2.1. Les personnages.

L’impression globale qui se dégage des personnages durassiens est celle d’une impolitesse fondamentale, même lorsqu’ils empruntent certaines formes de politesse. Cette impolitesse, dans ce que l’on pourrait appeler les romans de famille (Vie tranquille, Impudents, Barrage, Amant, Chine), fonctionne en véritable opérateur de distinction sociale marquée. Picard (1998 : 9), à la suite des travaux de Goblot et de Bourdieu, montre que la notion de « distinction » est « appréhendée comme un des fondements de la ségrégation sociale et à travers laquelle le savoir-vivre apparaît comme la "marque" de la bourgeoisie et le moyen de se "démarquer" des autres classes sociales ». Le personnage des mères est tout à fait éclairant à cet égard : elles sont les seules de la famille à maîtriser le code de politesse sociale qu’elles n’emploient plus d’ailleurs que lorsqu’elles entrent en interaction avec un nouveau venu.

Cette impolitesse peut revêtir la forme d’une attaque de leurs propres faces ou de celles des autres. Elle correspond aux deux formes de la politesse linguistique distinguées par Kerbrat-Orecchioni : celle qui est auto-centrée (centrée sur les ménagements des faces du locuteur) et celle qui est allo-centrée (centrée sur autrui). Il est évident que, dans une définition de la politesse comme attitude altruiste, c’est l’attitude de ménagement de l’autre qui va primer sans qu’on puisse totalement écarter le ménagement de soi-même. Mais le non-ménagement de soi-même place également l’autre en situation délicate car s’il ne constitue pas pour lui une menace directe, il présente une menace qu’on pourrait qualifier de différée en l’obligeant à produire des anti-FTAs ou des FFAs.