2. La nature de la communication non verbale.

Marguerite Duras attache une extrême importance à la notation du non verbal, et certains romans, comme L’amour, se centrent beaucoup plus sur les déambulations des personnages, sur le triangle qu’ils forment et défont que sur l’échange verbal proprement dit. Néanmoins, tous les romans ne sont pas égaux devant le phénomène. Les chevaux contiennent à peu près le double de notations du non verbal que les autres romans. Quant à La pluie et à L’amant, ils en comportent la moitié moins, ce qui s’explique par le fait que l’un a été écrit après la réalisation du film Les enfants - et que l’écriture témoigne d’une volonté de situer le texte dans le code théâtral où justement le non verbal est assumé par le comédien -, et que L’amant est un roman de nature autobiographique, pour lequel la vraisemblabilisation du récit passe par l’imprécision du souvenir. Pour Les chevaux, la seule hypothèse à retenir serait d’appartenir à une écriture encore reliée à l’ancien style beaucoup plus classique de la romancière.

Mais, quelle que soit la quantité de signaux non verbaux mentionnés, il est de fait que, chez Duras, la seule vraie communication entre les personnages relève du non verbal. Ainsi, beaucoup de regards sont réciproques, la danse indique le désir de l’autre, le rire se communique et le positionnement spatial trahit des affinités cachées.

Afin d’analyser la spécificité du non verbal dans l’écriture durassienne, nous examinerons la nature des éléments non verbaux à la lumière de ce qui a été établi pour les interactions authentiques. Néanmoins, certaines fonctions, quand elles sont en lien direct avec la nature de ces éléments, seront abordées ici. Par la suite, sous l’intitulé Fonctions, seront examinées celles qui peuvent être exercées indifféremment par des éléments non verbaux ou paraverbaux. Ainsi, le fait d’exprimer l’effet perlocutoire peut être exercé par des éléments de diverses natures : rougeur, rire, gestes, mimiques, mouvements. Cette fonction existe donc indépendamment de la nature des éléments.

C’est la classification présentée par Kerbrat-Orecchioni (1990 : 137-138) qui nous servira de guide. Nous rangerons les données d’ordre proxémique avec les cinétiques lents, puisque, comme le signale Kerbrat-Orecchioni, « elles peuvent relever des "statiques", ou des "cinétiques lents" »