champ d’étude est vaste144, et puisque Lane-Mercier (1989 : 96-105), Durrer (1996 : 70-83) et Berthelot (2001 : 54-64) les ont déjà envisagés pour le dialogue romanesque, nous avons préféré ne les traiter qu’au fil des chapitres, en nous interrogeant sur leur correspondance avec certains phénomènes non verbaux et dans leur fonctionnement avec la politesse et avec l’émotion.

Notes
143.

Le lien avec la macrocommunication y sera encore très explicite.

144.

Une thèse concernant Duras est en cours sur ce sujet.